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L’Égypte « détient et torture » des femmes proches de militants de l’EI dans le nord du Sinaï

Des femmes et des filles victimes de viol et de mariage forcé aux mains de la branche locale de l’État islamique sont détenues au secret et maltraitées par les autorités égyptiennes, selon des ONG de défense des droits de l’homme
Des policiers égyptiens dans une rue d’el-Arich, capitale du gouvernorat du Sinaï Nord, le 26 juillet 2018 (AFP)
Par MEE

Les autorités égyptiennes ont arbitrairement détenu et torturé des femmes et des filles liées à des hommes soupçonnés d’appartenir à une filiale du groupe État islamique (EI) dans la région du Sinaï Nord, selon un rapport publié mercredi.

Les autorités détiennent des femmes et des filles au secret, parfois depuis plusieurs années, en partie dans le but d’obtenir des informations sur leurs proches soupçonnés de liens avec la Province du Sinaï, branche locale de l’État islamique.

Selon le rapport de Human Rights Watch et de la Sinai Foundation for Human Rights (SFHR), nombre de ces femmes ont elles-mêmes été victimes de maltraitance de la part de ces militants.

« Les autorités égyptiennes maltraitent de nombreuses femmes et enfants dans le Sinaï Nord afin d’obtenir des informations sur leurs proches soupçonnés d’affiliation à l’EI ou de faire pression sur ces suspects pour qu’ils se rendent », a déclaré Ahmed Salem, directeur exécutif de la Sinai Foundation.

« Les autorités doivent immédiatement libérer toutes les femmes et les filles détenues simplement parce qu’elles sont liées ou associées à des suspects de sexe masculin, et enquêter sur les actes de torture et autres mauvais traitements qu’elles ont subis. »

Les deux associations ont documenté des cas impliquant dix-neuf femmes et deux filles entre 2017 et 2022, interrogeant des proches, des avocats et des prisonnières actuelles et anciennes.

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Des proches de trois détenues ont déclaré que les autorités égyptiennes avaient battu les femmes et les avaient soumises à des décharges électriques, tandis que d’autres avaient été giflées, avaient eu les yeux bandés et avaient été insultées.

Plusieurs des femmes avaient déjà été maltraitées par des militants de la Province du Sinaï, parfois violées et mariées de force, selon les sources.

Dans tous les cas examinés par les ONG, les détenues n’ont pas été traitées comme des victimes potentielles d’actes criminels par les autorités égyptiennes.

Dans six cas, les forces de sécurité ont arrêté des femmes et des filles qui avaient échappé au groupe affilié à l’EI et cherché protection auprès des autorités de l’État. Plusieurs d’entre elles ont été accusées d’avoir rejoint un groupe terroriste et de lui avoir apporté un soutien logistique.

« Des abus intolérables »

« De nombreuses femmes et filles du Sinaï Nord avaient déjà subi des abus intolérables de la part de membres liés à l’État islamique », a déclaré Adam Coogle, directeur adjoint de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« Le gouvernement égyptien devrait les protéger, pas les enfermer et les torturer. »

Les ONG ont appelé les partenaires internationaux de l’Égypte à exhorter les autorités à mettre fin aux abus des forces de sécurité et demandé aux Nations unies de s’attaquer à la détérioration des droits de l’homme dans le pays.

« Le gouvernement égyptien devrait protéger [ces femmes et ces filles], pas les enfermer et les torturer »

- Adam Coogle, Human Rights Watch

L’Égypte a déclaré la guerre à l’EI à la suite du coup d’État mené par le président Abdel Fattah al-Sissi en 2013, lorsque cet ancien général de l’armée a renversé son prédécesseur civil démocratiquement élu, Mohamed Morsi.

Des années d’opérations militaires dans le nord du Sinaï entre les forces armées égyptiennes et la branche locale du groupe État islamique ont fait des ravages parmi les civils et les soldats.

Human Rights Watch estime que plus de 100 000 des 450 000 habitants de la région ont été déplacés ou ont quitté la région depuis 2013.

Si le nombre de morts dans le conflit n’est pas accessible au public, un décompte réalisé par des chercheurs indépendants souhaitant garder l’anonymat pour des raisons de sécurité indique que plus de 1 500 militaires ont été tués entre 2011 et juin 2018.

Middle East Eye a rapporté le mois dernier que l’armée égyptienne avait détruit « inutilement » des écoles dans la péninsule du Sinaï dans le cadre de sa guerre contre les militants armés, forçant toute une génération d’élèves à arrêter l’école.

Traduit de l’anglais (original).

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