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2022, l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis la seconde Intifada

Middle East Eye analyse les chiffres record en matière de violence israélienne en 2022, dont la majorité des victimes ont été des civils, notamment des enfants et des journalistes
La mère de Ghaith Yamin (16 ans), tué par des soldats israéliens à Naplouse (Cisjordanie occupée), pleure auprès du corps sans vie de son fils, le 25 mai 2022 (AFP)

Les forces israéliennes ont tué plus de Palestiniens en Cisjordanie occupée en 2022 que lors de toute année civile depuis la seconde Intifada, selon les données compilées par Middle East Eye.

Au moins 220 personnes ont péri dans des attaques israéliennes dans les territoires occupés, dont 48 enfants. Sur ce bilan total, 167 vivaient en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et 53 dans la bande de Gaza

Cinq citoyens palestiniens d’Israël ont également été tués au cours de la même période.

Le regain de violence dans le camp israélien intervient alors que l’armée intensifie ses opérations en Cisjordanie et que la résistance armée palestinienne connaît une résurgence.

Dans au moins cinq cas, des colons ont été soupçonnés d’avoir tué des Palestiniens, tandis que l’armée est responsable de l’écrasante majorité des décès. 

Selon les données de l’ONU, près de 9 500 Palestiniens de Cisjordanie ont été blessés au cours de la même période.

En parallèle, au moins 29 Israéliens ont été tués par des Palestiniens, dont un enfant, soit le bilan le plus lourd depuis 2008.​

 

Le nombre de morts enregistré en 2022 en fait l’année la plus violente connue en Cisjordanie depuis 2005, qui marque pour beaucoup la fin de la seconde Intifada

À l’époque, la résistance armée palestinienne en Cisjordanie était étouffée sous le leadership du président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas.

Or, le contrôle sécuritaire de l’AP sur certaines zones de Cisjordanie a été remis en question en 2022, avec l’émergence de deux groupes armés semi-organisés, les Brigades de Jénine et la Tanière des Lions à Naplouse. 

L’augmentation de la violence des forces israéliennes a suscité l’inquiétude de nombreux pays, y compris dans la région. 

En décembre, des experts de l’ONU ont condamné Israël pour ces records en matière de violence et mis en garde contre un bilan encore plus lourd cette année. 

« À moins que les forces israéliennes n’abandonnent cet état d’esprit dominant colonialiste et ne traitent légitimement les Palestiniens en territoire occupé comme des personnes à protéger, le bilan déplorable d’Israël en Cisjordanie occupée risque de se détériorer encore en 2023 », ont-ils déclaré. 

Des civils non armés 

Selon l’analyse de MEE, la majorité des victimes palestiniennes n’étaient probablement pas armées au moment de leur mort. 

Dans au moins 95 cas, des Palestiniens ont été abattus par des soldats israéliens alors qu’ils se trouvaient sur place pendant des raids de l’armée ou participaient à des manifestations contre l’occupation.

Dans la plupart des cas, l’armée israélienne a formulé des déclarations quasi identiques, affirmant que ses forces avaient répondu par le feu à des jets de pierres ou d’engins explosifs. Elle déclare souvent que « des impacts ont été identifiés », sans entrer dans les détails.

Près de 21 combattants ont été tués lors d’affrontements armés avec des soldats israéliens. Pour 20 autres personnes tuées lors de ces raids, il n’a pas été possible de déterminer si elles avaient participé aux échanges de tirs ou si elles n’étaient pas armées.

Par ailleurs, 22 personnes ont été tuées après des attaques présumées à la voiture-bélier, à l’arme à feu ou à l’arme blanche contre des civils israéliens et les forces de sécurité. Dans certains cas, des Palestiniens ont été abattus pour avoir prétendument « tenté » de commettre de telles attaques.

 

L’armée israélienne, qui enquête rarement sur les meurtres commis par ses troupes contre des Palestiniens, est critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme pour sa politique de « tirer pour tuer », qu’elle emploie même lorsque les Palestiniens ne représentent aucun danger pour les soldats. 

Selon un récent rapport de l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme Yesh Din, moins d’1 % des soldats accusés d’avoir porté atteinte à des Palestiniens entre 2017 et 2021 ont été inculpés de crimes.

Les autorités militaires « évitent systématiquement d’enquêter et de poursuivre les soldats portant atteinte à des Palestiniens », a déclaré l’organisation.

Des enquêtes sont parfois menées dans des affaires très médiatisées et souvent sous une pression internationale, comme dans le cas de Shireen Abu Akleh, où l’armée israélienne n’a trouvé « aucun soupçon qu’une infraction pénale ait été commise ». 

Cette reporter chevronnée d’Al Jazeera fait partie des deux journalistes tuées par l’armée israélienne, l’autre étant Ghufran Harun Warasneh (30 ans).

En parallèle, au moins 52 adolescents (10-19 ans) ont été tués, dont 31 avaient moins de 18 ans. 

Rayyan Sulaiman, âgé de 7 ans, est la plus jeune victime. Il est décédé d’une crise cardiaque après avoir été pourchassé par des soldats. L’armée israélienne a nié toute responsabilité dans sa mort. 

Parmi les mineurs tués lors de ces violences figurent Mahmoud Mohammad Samoudi (12 ans), abattu lors d’un raid israélien à Jénine, Jana Majdi Zakarneh (15 ans), qui a reçu deux balles dans le visage alors qu’elle jouait avec son chat sur son toit, ainsi que Zaid Ghonaim (15 ans), qui aurait été abattu alors qu’il se cachait dans un parking. 

