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Les « bébés en plastique » de Gaza : le maire de Nice visé par une plainte

Après avoir dit que les médias diffusaient des images de bébés palestiniens « en plastique », accusé de propager de fausses informations, Christian Estrosi a tenté de se défendre en affirmant « que ce serait bien plus grave » si le Hamas utilisait de vrais « enfants civils morts »
« J’ai plus confiance dans les éléments qui sont fournis par les représentants de l’État d’Israël en France que par la communication des terroristes du Hamas », a déclaré Christian Estrosi sur France 3 (AFP/Loïc Venance)
« J’ai plus confiance dans les éléments qui sont fournis par les représentants de l’État d’Israël en France que par la communication des terroristes du Hamas », a déclaré Christian Estrosi sur France 3 (AFP/Loïc Venance)
Par MEE

« Il est inadmissible et honteux d’avoir des propos qui remettent en doute la souffrance des civils palestiniens qui ont perdu des membres de leur famille tués par l’armée israélienne. »

Dans un communiqué publié lundi 11 décembre, l’association humanitaire De Nice à Gaza a annoncé avoir déposé plainte contre le maire de Nice Christian Estrosi pour « propos mensongers et graves ».

Invité de l’interview politique du journal de France 3, dimanche 10 décembre, le vice-président du parti Horizons (centre droit, soutien de l’actuelle majorité présidentielle) a accusé les médias de diffuser de fausses images d’enfants palestiniens morts à Gaza

« Nous sommes dans une guerre d’images. D’un côté, vous-mêmes, médias, vous passez des images où on voit des mamans qui pleurent avec un bébé en plastique faisant croire que c’est un bébé mort… », a-t-il affirmé. Le journaliste Francis Letellier lui a alors coupé la parole en précisant : « Il y a aussi des vrais enfants qui meurent. »

Depuis le 7 octobre, selon le ministère de la Santé du Hamas, 18 412 personnes ont été tuées par les bombardements israéliens sur Gaza, en grande majorité des femmes et des enfants.

Aussitôt, les réseaux sociaux se sont enflammés. De nombreux internautes, dont des élus, des acteurs de la société civile française ou des personnalités des médias, ont dénoncé des propos « immondes », « à vomir », accusant le maire de Nice d’être « négationniste » et « obscène ».

Parmi les médias mis en cause, certains ont procédé à un fact-checking.

« C’est faux, ces images existent et elles montrent bien une mère avec son enfant sans vie dans les bras », écrit ainsi France Info.

Il s’agit d’une vidéo publiée sur Instagram par un reporter photographe palestinien le 1er décembre : on y voit une jeune maman pleurer la mort d’un bébé, tenant entre ses mains le corps sans vie d’un nourrisson.

Il existe aussi une autre vidéo montrant un grand-père avec dans ses bras le même bébé dans un linceul.

Il s’appelait Muhammad Hani al-Zahar

L’agence de presse turque Anadolu, présente sur place au moment des faits, a identifié ce bébé. Il s’appelait Muhammad Hani al-Zahar, et était âgé de 5 mois. La mère s’appelle Asmahan Attia al-Zahar, le grand-père Attia Abu Amra. L’agence de presse a publié plusieurs dizaines d’autres photos de cette même scène où l’on voit l’enfant décédé. 

Dans les deux cas, le teint cireux du nourrisson a été à l’origine d’accusations sur les réseaux sociaux. Selon les commentaires des légistes interrogés par « Les Observateurs » de France 24, ces images sont « compatibles avec celles d’un bébé mort depuis très peu de temps ».

Des internautes ont cependant dénoncé « une mise en scène », des accusations reprises par le site israélien The Jerusalem Post, qui a ensuite reconnu avoir publié « un article basé sur des sources erronées. »

De nombreux comptes pro-israéliens détournent notamment des vidéos afin d’accuser les victimes civiles de Gaza de fabriquer leurs blessures. Ces vidéos sont ensuite reprises par certains médias et membres du gouvernement israélien : on appelle cela le « Pallywood », jeu de mots composé de « Palestine » et « Hollywood ». Cette expression vise à montrer que les victimes civiles palestiniennes font partie d’une « industrie cinématographique », qui aurait pour but de retourner l’opinion publique contre Israël.

Interpellé sur ce sujet sur CNEWS ce mercredi 13 décembre, Christian Estrosi persiste et signe. Selon lui, ses propos reposent sur un tweet de l’ambassade d’Israël en France. « Permettez-moi de vous dire que j’ai plus confiance dans les éléments qui sont fournis par les représentants de l’État d’Israël en France que par la communication des terroristes du Hamas dont on sait qu’ils utilisent tous les moyens possibles pour semer le doute. »

Il ajoute : « C’est plus grave si ce que le Hamas essaie d’exhiber était un enfant civil mort qui a servi de bouclier humain que si c’était, comme le présente l’ambassade d’Israël en France, qui a toute ma confiance, un jouet en réalité. »

« Les propos tenus par Christian Estrosi à l’antenne de France 3 sont déshumanisants et inacceptables », insiste l’association De Nice à Gaza.

 « Notre association a été créée il y a un mois, par quatre femmes dont deux ont été placées en garde à vue à la suite d’une manifestation [pour la Palestine] interdite et d’une perquisition chez elles », rapporte à Middle East Eye Hager Barkous, en évoquant son propre cas.

Elles ont créé l’association pour défendre le peuple palestinien en organisant des tables rondes, des manifestations, des veillées, des conférences. « Nous sommes déterminées à faire valoir nos droits [organiser des manifestations] et sensibiliser la population niçoise à la cause palestinienne. »

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