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Biden infléchit pour la première fois sa politique de soutien inconditionnel à Israël

Joe Biden, en campagne pour un second mandat, a pour la première fois infléchi jeudi sa ligne de soutien inconditionnel à Israël, cédant à une pression politique de plus en plus intense, y compris au sein de son propre parti
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou accueille le président américain Joe Biden à son arrivée à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, le 18 octobre 2023 (Brendan Smialowski/AFP)
Par AFP

La formulation est prudente, mais le communiqué publié par la Maison-Blanche après une conversation téléphonique du président américain Joe Biden avec Benyamin Netanyahou fait un lien, inédit, entre le soutien de l’Amérique et une action « immédiate » pour répondre au désastre humanitaire dans la bande de Gaza.

Pendant cet échange d’une trentaine de minutes, Joe Biden « a dit clairement qu’Israël devait annoncer et mettre en place des mesures spécifiques, concrètes et tangibles pour répondre à la souffrance des civils, à la crise humanitaire, et pour la sécurité des travailleurs humanitaires », selon ce bref compte-rendu.

Le président américain a averti ensuite le Premier ministre israélien, selon la même source, que « la politique américaine en ce qui concerne Gaza serait déterminée par l’évaluation [qu’il ferait] des décisions immédiates prises par Israël ».

Vendredi, au lendemain de cette mise en garde inédite de son grand partenaire américain, Israël a annoncé autoriser la livraison « temporaire » d’aide dans la bande de Gaza via le port d’Ashdod et le point de passage d’Erez.

« Cette aide accrue permettra d’éviter une crise humanitaire et est nécessaire pour assurer la poursuite des combats et atteindre les objectifs de la guerre », a déclaré le bureau du Premier ministre israélien dans un communiqué.

« Inacceptables »

Les États-Unis ont approuvé des ventes d’armes à Israël pour des dizaines de millions de dollars depuis le début de sa guerre contre le Hamas en octobre, poursuivant ainsi une assistance militaire qui dure depuis des décennies.

Joe Biden, qui juge « inacceptables » tant les frappes israéliennes contre des travailleurs humanitaires que la situation humanitaire générale à Gaza, a également exhorté Benyamin Netanyahou à « conclure sans délai un accord » pour un « cessez-le-feu immédiat », toujours selon le communiqué de la Maison-Blanche.

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Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, a ensuite précisé lors d’une conférence de presse que Washington réclamait une augmentation « spectaculaire » de l’entrée d’aide dans le territoire palestinien menacé de famine, et ce « dans les jours et les heures qui viennent ».

John Kirby a assuré que Joe Biden avait été « secoué » par la mort lundi de sept volontaires humanitaires à Gaza, dont six étrangers, tués par une frappe israélienne, et a reconnu un « mécontentement croissant » des Américains face au gouvernement de Benyamin Netanyahou.

La mort des volontaires de l’ONG World Central Kitchen, dont le président américain s’était « indigné » mardi, a fait monter encore la pression sur le démocrate de 81 ans, y compris de la part de son épouse, Jill Biden.

« Il faut arrêter ça maintenant », aurait demandé la première dame, selon des propos rapportés par Joe Biden aux participants d’une réunion à la Maison-Blanche, et dont le New York Times se fait l’écho.

Israël est « en train de perdre la guerre de la communication », selon Trump

L’un des sénateurs démocrates les plus proches du président, Chris Coons, avait pour sa part reconnu jeudi sur CNN que les États-Unis étaient « arrivés au stade » où il leur faudrait peut-être conditionner l’aide militaire à Israël.

« S’il n’y a pas de conséquences réelles, l’indignation ne mène nulle part », avait par ailleurs averti sur le réseau social X (ex-Twitter) Ben Rhodes, conseiller à la sécurité nationale de l’ancien président Barack Obama.

Joe Biden a endossé le rôle de premier soutien d’Israël depuis l’attaque sans précédent du Hamas, le 7 octobre, et en a fait une affaire « personnelle », selon le mot de son proche conseiller Jake Sullivan.

Rien ne l’avait fait dévier jusqu’ici, ni le bilan toujours plus lourd de victimes civiles à Gaza, ni les manifestations pro-palestiniennes qui accompagnent désormais chacun de ses déplacements.

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Les Américains musulmans et d’origine arabe, et une partie de l’électorat progressiste, ne décolèrent pas contre le président démocrate, accusé de contribuer aux souffrances des Palestiniens.

De quoi inquiéter les partisans de Joe Biden, à quelques mois d’une élection présidentielle qui pourrait être décidée par de très faibles écarts de voix, et alors que le démocrate est au coude-à-coude dans les sondages avec son rival, l’ancien président républicain Donald Trump. 

Ce dernier a déclaré jeudi dans une interview diffusée dans l’émission « The Hugh Hewitt Show » qu’Israël était « en train de perdre la guerre de la communication » à Gaza et avait intérêt à remporter le conflit « rapidement ».

« Il faut en finir et revenir à la normalité », a-t-il ajouté. « Il faut une victoire, et cela prend beaucoup de temps. »

« Revenons à la paix et arrêtons de tuer des gens », a-t-il ajouté.

La campagne de représailles d’Israël après l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre a fait plus de 33 091 morts, selon un dernier bilan du ministère de la Santé à Gaza.

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