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Égypte : les services de sécurité ont commis des « crimes de guerre » au Sinaï

Human Rights Watch accuse les forces égyptiennes d’avoir procédé à des exécutions extrajudiciaires et des arrestations arbitraires
Une vue du village d’al-Hamada à Wadi el-Sahu, dans le gouvernorat du Sinaï Sud (AFP)

Les forces de sécurité égyptiennes ont commis des crimes de guerre contre des civils dans la péninsule du Sinaï, notamment des détentions de masse, des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires, indique un nouveau rapport publié par Human Rights Watch (HRW). 

Suite à une enquête de deux ans, le rapport publié ce mardi documente les attaques aériennes et terrestres « illégales » contre les civils dans la région. 

« Nous sommes la proie de tout le monde »

- Un habitant du Sinaï

L’armée égyptienne rencontre des difficultés dans sa lutte contre les militants de l’État islamique (EI) dans le Sinaï, lesquels mènent des attaques contre les touristes, les forces de sécurité et les fidèles dans leurs lieux de culte.

« Des milliers de familles vivent dans l’angoisse parce qu’elles ne connaissent pas le sort de leurs proches », explique-t-il à Middle East Eye. 

« Le gouvernement égyptien pourrait réagir rapidement en libérant les personnes détenues et en révélant où sont les personnes arrêtées. » 

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Amr Magdi critique également les tactiques de l’armée, expliquant que les barrages et l’interdiction de véhicules ont provoqué une « grave pénurie de nourriture » dans certaines régions.

« Ces restrictions ont également un impact sur les gens qui essaient de reconstruire leur vie. Des témoins nous ont raconté que l’armée ordonnait à certaines familles de quitter leur maison dans les 24 à 48 heures », précise le chercheur. 

« Ils doivent reconstruire leur vie et ne peuvent emporter leurs effets personnels parce que l’armée a fortement restreint la circulation de biens comme l’essence. Les familles très pauvres doivent vivre dans des cabanes que l’armée brûle également [en raison de] “problèmes de sécurité”. »

D’anciens détenus du Sinaï s’étant confié à l’ONG de défense des droits de l’homme ont rapporté que l’armée et la police avaient également arrêté des enfants d’à peine 12 ans et tué des détenus dans le désert, sans procès. 

« Pourquoi tout cela ? »

HRW note que le « fait de viser des civils et de commettre des abus à leur encontre » ainsi que l’incapacité à « distinguer les civils des combattants » ont détruits les droits fondamentaux dans la région. 

« Et tout cela, pour quelle raison ? Est-ce que nous devons nous armer et collaborer avec les miliciens, ou avec l’armée, ou bien vivre en victimes ? Nous sommes la proie de tout le monde », a déclaré un habitant à HRW, décrivant comment l’armée l’avait puni et avait détruit sa maison après que les militants de l’EI l’eurent enlevé et torturé.

« Cette manière effroyable de traiter les habitants du Sinaï devrait être un signal d’alarme supplémentaire pour des pays comme les États-Unis et la France, qui soutiennent aveuglément les efforts antiterroristes de l’Égypte »

- Michael Page, Human Rights Watch

L’armée égyptienne a déployé 40 000 soldats dans le Sinaï, notamment des unités de la marine, de l’armée de l’air et de l’infanterie, suite au ralliement du groupe armé local Ansar Bayt al-Maqdis à l’EI en 2014. 

Le Caire a coordonné le déploiement de ces unités avec Israël et l’aurait autorisé à effectuer des frappes aériennes au Sinaï contre des cibles militantes, selon les informations des médias.

« Au lieu de protéger les habitants du Sinaï lors de leurs affrontements avec les miliciens, les forces de sécurité égyptiennes ont fait preuve du plus grand mépris envers la vie des habitants, transformant leur vie quotidienne en un cauchemar d’abus ininterrompus », a déclaré dans un communiqué Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de HRW.

« Cette manière effroyable de traiter les habitants du Sinaï devrait être un signal d’alarme supplémentaire pour des pays comme les États-Unis et la France, qui soutiennent aveuglément les efforts antiterroristes de l’Égypte. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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