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Des responsables iraniens ont tenu des pourparlers secrets avec l’Occident à l’insu de Raïsi

Des sources proches des discussions soulignent que le cercle du guide suprême Ali Khamenei prend de plus en plus les devants en matière de politique étrangère
Le président iranien Ebrahim Raïssi donne une conférence de presse à New York le 22 septembre 2022 (AFP)
Par Correspondants de MEE à TÉHÉRAN, Iran

Des pourparlers secrets entre des représentants de l’establishment au pouvoir en Iran et des responsables occidentaux sur la relance de l’accord sur le nucléaire de 2015 et la libération de prisonniers américains ont eu lieu ces dernières semaines, ont déclaré deux sources iraniennes proches des pourparlers à Middle East Eye.

D’après ces sources, le gouvernement du président Ebrahim Raïssi n’a pas été informé des discussions, signe que des personnalités proches du guide suprême Ali Khamenei prennent de plus en plus les choses en main en matière de politique étrangère.

Selon les sources, c’est Abbas Araghtchi, ancien vice-ministre des Affaires étrangères sous Hassan Rohani, qui a dirigé les pourparlers, lesquels se sont tenus en Europe.

Actuellement, Araghtchi est le secrétaire du Conseil stratégique iranien des relations étrangères, un conseil consultatif au service du guide suprême, lequel nomme ses membres et son président.

Formé en 2006, le Conseil est chargé de « préparer des stratégies, politiques et solutions qui amèneront la République islamique aux résultats souhaités en matière de politique étrangère » et « d’apporter une plus grande coordination dans toutes les activités dans le domaine des relations étrangères ».

Les sources ont déclaré que l’objectif des pourparlers était de relancer l’accord sur le nucléaire de 2015 et finaliser un accord sur la libération des prisonniers américains en échange du dégel des avoirs iraniens dans plusieurs pays, dont la Corée du Sud.

Selon les sources, sous le gouvernement Rohani, l’équipe de négociation d’Araghtchi était parvenue à un accord sur la libération des prisonniers qui n’a jamais été mis en œuvre. L’équipe de Raïssi a poursuivi les négociations, apportant des modifications quant aux transferts d’actifs, qui devaient aller au Qatar plutôt qu’en Europe comme convenu initialement.

Des enjeux élevés

Tout comme l’ancien ministre des Affaires étrangères Mohammad Djavad Zarif, Araghtchi est détesté par les principalistes, également connus sous le nom de conservateurs ou partisans de la ligne dure, en raison de son rôle clé dans la conclusion de l’accord sur le nucléaire de 2015. Les conservateurs pensent que Zarif et Araghtchi ont vendu les capacités nucléaires du pays en échange de rien.

L’une des sources a indiqué qu’Araghtchi avait déclaré à ses supérieurs que le premier cycle de pourparlers en Europe était positif, laissant entendre qu’un accord était toujours possible même si les responsables occidentaux s’étaient montrés plus durs qu’auparavant. Les pays occidentaux ont adopté une ligne de plus en plus sévère envers l’Iran depuis que Téhéran a commencé à réprimer les manifestations anti-establishment provoquées par la mort de la jeune Mahsa Amini l’année dernière.

La source a ajouté que le deuxième cycle de pourparlers avait été planifié et confirmé, mais avait été arrêté.

Selon la deuxième source, le gouvernement et les principalistes ont arrêté la progression des pourparlers menés par Araghtchi après avoir pris connaissance de la situation.

Qu’est-ce qui empêche la relance de l’accord sur le nucléaire iranien ?
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La relance de l’accord sur le nucléaire, connu sous le nom de JCPOA, est un sujet litigieux depuis quelques années. Le pacte de 2015 avait été conclu entre l’Iran et les pays du P5+1 (États-Unis, Royaume-Uni, France, Chine, Russie et Allemagne). L’accord levait bon nombre de sanctions internationales contre l’Iran en échange de limitations à son programme nucléaire.

Mais en 2018, l’ancien président américain Donald Trump a retiré les États-Unis de l’accord et réimposé des sanctions économiques à l’Iran, ce qui a incité Téhéran à commencer à réduire ses engagements envers l’accord.

L’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche a entraîné un regain d’espoir pour la relance du JCPOA. Mais les négociations ont été suspendues pendant des mois, chaque partie exprimant sa frustration face aux demandes de l’autre.

Les pourparlers secrets entre l’Iran et l’Occident pour la relance du JCPOA, à l’insu du gouvernement Raïssi, ajoutent une nouvelle dimension à des négociations déjà complexes. Alors que les enjeux sont élevés, la question est de savoir comment ces pourparlers inachevés impacteront les négociations en cours et l’avenir du JCPOA.

Fait notable, le récent accord entre l’Iran et l’Arabie saoudite visant à rétablir les relations diplomatiques a été géré par le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, Ali Shamkhani, indépendamment de l’implication du gouvernement Raïssi.

Traduit de l’anglais (original).

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