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France : l’imam tunisien menacé d’expulsion dénonce « une injustice »

Mahjoub Mahjoubi, qui dit « subir avec sa famille un acharnement » médiatique depuis que l’affaire a éclaté, a présenté ses excuses. Ses défenseurs dénoncent une nouvelle « campagne islamophobe »
« Au lieu de dire ‘’tous ces drapeaux multicolores ou de différentes couleurs’’, et bien j’ai dit ‘’tous ces drapeaux tricolores’’, mais en aucun cas je ne parlais de la France », s’est défendu l’imam (capture d'écran)
« Au lieu de dire ‘’tous ces drapeaux multicolores ou de différentes couleurs’’, et bien j’ai dit ‘’tous ces drapeaux tricolores’’, mais en aucun cas je ne parlais de la France », s’est défendu l’imam (capture d'écran)
Par MEE

« Je suis l’homme à abattre. » L’imam tunisien Mahjoub Mahjoubi, menacé d’expulsion par les autorités françaises, s’estime victime d’une « injustice ».

À l’antenne de BFMTV lundi 19 février, il s’est défendu de tout appel à la haine, ce dont l’accuse Gérald Darmain.

Ce dernier a publié dimanche 18 février un tweet dans lequel il annonce avoir demandé au préfet du Gard (sud-est) de saisir le procureur de la République. Il a également demandé le retrait du titre de séjour de l’imam.

Depuis, une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme a été ouverte par le parquet de Nîmes.

À l’origine de cette décision : entre autres, une vidéo datant du 9 février dans laquelle l’imam Mahjoub Mahjoubi qualifie le « drapeau tricolore » – sans préciser s’il parle du drapeau français –  de « drapeau satanique » qui n’a « aucune valeur auprès d’Allah ».

«  Des propos qui, quoi qu’on en pense, ont donc été largement tronqués et détournés ces derniers jours, dans le cadre d’une cabale d’extrême droite, reprise par le gouvernement, qui partage avec le RN [Rassemblement national] le goût de la chasse aux imams ‘’anti-français’’ », commente le site Révolution permanente.

Mais selon Jérôme Bonet, le préfet du Gard, au micro de France Info, « ce n’est pas que cet extrait de vidéo qui a justifié la réaction du ministre de l’Intérieur ».

Selon lui, la mosquée Ettaouba de la petite ville de Bagnols-sur-Cèze, où offficie l’imam, « probablement à la dérive », faisait l’objet d’un suivi depuis plusieurs mois. Et cette « dérive est consacrée par plusieurs prêches récents ».

Un « lapsus »

Le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE), ONG basée à Bruxelles, a republié la vidéo controversée sur X pour montrer que les propos avaient été « détournés de leur sens par l’extrême droite pour faire du religieux une cible à expulser ».

« Je ne parlais en aucun cas du drapeau français », s’est aussi défendu sur la radio France Bleu Gard Lozère Mahjoub Mahjoubi, expliquant qu’il dénonçait les rivalités entre supporters de pays du Maghreb lors de la récente Coupe d’Afrique des Nations (CAN) : « Je parle des stades et de tous ces drapeaux qu’on lève dans les stades et qui divisent les musulmans. »

« J’ai fait un lapsus dans mon discours, je ne suis pas Voltaire ni Victor Hugo. Dans mes propos, au lieu de dire ‘’tous ces drapeaux multicolores ou de différentes couleurs’’, et bien j’ai dit ‘’tous ces drapeaux tricolores’’, mais en aucun cas je ne parlais de la France », a argumenté l’imam, en expliquant que sa vidéo n’avait pas été vue « de A à Z ».

Selon Samir Hamroun, son avocat, l’imam dénonçait les dangers du nationalisme.

« Il appartiendra au parquet de caractériser les infractions, mais quand j’entends parler d’un ‘’lapsus’’ au sujet des drapeaux, c’est un lapsus qui dure plusieurs dizaines de minutes, [avec] des propos qui ne touchent pas qu’à la question du drapeau, qui tiennent également à la place de la femme, du peuple juif qu’il désigne comme un ennemi. On est sur des contenus qui remettent fondamentalement en cause nos valeurs », a insisté Jérôme Bonet.

L’imam, sous surveillance depuis début octobre, est dans le collimateur de la préfecture pour le « centre d’accueil pour mineurs » de la mosquée, fermé le 9 novembre.

Cette fermeture a été décidée à la suite de l’absence de projet pédagogique et de problèmes de sécurité incendie. Il est aussi reproché à l’imam d’avoir ouvert une école coranique à Bagnols-sur-Cèze, fermée à la suite d’une décision administrative.

« C’est tout simplement un [contrôle administratif] qui n’a rien à voir avec ma personne […]. La préfecture disait que c’était une école coranique, j’ai dit non […], nous enseignons l’arabe et bien sûr […] il y a 30 minutes d’enseignement de la religion musulmane, sur l’apprentissage de la prière, l’apprentissage des ablutions, l’apprentissage de certains versets du Coran. Je ne suis pas concerné par cette fermeture administrative, je ne suis pas le donneur de l’ordre de cette mosquée », a-t-il précisé sur BFMTV.

L’imam, qui dit « subir avec sa famille un acharnement » médiatique depuis que l’affaire a éclaté, a présenté ses excuses sur France Info : « Si j’ai blessé, si j’ai heurté, je m’excuse auprès de la population que j’ai blessée », a-t-il déclaré. « Si j’ai heurté la sensibilité de beaucoup de personnes en pensant que j’ai insulté le drapeau français, ce qui n’était pas mon intention, je leur présente mes excuses. »

Il a également insisté sur le fait qu’il a appelé « des dizaines de fois au respect de la République ».

« J’appelle les jeunes à ne pas mettre de t-shirt avec le drapeau de leur pays, on est en France. J’appelle les jeunes à respecter La Marseillaise. J’ai une très très bonne relation avec le maire. »

Si jamais une procédure d’expulsion devait être décidée, Mahjoub Mahjoubi confie n’avoir aucun problème à retourner dans son pays d’origine, la Tunisie. « Je garderai une très belle image de la France et une image amère qui est celle de l’injustice à mon égard », a-t-il toutefois nuancé.

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