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Guerre à Gaza : Khan Younès, dernière ligne de front en date entre Israël et le Hamas

Israël concentre actuellement son opération militaire sur Khan Younès, zone auparavant désignée comme « sûre » pour les Palestiniens qui fuyaient le nord
Un garçon palestinien, blessé dans un raid israélien, en pleurs aux funérailles de membres de sa famille, à l’hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 10 décembre (Reuters)

Khan Younès, qui faisait auparavant partie des zones « sûres » du sud de Gaza, est devenue l’un des principaux champs de batailles de l’actuelle guerre israélo-palestinienne.

Quand la trêve temporaire s’est achevée le 1er décembre, les habitants de la ville ont reçu des tracts de l’armée israélienne leur ordonnant de quitter la ville qui était sur le point de devenir la prochaine cible d’Israël.

Au cours des premières semaines de la guerre, la population de Khan Younès a augmenté considérablement au fur et à mesure que les déplacés échappaient aux combats dans la ville de Gaza et dans le reste du nord de la bande côtière.

Ayant peu d’endroits où fuir, les Palestiniens de Gaza se retrouvent piégés dans les combats, qui comptent parmi les plus intenses constatés depuis le début de la guerre, le 7 octobre. 

Israël affirme que les dirigeants du Hamas se cachent à Khan Younès et a bombardé la ville tout en y étendant son incursion terrestre, tuant de nombreux civils et submergeant les hôpitaux locaux.

Khan Younès est la deuxième plus grande ville de l’enclave côtière, juste derrière Gaza.

L’origine de la ville remonte à l’Empire mamelouk au XIVe siècle : l’émir Yunus al-Nuruzi construisit dans la zone un caravansérail (« khan » en arabe), c’est-à-dire une auberge située en bord de route où les voyageurs pouvaient se reposer. C’est de là que vient le nom de la future ville.

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En 1387, le sultan mamelouk Barquq ordonna à l’émir de construire un château en son nom. Celui-ci protégeait les habitants de la ville et servait de point de liaison entre Le Caire et Damas en offrant un espace d’échanges pour les marchands et les voyageurs. Le château de Barquq est aujourd’hui l’un des monuments historiques les plus importants de Palestine.

La ville, tout comme le reste de la bande de Gaza moderne, passa sous domination ottomane lorsque ces derniers vainquirent les mamelouks au XVIe siècle dans le cadre de la campagne visant à s’emparer de la péninsule du Sinaï.

Après la Première Guerre mondiale et la défaite de l’Empire ottoman, la Palestine passa sous mandat britannique. Khan Younès, comme les autres villes avoisinantes, devint un refuge pour ceux qui échappaient aux invasions nazies de la Seconde Guerre mondiale.

« Gaza, ainsi que ses villes, ont accueilli des Grecs en 1942 après les attaques nazies contre la Grèce », rapporte à Middle East Eye l’historien Osama al-Ashqar. « Les bateaux de pêche et navires britanniques les ont transportés des îles grecques jusqu’aux côtes de Syrie, de Palestine et de Turquie, et des familles grecques ont débarqué à Gaza, Nuseirat et Khan Younès. »

« Une ville sous occupation »

Lors de la création de l’État d’Israël en Palestine historique en 1948 et la première guerre israélo-arabe, où plus de 750 000 Palestiniens ont été déplacés au cours d’un événement connu sous le nom de Nakba (« catastrophe » en arabe), Khan Younès, comme le reste de la bande de Gaza, est passée sous administration égyptienne. Des factions palestiniennes armées, connues sous le nom de « fedayin », opéraient dans la ville.

La population a augmenté à mesure que les réfugiés palestiniens fuyaient la guerre et s’installaient dans la ville et ses environs. Selon Osama al-Ashqar, de nombreux habitants sont originaires des villes et villages palestiniens dépeuplés situés en dehors de la bande de Gaza.

La ville et son camp de réfugiés voisin ont supporté le poids de la violence de l’armée israélienne lors de la crise du canal de Suez déclenchée par sa nationalisation par l’Égypte en 1956. Lors d’un événement connu sous le nom de massacre de Khan Younès, l’armée israélienne a tué au moins 275 Palestiniens, selon les estimations de l’ONU, mais des sources palestiniennes pensent que ce nombre est plus élevé.

Khan Younès est passée sous occupation israélienne totale après la guerre des Six Jours en 1967, au cours de laquelle Israël a occupé la bande de Gaza, la Cisjordanie, la péninsule égyptienne du Sinaï et le plateau syrien du Golan.

Les combattants palestiniens de la ville ont continué à tenter de résister à l’occupation israélienne.

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« [Israël] a occupé totalement [Khan Younès] après la guerre des Six Jours, après des combats acharnés au cours desquels la résistance n’a pas reçu de soutien, en particulier après la défaite de l’armée égyptienne », explique Osama al-Ashqar.

Au cours des deux Intifadas palestiniennes et jusqu’au retrait israélien de la bande de Gaza en 2005, la ville a été un bastion des factions palestiniennes et a subi la pression des colonies israéliennes à proximité.

Depuis la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, Israël a mis en place un blocus strict sur l’enclave côtière, où elle a mené plusieurs guerres.

À cause du blocus, il a été difficile pour Khan Younès de prospérer, que ce soit sur le plan économique, social ou culturel.

« C’est une ville sous occupation, les priorités de la population se concentrent donc sur la survie et tout ce qui est nécessaire pour y parvenir », poursuit l’historien.

Ce dernier précise cependant que la ville a tout de même joué un rôle culturel important en honorant l’art et l’héritage palestinien, ce qui « nourrit cette résilience et cette stabilité qui améliorent la survie ».

Le gouvernorat de Khan Younès est également un centre agricole, avec plus de 4 000 hectares de terres agricoles et plus de 7 000 fermes.

« Inimaginable »

Si les campagnes militaires israéliennes se concentraient surtout sur la ville de Gaza et le nord, Khan Younès et le sud n’ont jamais été épargnés. La ville et ses environs ont été soumis à des bombardements réguliers entre 2009 et 2023, lesquels ont tué de nombreux civils.

Le conflit actuel a commencé lorsqu’une offensive menée par le Hamas contre Israël a tué environ 1 200 Israéliens et ressortissants étrangers le 7 octobre. En représailles, Israël a pilonné l’ensemble de la bande de Gaza et lancé une invasion terrestre, tuant plus de 18 000 Palestiniens (dont environ 70 % d’enfants et de femmes).

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Israël a détruit une grande partie des infrastructures civiles du nord de l’enclave. Si l’armée a dans un premier temps donné pour instruction aux civils de fuir vers le sud, elle leur a ensuite annoncé qu’elle allait envahir également Khan Younès.

Maintenant qu’Israël souhaite avancer davantage dans cette zone, cette ville du sud se trouve dans une position encore plus vulnérable que la ville de Gaza le mois dernier.

De nombreux Palestiniens fuient désormais vers Rafah, près de la frontière avec l’Égypte, bien que beaucoup soient aujourd’hui dans l’incapacité de trouver un refuge.

Alors que Khan Younès dans le sud et le quartier de Jabaliya dans le nord sont devenus les deux nouvelles poudrières des combats actuels, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a condamné la situation dans la bande de Gaza, qu’elle juge « inimaginable ».

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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