Des ONG s’alarment de la forte hausse des exécutions en Iran, notamment de femmes
Le rapport annuel d’Iran Human Rights (IHR, ONG basée en Norvège) et de Ensemble contre la peine de mort (ECPM, basée en France) est formel. Entre 2020 et 2021, les exécutions ont bondi de plus de 25 % en Iran, avec 333 mises à mort, une situation que les deux structures jugent « alarmante ».
« L’Iran amorce un retour en force sur la scène internationale avec les négociations entourant son programme nucléaire », mais dans le même temps, ce pays « a poursuivi les exécutions » et « utilisé la peine de mort comme outil de répression contre de nombreux opposants », dénoncent-elles dans le rapport publié jeudi.
Selon les déclarations du directeur de l’IHR, Mahmood Amiry-Moghaddam, il y a en Iran un « recours systématique » à la torture physique et psychologique dans les prisons « pour extorquer des aveux, et dans presque tous les cas de condamnations à mort, ces dernières sont basées sur des aveux arrachés au prisonnier ».
Aminata Niakate, présidente d’ECPM, a confié avoir été « très marquée » par les cas cités dans le rapport « d’une femme qui fait une crise cardiaque en observant d’autres hommes exécutés devant elle et qui sera malgré tout pendue, sans vie » ou encore dans celui « d’un jeune homme qui est conduit six fois à la potence avant d’être finalement exécuté, une véritable torture psychologique ».
Mahmood Amiry-Moghaddam a souligné que les défenseurs des droits de l’homme iraniens avaient pris « des risques considérables » pour rassembler les informations de ce rapport et les transmettre au monde.
Les exécutions en Iran – un des pays qui utilisent le plus la peine capitale avec la Chine et l’Arabie saoudite – s’effectuent par pendaison-strangulation.
Les minorités ethniques particulièrement visées
Les ONG relèvent que « le nombre des exécutions s’est accéléré après l’élection du président Ebrahim Raïssi en juin dernier et ont doublé dans la deuxième moitié de 2021 par rapport à la première moitié ».
Au moins dix-sept femmes ont été exécutées, contre neuf en 2020, ainsi que deux délinquants juvéniles, indique ce rapport de plus de 100 pages.
Selon ces ONG, « le nombre d’exécutions liées au trafic de drogue fait un bond spectaculaire avec un total de 126 exécutés sur l’année, soit une centaine de plus que l’année précédente ».
« Les terribles bilans de la République islamique en matière de droits de l’homme et de peine de mort ne sont pas inclus dans les pourparlers du JCPOA [accord de 2015 censé empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique] », relève Mahmood Amiry-Moghaddam, directeur de l’IHR.
Ce dernier déplore que « les autorités iraniennes fassent l’objet d’une surveillance moindre alors que ces négociations sont en cours ».
« Toute négociation entre l’Occident et l’Iran doit inclure la question de la peine de mort au titre de ses priorités », exhorte de son côté Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général de ECPM.
Le nombre d’exécutions de personnes issues de minorités ethniques a continué d’augmenter en 2021. Ainsi 21 % des prisonniers pendus étaient baloutches, bien que cette minorité ne représente que de 2 à 6 % de la population, selon le rapport.
La torture physique et psychologique est « utilisée de manière systématique dans les prisons », notamment comme « méthode pour arracher des aveux qui deviendront la base de condamnations à mort », dénoncent aussi ces ONG.
En 2021, plusieurs cas de morts suspectes en prison ont été rapportés, qui auraient été causées par la torture ou le refus de soins appropriés, indiquent les ONG, relevant que personne n’a été tenu responsable de ces décès.
Comme en 2020, la majorité des prisonniers ont été exécutés pour des condamnations pour meurtre.
Les femmes ne sont pas épargnées
Parmi les dix-sept femmes pendues, douze l’ont été pour meurtre. Les ONG s’inquiètent du nombre croissant de femmes condamnées pour avoir tué leurs maris, qui pourraient avoir été violents avec elles.
La loi encourage les plaignants (familles de la victime ou du condamné s’il est accusé d’avoir tué un membre de sa famille) à participer personnellement à l’exécution.
Le rapport décrit le cas de Maryam Karimi, condamnée pour avoir tué son mari abusif qui refusait de lui accorder le divorce. En mars 2021, la fille de la condamnée à mort a dû, conformément à la loi des qisas (la loi du talion), elle-même procéder à l’exécution.
Cependant, les ONG soulignent « à quel point la population iranienne conteste les pratiques du régime ». « Le soutien de l’opinion publique à la peine de mort a fortement diminué, tandis que la tendance à la diya [prix du sang] et au pardon a considérablement augmenté par rapport aux années précédentes. »
« La pratique inhumaine [de la peine de mort pour punir un meurtre] n’est pas populaire parmi les Iraniens », dénonce Mahmood Amiry-Moghaddam. « Elle est utilisée par les autorités pour répandre la peur et faire de simples citoyens des complices de leur brutalité et de leur violence. »
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