La Syrie moque « l’hystérie et les positions isolées de la diplomatie française »
La Syrie a qualifié mercredi « d’hystérie » l’attitude de la France après des déclarations la veille de sa cheffe de la diplomatie se disant favorable à un procès du président Bachar al-Assad.
Interrogée mardi sur la chaîne de télévision France 2 par un journaliste qui lui demandait : « Souhaitez-vous qu’il soit jugé ? », la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna a déclaré: « La réponse est oui ».
« La lutte contre les crimes, contre l’impunité, fait partie des valeurs de la diplomatie française », a-t-elle ajouté.
🇸🇾🗣 "C'est un dirigeant qui est depuis plus de 10 ans l'ennemi de son peuple. Tant qu'il ne changera pas, il n'y a pas de raison qu'il redevienne un interlocuteur pour la France"
— Telematin (@telematin) May 23, 2023
Catherine Colonna sur Bachar al-Assad. #Les4V @MinColonna pic.twitter.com/dHskq30oFE
« Chaque fois que j’ai à m’exprimer sur la question syrienne, dans nos priorités, il y a cette lutte contre l’impunité », a-t-elle insisté.
« Il faut se souvenir de qui est Bachar al-Assad. C’est un dirigeant qui a été depuis plus de dix ans l’ennemi de son peuple », a aussi déclaré la ministre. « Il faut se rappeler qu’il y a eu des centaines de milliers de morts, l’utilisation d’armes chimiques. »
Sur France Inter, l’éditorialiste Jean-Marc Four rappelle toutefois dans l’émission « Le Monde d’après » : « Reposer la question en termes de justice internationale permet à la France de garder une posture morale. Mais qui ne l’engage guère : comme la Syrie n’a jamais reconnu la Cour pénale internationale, Bachar al Assad ne peut pas être poursuivi par elle. »
« La diplomatie française à contre-courant »
« Nous avons récemment suivi l’hystérie et les positions isolées de la diplomatie française, qui ont perdu leur sens après les décisions historiques du sommet arabe en Arabie saoudite à propos de la Syrie », a déclaré mercredi le ministère syrien des Affaires étrangères dans un communiqué.
« La diplomatie française à contre-courant doit revoir ses positions », a ajouté le ministère, en accusant aussi la France de chercher « à rétablir l’héritage de l’ère coloniale ».
Bachar al-Assad a fait son retour sur la scène régionale en participant la semaine dernière en Arabie saoudite au sommet de la Ligue arabe, après en avoir été exclu pendant plus d’une décennie.
La ministre française a souligné que la levée des sanctions européennes imposées depuis 2011 à Damas n’étaient « certainement pas » à l’ordre du jour, de même qu’un changement de position de la France vis-à-vis du président syrien.
« Tant qu’il ne change pas, tant qu’il ne prend pas des engagements de réconciliation, de lutte contre le terrorisme, de lutte contre la drogue, […] qu’il ne respecte pas ses engagements, il n’y a pas de raison de changer d’attitude à son endroit », a-t-elle également estimé.
Pendant la campagne présidentielle de 2022, la candidate présidentielle d’extrême droite Marine Le Pen avait appelé à la reprise des relations diplomatiques de la France avec la Syrie, critiquant la décision de Macron de rompre les liens avec Damas. « C’est dans les moments critiques et complexes de crise, en particulier lorsque [la Syrie] était confrontée au terrorisme islamique, que les canaux de dialogue et de communication sont nécessaires », avait-elle déclaré.
Jean-Marc Four rappelle pour le contexte que la France a été un des premiers pays à fermer son ambassade à Damas. « Cette position radicale lui a été souvent été reprochée, y compris par certains européens qui ont moins de scrupules à maintenir des liens, même discrets, avec le maître de Damas », explique-t-il. « Mais Paris n’a finalement peut-être pas apprécié le coup de poker diplomatique qui s’est joué, de façon quasi inaperçue, il y a dix jours. »
La Ligue arabe avait exclu le régime syrien fin 2011 pour sa répression d’un soulèvement populaire qui a dégénéré en guerre dévastatrice, avant de le réintégrer le 7 mai.
Après le séisme dévastateur du 6 février en Syrie, l’Union européenne et les États-Unis avaient allégé leurs sanctions imposées au gouvernement syrien depuis 2011.
La guerre en Syrie, où les combats se sont quasiment tus, a fait environ 500 000 morts, ainsi que des millions de réfugiés et déplacés.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].