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Guerre Israël-Palestine : Biden affirme qu’Israël « bombarde sans discernement » Gaza

Les remarques du président américain reflètent le fossé grandissant entre les États-Unis et Israël sur l’avenir de Gaza une fois la guerre terminée
Le président américain Joe Biden prononce un discours lors d’une réception marquant la fête juive de Hanouka à la Maison-Blanche, à Washington D. C., le 11 décembre 2023 (Reuters)
Par MEE

Le président américain Joe Biden a émis sa plus vive critique à l’égard d’Israël à ce jour, avertissant que l’allié le plus proche des États-Unis au Moyen-Orient commençait à perdre du soutien à travers le monde en raison de ses « bombardements aveugles » sur la bande de Gaza.

Les commentaires de Biden, prononcés devant des donateurs dans un hôtel de Washington mardi, offrent un rare aperçu des inquiétudes de son administration concernant l’offensive israélienne et le gouvernement de Benyamin Netanyahou, alors même que Washington continue de lui apporter une aide militaire.

Biden s’en est spécifiquement pris aux alliés d’extrême droite de Netanyahou, déclarant que « Bibi [avait] une décision difficile à prendre », que son gouvernement était « le plus conservateur de l’histoire d’Israël » et que, selon lui, celui-ci ne voulait pas d’une solution à deux États.

Il a ajouté que Netanyahou « ne [pouvait] exclure la création d’un État palestinien à l’avenir ».

Les remarques de Biden reflètent le fossé grandissant entre les États-Unis et Israël sur l’avenir de Gaza une fois la guerre terminée.

L’administration Biden a toujours déclaré qu’elle souhaitait que l’Autorité palestinienne (AP), qui dispose d’un pouvoir de gouvernement limité en Cisjordanie occupée, prenne le contrôle de l’enclave assiégée une fois la guerre terminée, en vue d’organiser des élections et de créer un État palestinien indépendant.

Or Netanyahou a exclu mardi le retour de l’AP à Gaza dans un communiqué, affirmant qu’il « ne permettrait pas à Israël de répéter l’erreur d’Oslo », faisant référence aux accords de paix des années 1990 qui ont donné naissance à l’Autorité palestinienne.

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Netanyahou, qui fait face à des accusations de corruption et à une probable enquête sur la façon dont l’attaque du Hamas du 7 octobre a pris au dépourvu le gouvernement israélien, dépend des législateurs d’extrême droite pour rester au pouvoir.

Le ministre israélien de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et le ministre des Finances Bezalel Smotrich sont opposés à la création d’un État palestinien indépendant. En fait, le soutien à une présence israélienne permanente à Gaza dépasse les alliés d’extrême droite de Netanyahou. Dans un récent sondage, 44 % des Israéliens interrogés se sont dits favorables au rétablissement de colonies à Gaza après la guerre.

« Il [Netanyahou] doit changer ce gouvernement », a déclaré Biden devant une centaine de donateurs, dont des partisans juifs. « Ce gouvernement en Israël rend les choses très difficiles. »

Le soutien à Israël s’amenuise

Depuis le déclenchement de la guerre, l’administration Biden a fait pression sur Israël pour qu’il réfléchisse à son plan « du lendemain » pour Gaza.

Middle East Eye avait précédemment rapporté que les États-Unis avaient pressé Israël de retarder son invasion terrestre afin de mieux définir son « plan post-Hamas ».

Les États-Unis ont également fait pression sur les pays arabes voisins pour qu’ils jouent un rôle direct dans la sécurité de Gaza, mais certains dont l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi ont rejeté ces demandes.

De fait, l’administration Biden a du mal à concilier ses objectifs déclarés à Gaza.

Les États-Unis affirment qu’ils soutiennent Israël dans son objectif de détruire le Hamas, mais l’Autorité palestinienne – que les États-Unis veulent pour gouverner Gaza – se dit ouverte à un « rôle subalterne » du Hamas au sein du gouvernement.

Par ailleurs, selon des sources proches du dossier qui se sont confiées à MEE, les responsables égyptiens ont prévenu à plusieurs reprises les États-Unis que les objectifs de guerre déclarés par Israël visant à éliminer le Hamas étaient « irréalistes ».

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Les remarques de Biden suggèrent que les États-Unis sont préoccupés par la durée de l’offensive israélienne et l’opinion internationale. La semaine dernière, les États-Unis ont été le seul membre du Conseil de sécurité de l’ONU à opposer un veto à une résolution appelant à un cessez-le-feu.

« La sécurité d’Israël peut s’appuyer sur les États-Unis, mais à l’heure actuelle, il a plus que les États-Unis. Il a l’Union européenne, il a l’Europe, il a la majeure partie du monde... Mais ils commencent à perdre ce soutien avec les bombardements aveugles qui ont lieu », a déclaré Biden.

La déclaration du président américain va bien au-delà des critiques subtiles émises par ses hauts responsables concernant les pertes civiles infligées par l’offensive israélienne.

C’est un coup dur porté publiquement à Israël, qui a défendu le nombre effarant de morts civiles à Gaza en arguant que le Hamas se cachait parmi la population et en affirmant prendre des précautions pour limiter les pertes civiles. Le Hamas nie cette allégation.

Quoi qu’il en soit, les propos de Biden seront probablement cités en référence par les groupes de défense des droits humains, les dirigeants arabes et les Palestiniens, alors qu’ils poussent les États-Unis à maîtriser leur allié, que Washington continue d’armer.

Biden a également semblé révéler des détails d’une conversation privée avec Netanyahou au cours de laquelle le dirigeant israélien a repoussé ses critiques en disant : « Vous avez bombardé massivement l’Allemagne, vous avez largué la bombe atomique, beaucoup de civils sont morts. »

« Oui, c’est pourquoi toutes ces institutions ont été créées après la Seconde Guerre mondiale pour veiller à ce que cela ne se reproduise plus », a déclaré Biden au public. « Ne faites pas les mêmes erreurs que celles que nous avons faites [après] le 11 septembre [2001]. Il n’y a pas de raison pour laquelle nous avons dû participer à une guerre en Afghanistan. »

Traduit de l’anglais (original).

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