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En Israël, la percée de partis homophobes inquiète la communauté LGBTQ

Les militants de défense des droits des LGBTQ craignent un retour en arrière en matière d’acquis juridiques et sociétaux avec l’arrivée au pouvoir des partis ultra-religieux
Un homme juif ultra-orthodoxe prie tandis qu’une pancarte anti-gay est brandie derrière lui, lors du défilé de la Gay Pride d’Israël à Jérusalem, le 21 juin 2017 (AFP/Menahem Kahana)
Un juif ultra-orthodoxe prie tandis qu’une pancarte anti-gay est brandie derrière lui, lors du défilé de la Gay Pride d’Israël à Jérusalem, le 21 juin 2017 (AFP/Menahem Kahana)
Par AFP à TEL AVIV, Israël

Volonté de faire annuler la Gay Pride, comparaisons entre homosexuels et animaux : des figures religieuses et d’extrême droite connues pour leurs positions homophobes pourraient faire une entrée fracassante au gouvernement israélien, faisant craindre aux militants de la communauté LGBTQ des atteintes à leurs droits.

La liste Sionisme religieux et les deux partis ultra-orthodoxes ont remporté quatorze et dix-huit sièges aux législatives du 1er novembre, faisant du camp de droite de l’ex-Premier ministre Benyamin Netanyahou le bloc majoritaire au Parlement. Netanyahou devrait donc logiquement être mandaté pour former un gouvernement.

« Nous allons étudier les possibilités juridiques pour annuler la Gay pride »

- Avi Maoz, chef de Noam, membre de Sionisme religieux

Ses alliés ultra-orthodoxes sont traditionnellement hostiles à la reconnaissance des droits LGBTQ. Les chefs de file de la formation d’extrême droite Sionisme religieux, susceptibles d’accéder à des postes de ministres, font eux ouvertement part de leur aversion pour les membres de cette communauté et menacent même déjà de prendre des mesures contre elle.

« Nous allons étudier les possibilités juridiques pour annuler la Gay pride », a déclaré récemment à la radio militaire Avi Maoz, chef de la petite faction Noam, membre de Sionisme religieux.

Déjà en 2006, les ténors de cette alliance, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, s’étaient illustrés en organisant la « Beast parade » (le défilé des bêtes) à Jérusalem, dans laquelle des opposants religieux à la marche des fiertés avaient défilé avec des ânes, associant les homosexuels à des animaux.

En 2015, Bezalel Smotrich, qui lorgne sur le ministère de la Défense, avait qualifié les homosexuels d’« anormaux » et s’était vanté d’être un « homophobe fier » avant de se rétracter.

Plus récemment en août 2021, il a lié une hausse des infections au covid-19 à la marche des fiertés qui s’était tenue deux mois plus tôt à Tel Aviv.

Israël fait figure de meilleur élève au Moyen-Orient au regard des droits LGBTQ (lesbienne, gay, bi, trans, queer).

Il reconnaît notamment les mariages gays conclus à l’étranger et d’autres mesures ont été adoptées à partir de juin 2021 par la coalition sortante mise sur pied par le centriste Yaïr Lapid, notamment l’interdiction des thérapies de conversion pour les homosexuels ou l’ouverture de la gestation pour autrui (GPA) à tous.

Inquiétudes à l’international

Des militants craignent un retour en arrière sur ces sujets.

« Nous ne savons pas à ce stade précisément qui sera dans le gouvernement, mais si nos droits venaient à être menacés, nous n’hésiterons pas à nous battre, nous nous tenons prêts », affirme Or Keshet, qui milite au sein de la plus importante organisation de défense des droits LGBTQ en Israël, la Agouda.

« Il y a eu des coalitions de droite et conservatrices mais ce qui se dessine est une coalition ultra-conservatrice et il y a des craintes car Israël n’a jamais connu un tel scénario », s’alarme-t-il, estimant que les positions des députés de Sionisme religieux menacent « les valeurs libérales reposant sur les principes d’égalité et de liberté ».

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La perspective d’un gouvernement qui pourrait être le plus à droite de l’histoire d’Israël a également suscité des inquiétudes à l’international.

« Nous espérons que tous les responsables gouvernementaux israéliens continueront de partager les valeurs d’une société ouverte, démocratique et porteuse de tolérance et de respect pour toute la société civile, en particulier les groupes minoritaires », a déclaré le département d’État américain à l’annonce des premiers résultats.

Selon des médias israéliens, Netanyahou, qui a débuté les pourparlers relatifs à la distribution des portefeuilles ministériels avec ses alliés, a déclaré lors d’entretiens privés qu’aucune atteinte ne serait faite à la marche des fiertés.

Itamar Ben Gvir, connu pour sa diatribe anti-arabe et qui convoite le ministère de la Sécurité intérieure, a lui tenté de se montrer rassurant en affirmant qu’il veillerait à assurer la sécurité des participants à cette marche, « même s’il n’était pas emballé » par le défilé.

« J’ai mûri, j’ai adopté des positions plus modérées et j’ai compris que la vie était complexe », a-t-il écrit dans une tribune adressée à ses « frères de gauche » publiée lundi dans le quotidien de droite Israel Hayom.

Keshet reste de son côté préoccupé. Pour lui, « il relève de la responsabilité de Benyamin Netanyahou de préserver l’identité démocratique du pays et les droits LGBTQ ».

Par Alexandra Vardi.

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