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France : ouverture du procès en appel de Rifaat al-Assad, condamné pour corruption

L’oncle en exil du président syrien Bachar al-Assad, qui dément avoir détourné des fonds publics syriens, a été condamné en juin dernier à quatre ans de prison
Rifaat al-Assad, aujourd’hui âgé de 83 ans, n’assiste pas à son procès en appel en raison de son état de santé (AP)
Rifaat al-Assad, aujourd’hui âgé de 83 ans, n’assiste pas à son procès en appel en raison de son état de santé (AP)
Par MEE

Mercredi, la justice française a débuté les auditions dans le procès en appel de Rifaat al-Assad, oncle en exil du président syrien Bachar al-Assad, après sa condamnation l’année dernière pour blanchiment d’argent en lien avec un présumé détournement de fonds publics syriens.

En juin 2020, Rifaat al-Assad, aujourd’hui âgé de 83 ans, avait été condamné en première instance à quatre ans de prison à la suite d’une enquête du parquet financier remontant à 2013.

Le tribunal avait ordonné la saisie d’un patrimoine immobilier en France évalué à 90 millions d’euros et d’une propriété au Royaume-Uni estimée à 29 millions d’euros.

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Assad, frère cadet du défunt président syrien Hafez al-Assad et ancien vice-président et haut responsable à Damas, nie toutes les accusations portées contre lui. Selon Middle East Eye, il se trouverait actuellement à Paris mais n’assisterait pas au procès en raison de problèmes de santé.

Il affirme qu’une grande partie de sa fortune lui vient du soutien financier et immobilier que lui a accordé pendant des décennies le défunt roi d’Arabie saoudite, Abdallah (un parent par alliance), après son départ forcé de Syrie en 1984 à la suite d’accusations de tentative de coup d’État contre son frère.

Sa condamnation l’année dernière avait été saluée par les militants contre la corruption qui ont aidé à constituer le dossier contre lui.

« Le procès de Rifaat al-Assad nous donne l’occasion de dénoncer et de mettre à mal l’impunité dont ont bénéficié jusqu’à présent les personnalités publiques et politiques impliquées dans les crimes financiers et le blanchiment d’argent », a déclaré Sandra Cossart, directrice générale de Sherpa, organisation de lutte contre la corruption qui a déposé la plainte originelle contre Assad en 2013, avant l’ouverture du procès en appel mercredi.

Sherpa et Trial international, une autre ONG impliquée dans cette affaire, avaient appelé en début d’année le président français Emmanuel Macron à retirer à Assad la Légion d’honneur qui lui a été remise par le président François Mitterrand en 1986.

« Parfaitement légale »

Cependant, les avocats d’Assad font valoir que sa fortune est « parfaitement légale » et les procureurs n’ont apporté aucune preuve pour étayer leurs allégations de détournement de fonds publics.

Ils estiment avoir présenté des preuves sous la forme de chèques et de virements du roi Abdallah pour un total de 50 millions de dollars, ainsi que des déclarations de témoins, notamment d’une épouse du défunt roi et d’un ancien chef des renseignements français, ainsi que d’autres preuves témoignant de l’ampleur du soutien financier et foncier accordé à Assad par la famille royale saoudienne.

De plus, il a selon eux été poursuivi injustement en vertu de la loi française sur les « biens mal acquis » visant l’évasion fiscale des ploutocrates et dignitaires étrangers. Celle-ci stipule que les personnes faisant l’objet d’une enquête doivent prouver la provenance de leur fortune.

Les avocats d’Assad soutiennent qu’une grande partie de sa fortune a été acquise avant l’adoption de la loi en 2013 et que les états financiers détaillés de cette période n’existent plus.

Par ailleurs, ils affirment qu’il s’agit d’une affaire aux motivations politiques, « instrumentalisée » par ses ennemis au moment où Assad était impliqué dans des négociations avec des responsables russes et les cercles de l’opposition syrienne et que son neveu semblait être sur le point d’être évincé du pouvoir à Damas.

Abdel Halim Khaddam, photographié en 2011, prétendait qu’Assad avait pris 300 millions de dollars de fonds publics syriens dans le cadre d’un accord secret convenu avec son frère (AFP)
Abdel Halim Khaddam, photographié en 2011, prétendait qu’Assad avait pris 300 millions de dollars de fonds publics syriens dans le cadre d’un accord secret convenu avec son frère (AFP)

Parmi les personnes interrogées par les magistrats figuraient Mustafa Tlass, ministre de la Défense syrien de 1972 à 2004 et Abdul Halim Khaddam, ancien ministre des Affaires étrangères de Hafez al-Assad et ancien vice-président ayant fait défection au profit de l’opposition syrienne en 2011.

Tous deux ont accusé Assad d’avoir volé de l’argent public mais leurs témoignages divergeaient sensiblement.

Tlass affirmait qu’Assad et les forces de sécurité sous son contrôle avaient dévalisé la banque centrale syrienne, emmenant des palettes pleines de billets avant de quitter le pays en 1984. Les magistrats ont concédé pendant le procès avoir écarté le témoignage de Tlass qualifié d’« hypothèse ».

Khaddam accusait Rifaat d’avoir reçu des centaines de millions de dollars de fonds publics dans le cadre d’un accord secret convenu avec son frère pour qu’il quitte le pays. Les avocats de la défense ont pointé les divergences dans le témoignage de Khaddam – notamment les chiffres cités allant de 300 millions à 500 millions de dollars – et ont suggéré que celui-ci était un « opposant historique » d’Assad.

Les deux hommes sont aujourd’hui décédés. Tlass est mort en 2017 et Khaddam en mars 2020.

Autrefois proche de son frère, Assad a été poussé à l’exil en 1984 avec son entourage constitué d’environ 200 autres officiers et responsables, partis initialement en Russie et en Suisse avant de s’installer en France avec la bénédiction de François Mitterrand.

Assad est rentré en Syrie dans les années 1990 pour les funérailles de sa mère et a gardé son titre de vice-président jusqu’en 1998, lorsqu’il a été contraint de repartir lorsque son frère, en mauvaise santé, cherchait à assurer une transition sans heurt du pouvoir au profit de Bachar après sa mort.

Il est l’ancien commandant d’une force paramilitaire célèbre, les Brigades de défense, qui ont été accusées par les organisations de défense des droits de l’homme d’avoir commis des crimes de guerre, notamment lors de la répression d’un soulèvement initié par les Frères musulmans dans la ville de Hama en 1982, causant des milliers de morts selon les estimations. Assad rejette toute responsabilité dans ce massacre.

Les audiences du procès en appel doivent se poursuivre jusqu’au 14 mai.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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