Guerre d’Algérie : la France assouplit encore l’accès à ses archives
La France va assouplir davantage l’accès à ses archives sur la guerre d’Algérie, en autorisant la consultation des dossiers impliquant des mineurs, indique un arrêté paru dimanche au Journal officiel, un geste que réclamaient historiens et familles.
En décembre 2021, après des annonces d’Emmanuel Macron de mars 2021, la France avait ouvert, avec quinze ans d’avance sur le délai légal, ses archives judiciaires liées à la guerre sur la période entre le 1er novembre 1954 et le 31 décembre 1966.
Encore un tout petit pas : ouverture par anticipation des #archives judiciaires et policières relatives aux mineurs. Mais pourquoi ne pas ouvrir toutes les archives sur la guerre coloniale d'Algérie, comme c'est le cas sur 1939-45 ? https://t.co/BxU0bQMi6u
— Fabrice Riceputi (@campvolant) August 27, 2023
En théorie, les archives en général sont soumises à la loi du code du patrimoine de 2008, qui stipule que « les documents d’archives publiques sont par principe librement communicables à toute personne qui en fait la demande ». Cette règlementation précise par ailleurs que les documents portant la mention « secret » peuvent être consultés après un certain délai. Il est généralement de 50 ans pour les archives militaires.
Mais depuis 2011, la liberté d’accès aux archives (de la guerre d’Algérie plus particulièrement) est remise en cause par une circulaire interministérielle (IGI 1300) émise par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN, dépendant du Premier ministère) qui subordonne la communication des documents antérieurs à 1970 portant un tampon secret à la procédure de déclassification très scrupuleuse.
Dans les faits, les archivistes devaient, avant de communiquer des archives, demander dans certains cas l’autorisation de l’entité émettrice et apposer un marquage règlementaire sur chaque document, parfois à la main.
Une « gestion bureaucratique »
Sur instruction de Macron, la déclassification se fait dorénavant au carton mais en pratique, l’accès à ces documents reste « toujours aussi difficile » pour les famille et les chercheurs, avait regretté dans une tribune dans Le Monde l’historien Marc André en novembre 2022.
L’un des principaux obstacles était l’exclusion des dossiers impliquant des mineurs – les moins de 21 ans, en raison de la législation de l’époque – , toujours soumis au délai de classification de 100 ans. En raison de cette limitation, couplée à plusieurs autres, « la majorité des dossiers se referment », relevait l’historien.
« Cette gestion bureaucratique conduit à ignorer la réalité d’une guerre menée par des jeunes. Cela est vrai tant dans l’immigration algérienne en France que dans les maquis, les réseaux urbains et les prisons où les indépendantistes, leurs soutiens, les réfractaires, les appelés avaient pour nombre d’entre eux autour de 20 ans lors de leur engagement ».
« Suffisamment majeur à l’époque pour avoir la tête tranchée, il est aujourd’hui suffisamment mineur pour voir son dossier soustrait de la dérogation générale », s’indignait Marc André, dont les critiques ont été reprises par des médias algériens.
Le nouvel arrêté, paru dimanche et daté du 25 août 2023, supprime l’exclusion de consultation pour les dossiers impliquant un mineur.
Restent classifiés en revanche ceux dont la communication « porte atteinte à l’intimité de la vie sexuelle des personnes » ou à « la sécurité de personnes nommément désignées ou facilement identifiables impliquées dans des activités de renseignement ».
Ce qui, soulignait Marc André, referme également de nombreux dossiers.
Ce nouvel assouplissement s’inscrit dans la politique d’apaisement décidée par Emmanuel Macron durant son premier quinquennat, après les recommandations du rapport de Benjamin Stora sur le conflit mémoriel entre l’Algérie et la France sur le passé colonial.
Le rapport préconisait notamment d’activer un groupe de travail conjoint sur les archives, constitué en 2013 à la suite de la visite du président Hollande en 2012 pour qu’ils fassent le point sur l’inventaire des archives emmenées par la France et laissées par la France en Algérie.
« Sur la base de ce travail d’inventaire, certaines archives [originaux] seraient récupérées par l’Algérie. Celles laissées en Algérie pourront être consultées par les chercheurs français et algériens », préconisait le rapport en suggérant que le « comité de pilotage » puisse proposer la constitution d’un premier fond d’archives commun aux deux pays, librement accessible.
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