Israël : cinq coups d’éclat de Ben-Gvir
Itamar Ben-Gvir, dirigeant de la faction israélienne Otzma Yehudit (Force juive), était de bonne humeur lors de l’élection mardi 1er novembre, accueillant les électeurs dans un bureau de vote et posant pour les photos.
Avec son allié Bezalel Smotrich, le politicien d’extrême droite a remporté une victoire sans précédent. Leur alliance politique, Sionisme religieux, a remporté quatorze sièges au Parlement israélien, bien mieux que les quatre obtenus en 2021.
Ben-Gvir, 46 ans, qui n’a jamais servi dans l’armée israélienne, a demandé à être nommé ministre de la Sécurité publique (chargé de la police donc) dans le gouvernement qui sera formé par Benyamin Netanyahou, dont le Likoud a remporté 32 sièges.
L’année passée, le député controversé était le fer de lance des colons qui ont fait irruption dans le complexe de la mosquée al-Aqsa, a déplacé sa permanence dans un jardin situé à côté d’une maison palestinienne (dont les habitants sont menacés d’expulsion par les colons) et a qualifié Haaretz de « journal du Hamas ».
Ben-Gvir, qui vit dans la colonie illégale de Kiryat Arba dans la ville palestinienne de Hébron, a tweeté mercredi « Bonjour peuple d’Israël. L’heure est venue pour un gouvernement de droite à part entière. Il est temps d’être propriétaire de notre pays ! », a-t-il ajouté.
Middle East Eye revient sur cinq faits marquants concernant l’essor politique inattendu de Ben-Gvir.
Une adolescence kahaniste
Les idées politiques de Ben-Gvir sont influencées par Meir Kahane, influent rabbin, ancien député et fondateur du parti Kach, lequel veut établir une société purement juive.
À l’âge de 16 ans, Ben-Gvir a rejoint Kach en tant qu’activiste avant que le parti ne soit désigné « organisation terroriste » par les États-Unis et interdit en Israël lorsqu’en 1994, un membre du parti a tué des dizaines de fidèles palestiniens dans la mosquée d’Ibrahim à Hébron.
En mai dernier, le département d’État américain a retiré Kach – également connu sous le nom de Kahane Chai – de la liste des organisations terroristes étrangères, affirmant que le groupe « ne pratique plus le terrorisme ».
Par ailleurs, Ben-Gvir a, en sa qualité d’avocat, défendu les activistes de Lehava, une organisation opposée aux mariages de juifs avec des non-juifs, qui appelle à l’expulsion totale des Palestiniens et à l’interdiction de Noël. Lehava considère les églises comme des lieux d’adoration des idoles.
En mai, le ministre israélien de la Défense Benny Gantz évoquait l’idée de désigner Lehava « organisation terroriste » après l’organisation d’une marche à Jérusalem au cours de laquelle ses membres ont scandé « Mort aux Arabes ».
« Nous avons atteint sa voiture »
Le dédain de Ben-Gvir pour toute paix avec les Palestiniens se manifeste par ailleurs clairement dans son hostilité envers l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin.
Ce dernier a été tué par un extrémiste juif alors qu’il rejoignait sa voiture en 1995 lors d’un rassemblement à Tel Aviv, en représailles à la signature d’un traité de paix deux ans auparavant avec Yasser Arafat, président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Ben-Gvir, Netanyahou et d’autres personnalités de droite qui s’étaient élevées contre l’accord de paix avaient organisé un rassemblement place Zion à Jérusalem un mois avant l’assassinat de Rabin, au cours duquel les manifestants avaient crié « Mort à Rabin ! ».
Une photo de Ben-Gvir portant un ornement de la voiture de Rabin a été republiée récemment. Ben-Gvir aurait déclaré : « Nous avons atteint sa voiture, nous l’atteindrons lui aussi. »
La haine de Ben-Gvir pour Rabin, qui a remporté le prix Nobel de la paix aux côtés de Yasser Arafat et Shimon Peres pour cet accord de paix, s’étendait à sa famille. Ben-Gvir, identifié comme un simple « activiste de droite » dans un reportage de la télévision israélienne, avait été filmé en août 2012 en train de harceler la petite-fille de Rabin et d’exiger qu’elle demande « pardon » aux Israéliens.
