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Israël : le retour extrême de Netanyahou sème l’inquiétude

Benyamin Netanyahou a renoué jeudi avec le pouvoir en formant le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël, composé de personnes accusées notamment de misogynie, de racisme, ou encore d’homophobie
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou (au centre) et le nouveau président de la Knesset Amir Ohana (à gauche) quelques instants après que le nouveau gouvernement ait prêté serment, à Jérusalem le 29 décembre 2022 (AFP/Amir Cohen)

Vainqueur des législatives du 1er novembre, Benyamin Netanyahou a présenté jeudi dans la matinée son équipe ministérielle aux députés, avant la tenue durant l’après-midi d’un vote de confiance remporté par une majorité de 63 élus sur les 120 du Parlement et de sa prestation de serment. 

Netanyahou a notamment annoncé la nomination de l’ex-ministre du Renseignement Eli Cohen à la tête des Affaires étrangères. La veille, il avait indiqué que Yoav Gallant, un ancien haut-gradé jugé proche du mouvement pro-colonisation en Cisjordanie occupée, allait obtenir la Défense. 

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La mission du gouvernement sera de « contrecarrer les efforts de l’Iran pour se doter d’un arsenal nucléaire », « d’assurer la supériorité militaire d’Israël dans la région », tout en « élargissant le cercle de la paix » avec les pays arabes, a déclaré Netanyahou.

Inculpé pour corruption dans plusieurs affaires, le chef du Likoud (droite) avait été chassé du pouvoir en juin 2021 par une coalition hétéroclite avant de promettre un retour aux affaires en s’alliant avec des partis ultra-orthodoxes et d’extrême droite.

Sa coalition comprend notamment les formations « Sionisme religieux » de Bezalel Smotrich et « Force juive » d’Itamar Ben-Gvir, connus pour leurs propos anti-palestiniens et leurs positions favorables à l’annexion d’une partie de la Cisjordanie, et « Noam » d’Avi Maoz, ouvertement anti-LGBTQ.

En dépit de la présence de ce parti dans le gouvernement, les députés ont élu Amir Ohana comme président du Parlement, une première pour un député ouvertement homosexuel dans ce pays. 

Des centaines de personnes, dont plusieurs arborant le drapeau arc-en-ciel ou faisant état de sympathies à l’égard des Palestiniens, manifestaient jeudi devant le Parlement contre le nouveau gouvernement. 

« Il s’agit du gouvernement le plus sombre, le plus raciste, le plus mauvais que nous n’avions jamais pu imaginer », a déclaré Niv, un manifestant sur place. 

Pour Amir Sasson, un commercial de 51 ans habitant dans le centre d’Israël, « il faut laisser au nouveau gouvernement une chance de faire ses preuves ». « C’est sûr qu’il y a des sujets très importants, notamment dans le domaine de la sécurité intérieure d’Israël qui faut améliorer le plus vite possible. »

« Soif de pouvoir » 

Dans ce nouveau gouvernement, Belazel Smotrich et Itamar Ben-Gvir sont respectivement en charge des colonies en Cisjordanie et de la police israélienne, dont des unités opèrent aussi dans ce territoire palestinien occupé depuis 1967 par Israël.

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La procureure générale, Gali Baharav-Miara, a récemment dit craindre des réformes réduisant le pouvoir des juges et d’une « politisation des forces de l’ordre » qui « porterait un coup sérieux aux principes les plus fondamentaux de l’État de droit ». 

Et le chef d’état-major de l’armée Aviv Kochavi s’est dit inquiet de la création d’un second poste de ministre, celui de Belazel Smotrich, au sein même de la Défense pour superviser la gestion civile de la Cisjordanie.

Pour de nombreux analystes, Benyamin Netanyahou a multiplié les concessions à ses partenaires dans l’espoir d’obtenir une immunité judiciaire ou l’annulation de son procès pour corruption.

Vers une explosion ?

Dans la foulée de la dernière offensive sur Gaza en mai 2021 et des violences récentes en Cisjordanie, les plus graves depuis la fin de la Seconde intifada (2000 à 2005), la crainte d’une escalade militaire avec les Palestiniens est bien présente. 

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« Il y a de nombreuses lignes rouges : Al-Aqsa, l’annexion [de la Cisjordanie], le statut des prisonniers palestiniens [en Israël]... Si Ben-Gvir, à titre de ministre se rend à Al-Aqsa, ce sera une grande ligne rouge de franchie et cela mènera à une explosion », confie Basem Naim, haut responsable politique du Hamas.

Itamar Ben-Gvir s’est déjà rendu ces derniers mois sur l’esplanade des Mosquées, lieu saint au cœur des tensions israélo-palestiniennes à Jérusalem-Est.   

En vertu d’un statu quo historique, les non-musulmans peuvent s’y rendre mais pas y prier, mais la visite d’un ministre israélien en fonction sur ce site serait perçue comme de la provocation parmi les Palestiniens.

« Si le gouvernement agit de manière irresponsable, cela pourrait provoquer une crise sur le plan de la sécurité », s’est inquiété le ministre sortant de la Défense, Benny Gantz. 

L’ambassadrice d’Israël en France, Yael German, a présenté sa démission dans la journée : « Votre politique, les déclarations des ministres de votre gouvernement et les intentions de législation sont contraires à ma conscience, à ma vision du monde et aux principes de la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël », a-t-elle indiqué dans une lettre postée sur Twitter. 

Plusieurs dizaines de manifestants ont également protesté à Tel Aviv.

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