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« Quel était son crime ? » La Palestine pleure un autre enfant tué par Israël

Peu après un raid des forces israéliennes sur la ville de Jénine dimanche, une adolescente de 15 ans a été retrouvée morte sur son toit, criblée de balles
Des personnes endeuillées aux funérailles de Jana Zakarneh à Jénine, en Cisjordanie occupée, le 12 décembre 2022 (Reuters)
Des personnes endeuillées aux funérailles de Jana Zakarneh à Jénine, en Cisjordanie occupée, le 12 décembre 2022 (Reuters)
Par Leila Warah à JÉNINE, Palestine occupée

Jana Majdi Zakarneh, adolescente palestinienne de 15 ans, était en pyjama sur son toit, en train de jouer avec son chat dimanche soir, lorsque les forces israéliennes lui ont tiré dessus à plusieurs reprises (dont deux au visage). 

Le lendemain, le choc était perceptible à Jénine, où Jana a été tuée. Des personnes endeuillées ont assisté à ses funérailles sur des chaises en plastique dans un silence morne.

La voix de sa tante, Hanan Said Zakarneh, a retenti : « Qu’avait fait cette enfant pour être abattue ainsi ? »

« Quel était son crime ? », s’est-elle interrogée en retenant ses larmes. 

« Elle était jeune. Elle passait presque tout son temps avec ses parents et ne sortait pas de la maison », confie Hanan à Middle East Eye, expliquant que les deux parents de Jana ont des handicaps qui requièrent une prise en charge et une assistance constante.

Jana, qui allait avoir 16 ans à la fin du mois, s’occupait d’eux. 

« Ma sœur n’avait que sa fille, aujourd’hui martyre, et un garçon encore jeune », poursuit Hanan.

« Personne ne savait quoi faire »

Ce dimanche soir, les tirs ont claqué dans le quartier lors du raid des forces israéliennes, mais personne n’a réalisé sur le moment que Jana avait été touchée.

La descente a débuté vers 21 h 30, et une vingtaine de minutes après le départ des soldats, le corps de Jana a été découvert. 

Son oncle, Majid Zakarneh, rapporte à MEE que ce sont son père et son petit frère de 13 ans qui ont découvert son corps sur le toit après avoir remarqué son absence et être partis à sa recherche. 

« Lorsque je suis arrivé, elle était au sol, semblant saigner de partout »

- Majid Zarkaneh, oncle de Jana

« Elle était sur le toit, assise avec son chat. Elle y est allée après le début de la fusillade mais elle n’était pas du tout à côté des soldats », assure Majid.

Il indique qu’elle a été atteinte de quatre balles : deux au visage, une dans le cou et une dans l’épaule.

« La famille a remarqué son absence et l’a appelée, en vain. Lorsque je suis arrivé, elle était au sol, semblant saigner de partout », relate Majid.

« Il y avait énormément de sang par terre. Personne ne savait quoi faire.

« Ma sœur ne comprend même pas que sa fille est morte. Elle est dans un monde à part et ne parvient pas à appréhender ce qui se passe autour d’elle. »

Le ministère palestinien de la Santé a annoncé son décès après minuit lundi, précisant qu’elle avait été tuée d’une balle dans la tête tirée par les forces israéliennes lors d’un raid dans la ville de Jénine. 

Nulle part où se cacher

Peu après le début de la descente dans le quartier d’al-Bayadir, des affrontements ont éclaté entre des combattants palestiniens armés et des soldats israéliens. Les forces israéliennes ont perquisitionné plusieurs maisons et arrêté trois Palestiniens. 

Après ces arrestations, les affrontements ont dégénéré entre les combattants palestiniens et les forces israéliennes, signale à MEE Saleem al-Subar, activiste de Jénine.

« Les soldats sont passés à l’offensive alors qu’il y avait encore des civils dans les rues, notamment des familles avec enfants », précise-t-il.

« On a commencé à entendre des fusillades partout, les gens étaient déboussolés et ne savaient pas quoi faire. Ils se sont mis à courir se cacher parce qu’ils ne savaient pas d’où tiraient les soldats. »

Majid rapporte à MEE que des douilles ont été trouvées dans une maison voisine, appartenant à l’un des hommes arrêtés par les forces israéliennes. Il pense que c’est depuis cette maison que Jana a été abattue par un sniper.

Traduction : « Lolo, le chat de l’enfant Jana Zakarneh, erre autour de l’endroit où elle a été assassinée par les forces d’occupation israéliennes lors du raid sur la ville de Jénine la nuit dernière. »

L’armée israélienne a publié lundi après-midi un communiqué : « Après une enquête préliminaire, il apparaît qu’il y a de fortes chances que l’adolescente tuée ait été touchée par un tir accidentel venant d’hommes armés sur un toit des environs, depuis lequel des tirs visant les forces [israéliennes] ont été tirés. »

« L’armée et ses commandants regrettent tout préjudice subi par les civils innocents, notamment ceux qui se trouvent dans un environnement de combat et à proximité immédiate de terroristes armés lors d’échanges de tirs », a ajouté l’armée.

Pour autant, la population de Jénine et de Cisjordanie occupée ne se sent pas en sécurité. 

« Même si vous vous cachez chez vous, ce n’est pas sûr. Regardez Jana, elle était chez elle et elle a été tuée. Donc même quand les gens fuient, ils ne savent pas s’ils survivront », indique Saleem al-Subar.

« Où sont censés aller les gens si même chez eux, ils ne se sentent pas en sécurité ? Où est le reste du monde ? Pourquoi ne nous défend-il pas ? »

« Chaque jour, un nouveau martyr »

Jana est la 59e Palestinienne et la 15e mineure tuée par les forces israéliennes dans la ville palestinienne de Jénine en 2022. 

En Cisjordanie, Jana est la 166e Palestinienne et la 39e mineure tuée par les forces israéliennes cette année, selon Wafa

Cette année est la plus meurtrière pour les Palestiniens depuis que l’ONU a commencé à dénombrer les victimes en 2005. 

L’armée israélienne mène des raids presque tous les soirs en Cisjordanie pour « contrecarrer le terrorisme ».

« Nos jeunes se font tuer ici et personne ne s’en soucie. Après leur mort, seuls leurs parents se souviennent d’eux »
- Hanan Zakarneh, tante de Jana

La nuit où Jana a été tuée, trois Palestiniens ont été arrêtés à Jénine et quinze autres dans d’autres raids à travers la Cisjordanie. 

« Chaque jour, il y a un nouveau martyr ici. Parfois, il y en a un, parfois deux et parfois même trois. Personne ne se demande ce qu’Israël fait ici », regrette Saleem al-Subar. 

Les organisations de défense des droits de l’homme condamnent la politique du « tirer pour tuer » d’Israël, tandis que se multipliele nombre de Palestiniens tués par les soldats israéliens alors qu’ils ne posaient aucune menace. Jana en est l’exemple parfait. 

Même si Majid espère obtenir justice pour sa nièce et que « la personne qui lui a fait ça soit trouvée et arrêtée », il a peu d’espoirs concernant l’intégrité des cours pénales israéliennes. 

« On sait que ça n’arrivera jamais parce que les Israéliens ont le feu vert de la communauté internationale et ne se soucient pas des vies palestiniennes », déplore-t-il.

De même, la tante de Jana a pris congé de MEE en demandant de dire au monde « de prendre soin du peuple palestinien ».

« Nos jeunes se font tuer ici et personne ne s’en soucie. Après leur mort, seuls leurs parents continuent de se souvenir d’eux. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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