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Cisjordanie : six Palestiniens tués dans un nouveau raid israélien à Jénine

Des affrontements armés ont éclaté mardi après-midi après qu’une unité secrète israélienne a été repérée dans la ville palestinienne
Des personnes en deuil portent les corps de Palestiniens tués par les troupes israéliennes lors d’un raid à Jénine, en Cisjordanie occupée, le 7 mars 2023 (Reuters)

Six Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes ce mardi lors d’un nouveau raid dans la ville de Jénine, en Cisjordanie occupée.

L’opération a commencé vers 15 heures lorsqu’une unité secrète israélienne a été découverte dans le camp de réfugiés de Jénine, ont déclaré des témoins à Middle East Eye.

D’importants renforts militaires israéliens ont suivi : des dizaines de véhicules blindés, des hélicoptères militaires, des tireurs d’élite, des drones et des bulldozers.

L’armée israélienne s’est retirée de la ville après presque trois heures de violents affrontements armés avec des combattants de la résistance palestinienne.

Selon les médias israéliens, deux soldats ont été blessés dans les affrontements.

« Ils ont frappé la maison avec un missile, c’est comme la guerre dehors, des affrontements et des gens tués partout »

- Un habitant de Jénine

Parmi les palestiniens tués lors du raid figure Abdel Fattah Hussain Kharousha (49 ans), l’homme qui, selon Israël, est l’auteur du meurtre de deux colons israéliens le 26 février à Huwara, près de la ville de Naplouse.

Kharousha est un membre du Hamas qui a déjà passé du temps en détention en Israël, selon les médias locaux.

Le ministère palestinien de la Santé a identifié les cinq autres hommes tués comme étant Mohammad Wael Gazzawi (26 ans), Mohammad Ahmad Khalouf (22 ans), Tareq Ziad Natour (27 ans), Ziad Amin al-Zareeni (29 ans) et Motasem Naser Sabbagh (22 ans).

Au moins 26 autres personnes ont été blessées, dont trois dans un état critique, a ajouté le ministère.

L’Autorité palestinienne (AP), qui coordonne la sécurité en Cisjordanie avec Israël, a condamné le raid.

Nabil Abu Rudeineh, porte-parole du président de l’AP Mahmoud Abbas, a déclaré : « Le crime commis par les forces d’occupation réaffirme l’intention du gouvernement israélien de contrecarrer tous les efforts régionaux et internationaux visant à mettre fin à toutes les actions unilatérales, que la partie israélienne insiste à poursuivre. »

Selon l’agence de presse officielle palestinienne Wafa, Nabil Abu Rudeineh a qualifié l’utilisation de roquettes et de missiles pour bombarder des maisons de « guerre totale ».

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a pour sa part fait l’éloge des forces israéliennes qui ont participé à l’opération.

« Nos braves soldats ont opéré avec une précision chirurgicale au cœur de l’antre des meurtriers. Je les félicite et j’envoie mes meilleurs vœux aux blessés parmi nos forces », a-t-il dit dans un communiqué.

« On ne peut pas mettre un pied dehors »

Sari Sammour, un militant basé à Jénine, a indiqué à MEE que les forces israéliennes avaient encerclé plusieurs bâtiments et les avaient attaqués à l’aide de missiles. L’une des maisons était abandonnée depuis la première Intifada, selon Sammour.

Un autre bâtiment visé abritait Iyyad al-Azmi, le père d’Amjad al-Azmi, qui a récemment été tué par les forces israéliennes.

« Ils ont frappé la maison avec un missile, c’est comme la guerre dehors, des affrontements et des gens tués partout », a déclaré à MEE Mohammad al-Azmi, le frère d’Iyyad.

Ce dernier aurait été invité à se rendre à l’armée. Peu d’informations étaient disponibles sur son sort au moment des faits.

« Nous sommes coincés dans la maison, nous ne pouvons pas mettre un pied dehors. Les affrontements se poursuivent », a déclaré Mohammad lors du raid.

Des médecins et journalistes palestiniens ont affirmé avoir également été la cible d’attaques.

La Société du Croissant-Rouge palestinien a indiqué aux médias locaux qu’une ambulance avait été touchée par balles et empêchée d’atteindre les blessés.

