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Gilboa, cette prison qu’Israël pensait « plus sûre qu’un coffre-fort »

Les prisonniers palestiniens n’auraient jamais dû réussir à s’échapper de la prison « la mieux surveillée » d’Israël et de ses cellules de 66 tonnes de béton armé
Un officier israélien tend le bras devant la prison de Gilboa, dans le nord d’Israël, le 6 septembre 2021 (AFP)
Un officier israélien tend le bras devant la prison de Gilboa, dans le nord d’Israël, le 6 septembre 2021 (AFP)

La prison de Gilboa, théâtre d’une audacieuse évasion de six prisonniers politiques palestiniens lundi matin, était autrefois présentée comme la prison la mieux surveillée d’Israël. C’était une forteresse dont personne ne pouvait s’échapper.

Quelques jours avant son ouverture en juin 2004, au cours de la seconde Intifada, un responsable de l’Administration pénitentiaire israélienne (API) a même déclaré que Gilboa était « plus sûre que les coffres-forts de la Banque d’Israël ».

Située dans la vallée de Beït Shéan, à 4 km au nord de la Cisjordanie occupée et à 14 km à l’ouest de la frontière avec la Jordanie, la prison de Gilboa se trouve sur le site d’une ancienne résidence ottomane et d’une ancienne base militaire britannique. 

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Dans les années 1950, Israël a reconverti les bâtiments pour ouvrir la prison de Shata, avant d’étendre le complexe en 2004 afin d’inclure la prison de Gilboa, construite à proximité. 

Les cellules de Gilboa pèsent 66 tonnes – presque trois fois plus qu’une cellule standard – et sont construites en béton armé, raison pour laquelle les prisonniers palestiniens tout comme les agents de sécurité israéliens qualifient la prison de « coffre-fort ». 

Chaque cellule comporte huit lits. Les prisonniers disposent du strict nécessaire : une douche, des toilettes, un ventilateur, une plaque chauffante et une bouilloire. Certains de ces équipements peuvent être confisqués par les gardiens en guise de punition collective.

Mais la réputation de la prison n’a pas empêché les détenus de tenter de s’en échapper.

En août 2014, l’API a découvert un tunnel creusé sous des toilettes à Gilboa, où huit prisonniers palestiniens appartenant au Jihad islamique étaient détenus.

Les prisonniers avaient creusé un trou de trois à cinq mètres sous des toilettes à la turque pour forcer la structure de la cellule. La tentative a toutefois été déjouée à la suite d’une collecte de renseignements et les prisonniers n’ont pas pu aller au-delà de barres d’armature insérées dans la structure de la cellule.

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Lundi matin, avant l’aube, cinq membres du Jihad islamique et un membre des Brigades des martyrs d’al-Aqsa du Fatah se sont échappés du « coffre-fort inviolable » de Gilboa en creusant un trou dans le sol de leur salle de bain puis en atteignant une cavité sous le bâtiment de la prison. 

Cette cavité, décrite lundi par le commandant du district nord d’Israël Shimon Lavi comme un « défaut structurel », ne nécessite pas de creuser ou d’enlever de grandes quantités de sable et de terre, car chaque cellule repose sur des piliers en béton, ce qui permet de passer en dessous. 

Le trou par lequel les six prisonniers ont pu s’échapper (AFP/Jalaa Marey)
Le trou par lequel les six prisonniers ont pu s’échapper (AFP/Jalaa Marey)

Pour conclure leur évasion, qui n’est pas sans rappeler le célèbre drame hollywoodien Les Évadés (1994), les prisonniers sont ensuite sortis par un tunnel pour rejoindre une route à l’extrémité sud de la prison de Gilboa, ont rapporté les médias israéliens.

Les forces israéliennes ont engagé une chasse à l’homme, estimant que les prisonniers pourraient traverser la frontière jordanienne ou rallier la Cisjordanie.

La prison de Gilboa est un centre de détention de haute sécurité où sont enfermées près de 400 personnes condamnées à de longues peines de prison.

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Il comporte cinq sections distinctes reliées par un couloir en forme de « tuyau », d’où l’on ne peut rien voir d’un bout à l’autre.

Chaque section se compose de quinze cellules disposées en forme de H, tandis qu’en son centre, les prisonniers ont droit à deux promenades de deux heures par jour.

Les prisonniers n’ont aucune vue sur le monde extérieur, ce qui les empêcherait d’imaginer où se trouve la prison et « quels actes terroristes peuvent être perpétrés », selon un responsable de l’API.

À son ouverture, la prison était équipée de 72 caméras de surveillance, les fonctions d’ouverture et de fermeture des portes des cellules étaient reliées à un ordinateur, les chambres des gardiens étaient dotées de lourdes portes en fer et le haut mur entourant le complexe était surmonté d’épais barbelés. 

Les prisonniers palestiniens sont surveillés en permanence, n’ont pas le droit d’utiliser des téléphones portables ni même des cuillères en acier inoxydable, tandis que leurs cellules ne comportent aucune fenêtre donnant sur le monde extérieur.

L’évasion de la prison de Gilboa a été saluée par l’ensemble des factions palestiniennes et des tirs de célébration ont été entendus dans plusieurs villes palestiniennes.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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