Réjouissances pour fêter l’AVC d’Ariel Sharon
Par ailleurs, l’opposition virulente de Ben-Gvir à la paix ou au compromis avec les Palestiniens a placé dans sa ligne de mire des politiciens de droite.
Ariel Sharon, ancien Premier ministre israélien et dirigeant du Likoud, avait décidé en 2005 de démanteler les colonies israéliennes illégales dans la bande de Gaza et d’évacuer les colons dans le cadre d’un projet militaire à long terme visant à assiéger les Palestiniens dans l’enclave.
Les colons israéliens en Cisjordanie occupées ont exécré cette décision et lorsque Sharon a fait un accident vasculaire cérébral (AVC) et qu’il est tombé dans le coma en 2006, Ben-Gvir a organisé une fête et un barbecue.
« Bien sûr que nous sommes contents », assurait-il alors. « Nous espérons que c’est là un message pour tous ceux qui veulent nuire à la terre d’Israël : la terre d’Israël est plus puissante que chacun de vous », affirmait Ben-Gvir à un reporter de la télé tout en faisant cuire de la viande.
« Ceux qui s’opposent à l’État seront expulsés »
Ben-Gvir n’a jamais caché qu’il voulait expulser les Palestiniens de leurs terres et de leurs maisons. Il veut également chasser les politiques jugés « déloyaux » envers Israël, il fait ici référence aux membres de la Knesset qui représentent les citoyens palestiniens d’Israël et les députés israélien de gauche.
« Lorsque nous formerons le gouvernement, je promouvrai la Loi sur l’expulsion, qui expulsera quiconque agit contre l’État d’Israël et les soldats », annonçait Ben-Gvir dans une interview en août dernier.
« Ceux qui jettent des pierres et des cocktails molotov contre les soldats seront chassés d’ici. Ceux qui œuvrent contre l’État, comme Ofer Cassif, seront expulsés. Peut-être vers l’Europe. Ils ont besoin de main-d’œuvre là-bas. »
Ofer Cassif est l’unique député juif du parti de gauche propalestinien Liste unifiée. Ben-Gvir avait précédemment indiqué que cette loi ne s’appliquerait pas aux juifs.
Il a également désigné Ayman Odeh, dirigeant de l’alliance arabe de la Liste unifiée, comme quelqu’un qu’il allait expulser « en le mettant dans un train », ainsi que des membres de la secte ultra-orthodoxe antisioniste Neturei Karta.
Dégainer une arme face aux Palestiniens
Ben-Gvir a sorti une arme face aux habitants du quartier palestinien de Sheikh Jarrah de Jérusalem-Est occupée en octobre.
Plus tôt ce jour-là, il avait tweeté une vidéo d’un homme jetant une pierre contre un colon israélien à Sheikh Jarrah devant la police, en commentant : « Au lieu de lui tirer dessus ou de l’arrêter, la police s’est contentée de le repousser. Je me rends là-bas pour protéger les habitants juifs. La promiscuité, ça suffit. »
Peu après, Ben-Gvir a fait son apparition à Sheikh Jarrah avec un groupe de colons qui ont essayé de faire irruption dans la maison d’un Palestinien et ont tailladé les pneus des voitures dans le quartier.
Quand des Palestiniens ont commencé à jeter des pierres contre Ben-Gvir et son groupe, et que les policiers l’ont éloigné en l’escortant, le politicien a dégainé une arme en disant aux policiers : « S’ils jettent des pierres, tirez-leur dessus. »
Ce n’était pas une première pour Ben-Gvir. En décembre dernier, il a dégainé une arme face à deux gardes de sécurité palestiniens dans un parking de Tel Aviv. Tout a commencé lorsque le chauffeur de Ben-Gvir s’est mal garé. Les deux Palestiniens auraient demandé à Ben-Gvir de ne pas se garer dans une zone interdite. Mais en l’espace de quelques minutes, il a sorti son arme en hurlant à l’un des gardes : « Je vais m’occuper de toi ! »
Ben-Gvir était en chemin pour un événement du rabbin Meir Mazuz, figure controversée ayant récemment accusé les juifs réformés et les immigrés de l’ancienne URSS de détruire « le peuple d’Israël ».
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].