Anas Huwaisha, un journaliste palestinien qui se trouvait sur les lieux, a déclaré à MEE avoir essuyé des tirs nourris de soldats israéliens alors qu’il couvrait le raid. Il n’a pas été blessé mais a été contraint de fuir les lieux.

Lors des violents affrontements, des combattants palestiniens ont abattu au moins un drone de surveillance, d’après Huwaisha.

Un hélicoptère patrouille lors d’un raid de l’armée israélienne à Jénine, en Cisjordanie occupée, le 7 mars 2023 (Reuters)
Un hélicoptère patrouille lors d’un raid de l’armée israélienne à Jénine, en Cisjordanie occupée, le 7 mars 2023 (Reuters)

Les Brigades de Jénine, un groupe armé récemment formé dans cette ville du nord de la Cisjordanie, et d’autres groupes armés palestiniens ont indiqué participer aux affrontements avec les soldats israéliens pendant le raid.

Au même moment, une autre force israélienne a attaqué des quartiers de la ville de Naplouse et arrêté trois Palestiniens.

Selon des responsables israéliens, la cible de l’opération était Kharousha, responsable selon eux du meurtre des deux Israéliens le 26 février à Huwara.

Leur mort a été suivie d’un violent saccage de vengeance à Huwara par des centaines de colons israéliens vivant dans des colonies à proximité, tuant un Palestinien et détruisant des dizaines de maisons et de voitures.

Hausse des raids israéliens

Les forces israéliennes ont tué au moins 69 Palestiniens depuis janvier 2023, soit près d’un mort par jour.

C’est le début d’année le plus sanglant depuis 2000, selon le ministère palestinien de la Santé.

Au moins 13 Israéliens ont été tués par des Palestiniens au cours de la même période.

Jusqu’à récemment, les raids israéliens d’envergure comme celui de Jénine ce mardi étaient rares dans la journée. Mais les attaques de l’armée israélienne ont connu une hausse notable ces derniers mois.

Comme la « Nakba » : attaque meurtrière de colons en Cisjordanie occupée après la mort de deux Israéliens
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Durant un autre raid à Jénine le 26 janvier dernier, l’armée israélienne a causé la mort de dix Palestiniens. Une autre opération similaire à grande échelle à Naplouse le 22 février a tué onze Palestiniens, dont au moins quatre non armés.

Naplouse et Jénine ont connu une recrudescence des actes de résistance armés contre des cibles israéliennes ces derniers mois.

Alors que les fêtes musulmane, chrétienne et juive tombent au même moment le mois prochain, beaucoup craignent que d’autres escalades meurtrières ne se produisent.

Le directeur de la CIA, William Burns, a récemment déclaré que les tensions actuelles en Cisjordanie avaient une « ressemblance malheureuse » avec la Seconde Intifada.

La menace d’une flambée de violence incontrôlable a incité la Jordanie, l’Égypte et les États-Unis à lancer des efforts de désescalade ces derniers mois.

La France « extrêmement préoccupée »

La France s’est dite pour sa part « extrêmement préoccupée » par la vague de violences, a assuré la ministre française des Affaires étrangères lors d’une audition mardi soir devant l’Assemblée nationale.

Catherine Colonna n’a pas directement répondu aux députés l’interpellant sur la possibilité de prendre des sanctions à l’encontre du gouvernement israélien mais a rappelé les condamnations récentes de la France relatives notamment aux « violences » commises par les colons israéliens à l’encontre de civils palestiniens.

« Nous sommes extrêmement préoccupés par ce qu’il se passe sur le terrain, qui est une dégradation continue », a-t-elle martelé.

« La violence engendre la violence et nous avons appelé les uns et les autres à d’autres comportements », a ajouté la ministre.

Elle a également souligné le « contraste saisissant entre les violences quotidiennes qui sont clairement à la hausse et les promesses de ce que les accords d’Abraham devaient apporter ».

Les accords d’Abraham avaient lancé le processus de normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes.

Catherine Colonna a jugé que ces accords, quoique « insuffisants », restaient « utiles parce qu’ils peuvent faire baisser la tension ».

Elle a également répété la position de la France, qui prône le rétablissement d’un « horizon politique en faveur d’une solution à deux États » pour apporter « une paix juste et durable » aux Israéliens et aux Palestiniens.

Traduit de l’anglais (original) et mis à jour avec les déclarations de Catherine Colonna.

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