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Droits humains et libertés : la France « très loin » d’être exemplaire, dénonce Amnesty International

L’ONG dénonce, notamment, le « deux poids, deux mesures » dans le traitement des réfugiés arrivés en France
 Le président français, Emmanuel Macron, visite un centre pour réfugiés ukrainiens dans le Maine-et-Loire, le 15 mars 2022 (AFP/Yoan Valat)
Le président français, Emmanuel Macron, visite un centre pour réfugiés ukrainiens dans le Maine-et-Loire, le 15 mars 2022 (AFP/Yoan Valat)
Par MEE

La France est « très loin de l’exemplarité qu’on pourrait attendre d’elle » en matière de respect des libertés publiques et des droits humains, dénonce Amnesty International dans son rapport 2021 publié mardi, critiquant notamment la politique d’accueil des migrants, différente selon les nationalités.

« Ce qu’on a vu depuis quelques semaines tranche singulièrement avec la manière dont, l’année dernière, les pouvoirs publics ont parlé de l’accueil des Afghans » fuyant leur pays après la reprise du pouvoir des talibans mi-août, a souligné devant la presse Nathalie Godard, directrice de l’Action à Amnesty International France, évoquant l’accueil des Ukrainiens.

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L’État a mis sur pied un schéma d’accueil et d’hébergement proposant « au moins 100 000 places », selon Jean Castex, pour les réfugiés fuyant la guerre en Ukraine.

Le 16 août, dans son intervention sur l’Afghanistan, Emmanuel Macron avait appelé à « anticiper et [se] protéger contre des flux migratoires irréguliers importants », grince Amnesty International.

Nathalie Godard souligne que la protection temporaire accordée par les pays de l’Union européenne aux réfugiés d’Ukraine avait « aussi été demandée pour les Afghans, sans succès ».

« C’est une illustration du ‘’deux poids, deux mesures’’ aujourd’hui très dénoncé », a-t-elle ajouté.

La protection temporaire permettra aux réfugiés ukrainiens de séjourner jusqu’à trois ans dans l’Union européenne, d’y travailler, d’accéder au système scolaire et d’y recevoir des soins médicaux.

Le calvaire des migrants à Calais 

Amnesty International stigmatise également les « traitements dégradants » subis par les exilés, notamment à Calais, ville du nord de la France d’où les migrants tentent de rejoindre le Royaume-Uni : « La police et les autorités locales ont limité leur accès à l’aide humanitaire et les ont soumis à des manœuvres de harcèlement. »

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Les ONG dénoncent notamment des lacérations de tentes lors des évacuations, avec l’aval des autorités. Ces dernières ont récusé ces accusations.

Les critiques sur le sort des migrants à Calais et Grande-Synthe, à une quarantaine de kilomètres de Calais, ont été relancées après le naufrage – fatal à 27 d’entre eux – d’une embarcation qui tentait de traverser la Manche le 24 novembre.

Dans son rapport annuel, Amnesty International estime en outre que la France « fait partie » des 67 pays au monde qui ont « adopté en 2021 des lois qui restreignent la liberté d’expression, d’association et de réunion ».

L’ONG cite la promulgation fin juillet 2021 de la loi sur la prévention du terrorisme, qui entérine notamment des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS).

La loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure du 24 janvier 2022, autorisant les captations d’images de manifestations par drones, constitue, elle, selon Amnesty, « un pas de plus vers la surveillance de masse ».

En avril 2021, la loi sur la « sécurité globale » a « élargi l’utilisation de la vidéosurveillance et introduit une disposition autorisant les autorités à utiliser des drones pour filmer les personnes dans un large éventail de circonstances, avec très peu d’exceptions et sans aucun contrôle indépendant. Le Conseil constitutionnel a jugé en mai que cette disposition était contraire à la Constitution », précise le rapport.

Des dérives visant la liberté d’association

« Le gouvernement a proposé en juillet un nouveau projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, qui contenait lui aussi une disposition autorisant la captation d’images par drone dans de nombreuses circonstances. Cette disposition excluait explicitement le recours aux technologies de reconnaissance faciale, mais ne soumettait pas l’utilisation des drones au contrôle d’un mécanisme indépendant. Ce projet de loi était toujours en instance devant le Parlement à la fin de l’année », note Amnesty.

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Enfin, la loi dite « séparatisme » (« loi confortant le respect des principes de la République ») du 24 août « risque d’ouvrir la voie à des pratiques discriminatoires » sous couvert de lutte contre l’islamisme radical, estime l’organisation.

Cette loi, rappelle Amnesty, « introduit de nouveaux motifs controversés de dissolution des organisations, parmi lesquels l’incitation à la discrimination ou à la violence par un membre d’une organisation dès lors que ses dirigeant-e-s n’ont pas fait le nécessaire pour empêcher ces agissements. Déjà avant cette loi, le gouvernement pouvait dissoudre une organisation pour des motifs vagues et sans contrôle judiciaire préalable ».

De plus, « le fait de conditionner les subventions des organisations à des principes aussi vagues risquait d’entrainer des restrictions disproportionnées des droits à la liberté d’association et d’expression ».

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