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À Jérusalem, les Églises se rebiffent contre la colonisation israélienne

Dans la ville sainte, les Églises sont vent debout contre des « radicaux » juifs qui s’implantent dans le quartier chrétien et menacent, alertent-elles, un fragile équilibre confessionnel
Un homme passe devant l’hôtel Petra, porte de Jaffa, dans la vieille ville de Jérusalem alors que les chefs religieux chrétiens se rencontrent à l’intérieur (AFP/Hazem Bader)
Un homme passe devant l’hôtel Petra, porte de Jaffa, dans la vieille ville de Jérusalem alors que les chefs religieux chrétiens se rencontrent à l’intérieur (AFP/Hazem Bader)
Par AFP à JÉRUSALEM-EST OCCUPÉE

Le patriarche grec-orthodoxe Théophile III ne décolère pas : selon lui, des colons israéliens sont bien décidés « à débarrasser la Terre sainte des profanes », que sont à leurs yeux les chrétiens.

Dans la Vieille ville de Jérusalem, divisée en quatre quartiers historiques (chrétien, juif, musulman et arménien), son Église est au cœur d’une bataille judiciaire vieille de 17 ans, et qui a un pris un nouveau tournant le 27 mars : ce jour-là, des colons ont pénétré dans l’hôtel Petra, dont elle est propriétaire et géré par des Palestiniens à la porte de Jaffa, principale entrée donnant sur le quartier chrétien.

Israël peu soucieux de contrarier ses « radicaux »

Les colons de l’organisation nationaliste israélienne Ateret Cohanim, qui œuvre à la « judaïsation » de Jérusalem en rachetant des biens de manière souvent opaque, sont entrés dans l’hôtel par « effraction », dénonce l’Église grecque-orthodoxe, soulignant que leur litige n’a pas été tranché.  

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L’Église avait traîné Ateret Cohanim en justice en 2005 après la vente de trois de ses biens, dont l’hôtel, qu’elle dit conclue sans son autorisation, blâmant un avocat véreux ayant « volé le patriarcat ».

Le patriarche Théophile III dit avoir le soutien de l’Etat israélien qui lui a « promis » d’agir pour que les colons quittent les lieux.

Mais deux semaines après, ceux-ci étaient toujours sur place, au grand désespoir du chef local de l’Église grecque-orthodoxe.

Ce dernier se désole que le gouvernement israélien « ne semble pas avoir le pouvoir ou la volonté » de contrecarrer les projets de ces « radicaux » juifs qui « menacent le caractère chrétien de Jérusalem ».

Le quartier chrétien en danger ?

Si les colons parviennent à s’emparer légalement des trois biens de l’Église grecque-orthodoxe, ils pourront y loger des centaines de personnes, « ce qui changera complètement la nature du quartier chrétien », souligne Hagit Ofran, de l’organisation israélienne anticolonisation « La paix maintenant ». 

Le patriarche grec orthodoxe Théophile III (au centre) arrive pour une réunion avec d’autres chefs religieux à l’hôtel Petra, dans le quartier de la porte de Jaffa dans la vieille ville de Jérusalem (AFP/Hazem Bader)
Le patriarche grec orthodoxe Théophile III (au centre) arrive pour une réunion avec d’autres chefs religieux à l’hôtel Petra, dans le quartier de la porte de Jaffa (AFP/Hazem Bader)

Ces biens du quartier chrétien, dans le viseur des colons, y sont devenus des symboles de la colonisation israélienne, illégale au regard du droit international. 

Mais celle-ci est plus large : selon l’ONU, environ 300 colons vivent dans la partie chrétienne de la Vieille ville située à Jérusalem-Est, secteur palestinien illégalement annexé en 1967 par Israël.

Constatant une accélération de la colonisation, mais aussi des actes de vandalisme ou des agressions anti-chrétiennes, les Églises haussent le ton.

Aux abords de la Vieille ville, sur le mont des Oliviers où se dressent plusieurs éminentes églises, Israël prévoit d’étendre un parc qui empiéterait ainsi sur des terres appartenant à des institutions chrétiennes.

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Les trois communautés concernées (grecque-orthodoxe, arménienne et franciscaine), ont adressé en février une lettre assassine aux autorités.

« Ces dernières années, nous n’avons pu nous empêcher de penser que diverses entités cherchaient à minimiser, pour ne pas dire éliminer, tout attribut non juif de la ville sainte », ont-elles écrit.

En décembre, Israël avait été irrité par des propos de l’archevêque de Canterbury (Royaume-Uni) et chef de l’Église anglicane, Justin Welby, qui estimaient que la hausse des agressions et du vandalisme de lieux saints relevaient d’une « tentative concertée » de faire partir les chrétiens.

Israël avait dénoncé des accusations « sans fondement ».

Un « environnement juif avec des enclaves chrétiennes »

Pour Hagit Ofran, le gouvernement fait le minimum, voire « protège les colons » via ses forces de l’ordre qui ne les délogent pas.

L’État d’Israël, qui considère l’entièreté de Jérusalem comme sa capitale « indivisible », « veut créer un environnement juif, avec des enclaves chrétiennes », accuse-t-elle.

Deux juifs ultra-orthodoxes regardent des graffitis sur le mur d’une église indiquant en hébreu « Le roi David, roi des juifs et Jésus est une poubelle », à Jérusalem.
Deux juifs ultra-orthodoxes regardent des graffitis sur le mur d’une église indiquant en hébreu « Le roi David, roi des juifs et Jésus est une poubelle », à Jérusalem (AFP/Thomas Coex)

Le père Nikodemus Schnabel, de la communauté bénédictine sur le mont Sion, accolé à la Vieille ville, regrette que l’État « ferme les yeux ».

Son Abbaye de la Dormition est la cible d’actes de vandalisme attribués à des colons et qui se sont multipliés ces derniers mois.

Il ne faut pas sous-estimer la « haine des chrétiens » qui agite une minorité extrémiste en Israël et qui sous-tend la colonisation, dit-il. 

Le religieux ajoute que cela serait un véritable « ennui »,  si Jérusalem « n’était que juive, que chrétienne ou que musulmane ! ».

Fait rare, dans quelques, jours, les célébrations juive de Pessah, chrétienne de Pâques, et musulmane du ramadan coïncideront.

Par Claire Gounon.

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