Au moins sept victimes étaient des femmes et des filles, notamment Ghada Sabateen (47 ans), mère de six enfants, Fulla Rasmi al-Masalma (15 ans), tuée la veille de son anniversaire, et Hanan Khaddour (18 ans), abattue alors qu’elle rentrait de l’école. 

Au moins trois personnes âgées de plus de 60 ans sont également décédées, dont l’activiste pacifique emblématique Suleiman al-Hathalin (80 ans), renversé par une dépanneuse israélienne, ainsi qu’Omar Mohammad Asaad (80 ans), décédé au cours d’une arrestation par les forces israéliennes.

Une hausse de la résistance 

L’un des principaux moteurs de la violence en Cisjordanie est constitué par les perquisitions et arrestations effectuées quasiment toutes les nuits par l’armée israélienne dans les villes et villages palestiniens, qui se révèlent souvent meurtrières.

Selon les données de l’ONU, 3 437 raids de ce type ont été menés en 2022. Plus de 6 500 Palestiniens ont été arrêtés au cours de cette période, dont 811 enfants, a déclaré en décembre la Palestinian Prisoners’ Society. 

En mars, Israël a lancé la campagne militaire « Briser la vague », une opération visant à écraser la résistance palestinienne armée qui a connu un regain en Cisjordanie.

Selon les chiffres fournis par l’armée israélienne, au moins 285 tirs provenant de Palestiniens ont visé des cibles israéliennes – principalement des postes militaires et des check-points – en 2022, contre 61 en 2021, 31 en 2020 et 19 en 2019. 

Le bilan dans le camp israélien en 2022 s’élève à 29 morts selon le décompte de MEE, dont 17 au cours de cinq attaques différentes à l’arme à feu et à l’arme blanche commises dans des villes en Israël entre mars et mai, tandis que 12 personnes ont été tuées plus tard dans diverses attaques en Cisjordanie occupée. Le Shin Bet, l’agence de renseignement interne d’Israël, estime le nombre de morts à 31, selon les médias israéliens. 

Parmi ces victimes figurent quatre soldats et huit colons. Trois des soldats israéliens ont été pris pour cible par des Palestiniens armés à des postes militaires et des check-points à Jérusalem, Naplouse et Jénine

Le quatrième soldat a été tué lors d’un échange de tirs pendant un raid dans le camp de réfugiés de Jénine. 

Selon les données de l’ONU, au moins 280 Israéliens ont été blessés par des Palestiniens. 

La plupart des opérations israéliennes en Cisjordanie se sont concentrées sur Jénine et Naplouse, qui abritent un nombre croissant de combattants palestiniens.

Au total, 90 décès dans le camp palestinien, soit plus de la moitié, ont été enregistrés dans ces deux seules villes.

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Les Palestiniens accusent l’armée israélienne d’avoir de plus en plus recours aux assassinats pour éliminer certains des principaux combattants des groupes armés, une tactique largement utilisée pendant la seconde Intifada. 

Lors de trois opérations différentes, les forces israéliennes ont abattu neuf combattants palestiniens alors qu’ils se trouvaient à l’intérieur de leur véhicule, ce que les Palestiniens qualifient d’« exécutions sur le terrain ». 

Un autre combattant recherché par Israël a été tué dans ce qui semblait être une explosion ciblée à Naplouse. Les Palestiniens ont accusé Israël d’être à l’origine de cette attaque. L’armée israélienne n’a pas formulé de commentaire sur l’explosion.

La violence des colons 

Parallèlement à une recrudescence des opérations militaires, les Palestiniens ont été confrontés à une violence meurtrière croissante des colons en 2022, qui suit une tendance à la hausse observée d’année en année depuis 2016, selon l’ONU.

Au moins 755 attaques de colons contre des Palestiniens ont eu lieu en 2022, dont 161 ont engendré des décès ou des blessures, selon les données de l’ONU. En comparaison, 496 attaques ont été enregistrées en 2021 et 358 en 2020.

Les colons ont notamment employé des tirs à balles réelles, commis des agressions physiques, provoqué des incendies criminels et déraciné des oliviers. 

En 2022, au moins cinq Palestiniens auraient été tués par des colons, dont Ali Hasan Harb (28 ans), poignardé alors qu’il s’opposait pacifiquement à une attaque de colons sur des terres palestiniennes privées à Salfit.

Amjad Nashaat Abu Alia, un jeune Palestinien de 16 ans, a également été mortellement blessé par balle lors d’une attaque au cours de laquelle des colons et des soldats ont tiré sur des manifestants palestiniens. 

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Selon les experts de l’ONU, « des colons israéliens armés et masqués attaquent des Palestiniens chez eux et des enfants sur le chemin de l’école, causent des dégâts matériels, brûlent des oliveraies et terrorisent des communautés entières en toute impunité ».

Sur les 755 attaques menées par des colons en 2022, 594 ont entraîné des dégâts matériels. Selon le Land Research Center, basé à Jérusalem, 13 130 oliviers appartenant à des Palestiniens ont été endommagés. 

Les experts de l’ONU accusent les autorités israéliennes d’être complices de la violence des colons.

« Compte tenu des preuves troublantes montrant que les forces israéliennes facilitent, soutiennent et participent fréquemment à des attaques des colons, il est difficile de discerner la violence des colons israéliens de la violence d’État », indiquent les experts. 

Près de 700 000 colons vivent dans plus de 250 colonies et avant-postes (colonies considérées comme illégales y compris par Israël) en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, en violation du droit international. 

Ayah El-Khaldi a contribué à cet article.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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