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Bahreïn : des victimes de torture déposent plainte contre la F1

Najah Yusuf et Hajer Mansoor affirment que la société organisatrice du Grand Prix de Formule 1 enfreint sa propre politique en matière de droits de l’homme et demandent au gouvernement britannique d’enquêter
Le pilote britannique de Mercedes Lewis Hamilton remporte le Grand Prix de Bahreïn, en mars 2021 (AFP)

Deux Bahreïnies qui auraient été torturées après avoir manifesté contre le Grand Prix de F1 dans le royaume ont déposé plainte contre la société organisatrice, au motif qu’elle enfreint les normes relatives aux droits de l’homme qu’elle s’était engagée à respecter.

Najah Yusuf, Hajer Mansoor et l’organisation britannique Bahrain Institute for Rights and Democracy (Bird), qui s’associe à la plainte, soutiennent que la F1 n’a pas procédé à la vigilance requise en matière de droits de l’homme avant d’accorder à Bahreïn le plus long contrat dans l’histoire de la société en février.

Najah Yusuf, qui aurait été emprisonnée et torturée pendant trois ans à la suite de ses critiques de la F1 sur les réseaux sociaux, a indiqué dans un communiqué jeudi avoir « le cœur brisé » devant l’inaction de la F1. 

« Cette course a changé ma vie à jamais. Voir mes lettres ignorées par la F1 me brise le cœur. J’ai besoin de son aide pour obtenir justice. Il semblerait que la seule chose dont elle se soucie, ce sont les profits », a-t-elle déclaré. 

« Cette course a changé ma vie à jamais. Voir mes lettres ignorées par la F1 me brise le cœur. J’ai besoin de son aide pour obtenir justice. Il semblerait que la seule chose dont elle se soucie, ce sont les profits » 

- Najah Yusuf 

Les plaignants affirment que, bien que le gouvernement bahreïni ait tenté d’utiliser l’événement pour redorer l’image du pays grâce au sport (sportwashing), les atteintes aux droits de l’homme pour réprimer les manifestations se multiplient chaque année à l’occasion du Grand Prix.

La F1 n’a pas répondu aux sollicitations de MEE.

La plainte a été déposée mercredi auprès de l’organisation UK National Contact Point (UK NCP), qui fait partie du Département britannique du commerce international et gère les allégations d’atteinte aux directives de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par les entreprises britanniques.

En 2015, la F1 a établi une politique en matière de droits de l’homme après une action en justice similaire par des défenseurs des droits de l’homme. Les plaintes actuelles stipulent que la F1 ne met pas en œuvre cette politique et ne répond pas à leurs lettres.

Najah Yusuf, ancienne fonctionnaire et mère de quatre enfants qui vit à Bahreïn, avait dénoncé la F1 et le gouvernement bahreïni dans une publication Facebook en 2017, estimant que le Grand Prix n’était « rien d’autre qu’un moyen pour la famille al-Khalifa de se laver de ses crimes et de ses répugnantes atteintes aux droits de l’homme », en référence à la famille qui règne sur le royaume insulaire.

Elle dit avoir été agressée, torturée et emprisonnée pendant trois ans à la suite de cette publication et relâchée uniquement en raison d’une grâce royale en août 2019 après des pressions internationales.

Risque personnel

Hajer Mansoor a été arrêtée et aurait été torturée et emprisonnée en 2017 en raison de ses activités contestataires et accusée d’avoir placé de fausses bombes. Elle a été libérée en 2020.

Elle ne cesse de nier ces accusations et ses soutiens pensent qu’elle a été détenue en représailles pour les activités contestataires de son beau-fils, Sayed Ahmed Alwadaei (directeur de Bird). 

Ce dernier s’est fait tirer dessus par la police avec de la grenaille en 2012 lors d’une manifestation contre la F1. 

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Le fils de Hajer Mansoor et beau-frère de Sayed Ahmed Alwadaei, Sayed Nizar Alwadaei, purge actuellement une peine de onze ans de prison. Il a été arrêté à l’âge de 18 ans et, comme sa mère, a été condamné pour avoir prétendument placé de fausses bombes.

En 2019, le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a jugé sa détention arbitraire. 

Hajer Mansoor, qui vit à Bahreïn, a déclaré dans un communiqué prendre un risque personnel en s’associant à cette plainte.

« Mon fils est actuellement en train de purger une peine de prison arbitraire pour de fausses accusations, en partie en représailles pour le travail en faveur des droits de l’homme de son beau-frère, lequel concernait notamment la F1 », indique-t-elle. « Qu’elle n’accuse même pas réception de nos lettres enfonce le clou et prouve son mépris pour les droits de l’homme. »

L’ambassade de Bahreïn à Londres n’a pas répondu aux sollicitations de MEE.

Il appartient désormais au UK NCP de décider d’enquêter ou non sur ces plaintes. Le prochain Grand Prix de Bahreïn doit se tenir en mars 2023.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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