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Les États du Golfe « exposent les travailleurs migrants à des températures mortelles »

Un rapport publié par une coalition d’ONG attribue les maladies rénales à un travail physiquement exigeant confié à des travailleurs étrangers exposés à une chaleur extrême dans la région du Golfe
Un employé arrose la pelouse près du Stade 974 à Doha, au Qatar, le 10 mai 2023 (AFP)
Un employé arrose la pelouse près du Stade 974 à Doha, au Qatar, le 10 mai 2023 (AFP)
Par MEE

Les États du Golfe exposent les travailleurs migrants à des températures extrêmes et potentiellement mortelles, selon un nouveau rapport.

Cette étude, appelée « Killer Heat » (chaleur meurtrière), publiée fin juin par Vital Signs Partnership, une coalition d’organisations qui étudient les décès de travailleurs migrants, a déclaré que les travailleurs étrangers à Bahreïn, au Koweït, à Oman, au Qatar, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis couraient un risque aigu de maladies et de blessures liées à la chaleur.

Dans la majeure partie de la région du Golfe, il y a entre 100 et 150 jours au cours desquels la température quotidienne maximale dépasse 40 ºC.

Annonce de la présentation du rapport (Twitter/@NcGeehan)
Annonce de la présentation du rapport (Twitter/@NcGeehan)

Ce nombre de jours devrait augmenter de manière significative en raison du changement climatique, selon les recherches sur les projections citées dans le rapport.

Aux Émirats arabes unis, le nombre de jours dépassant 40 °C augmentera de 51 % d’ici 2050 si les températures mondiales augmentent de 1, 5 %, et de 98 % si les températures mondiales augmentent de 3 %.

De tels niveaux de chaleur provoquent déjà « une cascade de maladies » selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), notamment crampes de chaleur, épuisement par la chaleur, insolations et hypothermie.

Ganesh, un Népalais qui s’est rendu aux Émirats arabes unis pour travailler comme maître-nageur en 2018, a reçu un diagnostic d’insuffisance rénale à son retour au Népal.

« Le sol était si chaud que je ne pouvais pas le toucher pieds nus », se souvient-il, dans un témoignage cité dans le rapport. « Cela m’aurait brûlé la peau. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point il faisait chaud. »

Selon lui, les quarts de travail de douze heures sur le toit extérieur d’une piscine et les conditions de vie inférieures à la norme ont contribué à la détérioration de sa santé.

« Je peux mourir à tout moment »

Le rapport indique que la progression de l’insuffisance rénale chronique – qui conduit à une perte fatale de la fonction rénale chez ceux qui effectuent un travail physiquement exigeant à des températures élevées – est une source de préoccupation mondiale croissante

Un néphrologue de Dacca, la capitale du Bangladesh, rapporte avoir reçu plusieurs patients revenant des pays du Golfe avec des problèmes rénaux, qu’il attribue à l’exposition à la chaleur et à la déshydratation.

Sujan Thami, un Népalais de 40 ans qui travaillait au Qatar comme plombier, a déclaré qu’il travaillait sous une « chaleur accablante », et que 100 travailleurs partageaient un seul point d’eau.

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Moins d’un an après avoir déménagé au Qatar, sa vision est devenue floue et  il souffrait de vomissements. Il a découvert plus tard que ses reins ne fonctionnaient pas pleinement.

« Je ne sais pas combien de temps je vivrai », a-t-il commenté. « Je peux mourir à tout moment. »

« Les travailleurs népalais vont dans le Golfe pour gagner de l’argent mais reviennent avec une maladie rénale », relève Rishi Kumar Kafle, néphrologue en chef au Centre national du rein du Népal.

« Les pays du Golfe sont riches, ils ont des ressources. Ils invitent des étrangers à travailler pour eux. C’est bien, mais ils devraient assurer de bonnes conditions de travail. Pourquoi ces pays riches du Golfe ne font-ils rien pour ces travailleurs ? »

Les Émirats arabes unis accueilleront la COP28, la conférence des Nations Unies sur le changement climatique du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï.

Les militants ont vivement critiqué la décision d’organiser le sommet aux Émirats, en raison de son bilan climatique et en matière de droits de l’homme.

Vital Signs Partnership comprend le Centre for Migrant Advocacy aux Philippines, le Law and Policy Forum for Social Justice au Népal, Justice Project Pakistan, le Refugee and Migratory Movements Research Unit au Bangladesh et FairSquare au Royaume-Uni.

Une approche basée sur les risques

Les pays du Golfe dispose de différentes lois interdisant de travailler à certaines heures pendant les mois d’été, mais le rapport décrit les mesures comme inadéquates.

Les Émirats arabes unis sont le pays qui interdit les plages de travail les plus courtes parmi les six États.

Le Qatar – qui a adopté une série de lois sur le travail à l’approche de la Coupe du monde 2022 – interdit le travail entre 10 h et 15 h 30 en été, et impose un total de 589 heures d’arrêt de travail obligatoires par an, le plus long de la région.

Les ONG ont appelé les pays du Golfe à adopter une approche basée sur les risques plutôt que sur le calendrier, et de garantir des pauses obligatoires dans les zones ombragées et l’accès à l’eau et au stockage des aliments réfrigérés.

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Il a également appelé les gouvernements à garantir la gratuité des soins de santé aux travailleurs migrants peu rémunérés, quel que soit leur statut d’immigration, et à financer les frais de santé de ceux qui retournent dans leur pays avec une maladie rénale chronique.

« Les projections du changement climatique pour le Golfe dans ce rapport sont aussi effroyables que les récits personnels des travailleurs exposés aux températures de 2023 dans des pays comme les Émirats arabes unis, que la présidence de la COP place dans une position de responsabilité unique cette année », a déclaré Nicholas McGeehan, codirectrice de FairSquare, l’une des ONG de Vital Signs Partnership.

« Les Émirats arabes unis et les autres États du Golfe devraient être prêts à faire face à l’impact épouvantable de leur échec systématique à fournir une protection de base aux personnes dont le travail soutient leurs sociétés extrêmement riches. »

Traduit de l’anglais (original).

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