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Cinq jeux vidéo incontournables dont l’intrigue se déroule au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

Malgré la faible présence de la région dans les intrigues vidéoludiques, de plus en plus de jeux y ont laissé leur empreinte au cours des dernières années
Le jeu vidéo représente un marché important au Moyen-Orient et au Maghreb, et de plus en plus de développeurs mettent en scène des personnages de la région dans leurs productions (MEE)

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont un marché en pleine croissance pour le jeu vidéo depuis de nombreuses années ; les jeunes de la région comptent ainsi parmi les plus grands fans de franchises telles que FIFA, Minecraft et Fortnite.

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D’Istanbul à Casablanca, les centres urbains sont parsemés de cafés gaming, souvent ornés du logo Playstation ou d’affiches grandeur nature de personnages lourdement armés faisant la promotion de la série Call of Duty.

Dans les compétitions de gaming, la région est également bien représentée. Un joueur saoudien, Mosaad al-Dossary, a ainsi remporté plus de 560 000 dollars de prize money dans des tournois FIFA.

Si le jeu en tant que loisir est très répandu dans la région, il en va tout autrement de sa représentation dans les jeux vidéo.

D’une manière générale, rares sont les protagonistes non blancs qui campent les premiers rôles dans les histoires des jeux, même si les choses changent peu à peu, notamment avec les séries Yakuza et Life is Strange.

Les personnages et les décors du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord sont encore plus rares : la plupart des personnages présents prennent la forme de méchants en deux dimensions ou de cibles anonymes à abattre.

Cela étant dit, cette tendance n’est pas universelle. Les exemples ci-dessous prouvent que la région peut être une source d’inspiration pour les scénaristes de l’industrie vidéoludique.

Prince of Persia

Bien que le jeu original ait fait ses débuts en 1989, Prince of Persia est définitivement entré dans le monde du jeu vidéo grand public après la sortie de Prince of Persia : Les Sables du Temps en 2003.

L’histoire suit un prince anonyme qui voyage à travers l’Inde avec son père pour se rendre chez un sultan. Il y découvre la Dague du Temps, qui donne à son utilisateur le pouvoir d’inverser et d’arrêter le temps. Vous devez vaincre vos ennemis à l’aide de ces pouvoirs mystiques, mais aussi user de vos talents d’acrobatie à travers différentes plateformes pour vous mettre à l’abri.

Sorti en 2003, Prince of Persia : Les Sables du Temps a été adapté en film, avec Jake Gyllenhaal à l’affiche (Ubisoft)
Sorti en 2003, Prince of Persia : Les Sables du Temps a été adapté en film, avec Jake Gyllenhaal à l’affiche (Ubisoft)

Les jeux Prince of Persia se distinguaient à l’époque (et malheureusement, se distinguent toujours) par le fait qu’ils faisaient partie des rares jeux commercialisés par un grand éditeur (Ubisoft) à mettre en scène un protagoniste du Moyen-Orient et à développer son histoire dans la région.

Malgré le remake à venir de Prince of Persia : Les Sables du Temps, la mise en sommeil de la série depuis plusieurs années a pu surprendre. Les Sables du Temps a eu trois suites distinctes, qui ont toutes connu un succès critique et commercial. Cet opus a également été adapté à Hollywood en 2010, mais le casting, avec Jake Gyllenhaal en tête de gondole, a donné lieu à des accusations d’occidentalisation ; l’acteur a lui-même reconnu qu’il regrettait d’avoir accepté le rôle.

Un autre jeu Prince of Persia, un opus indépendant sorti en 2008, se détache du reste de la série par son histoire, son style et sa tonalité. Il suit l’histoire d’un prince bandit qui aide à restaurer l’ordre dans une Perse mystique et imaginaire. L’élément le plus intéressant du jeu est son utilisation de motifs et de symboles zoroastriens. Cette religion, autrefois très répandue en Iran, n’a aujourd’hui que peu d’adeptes.

Journey

Journey suit un personnage sans nom vêtu d’une robe qui tente de se frayer un chemin à travers des environnements désertiques changeants et tumultueux pour rejoindre une montagne lointaine dont le sommet est fendu. 

Le voyageur que le joueur contrôle n’a pas de traits de visage, ses yeux brillants étant le seul élément humain visible sur son visage sombre. 

Journey est un jeu chargé de symboles religieux (thatgamecompany/Sony).
Journey est un jeu chargé de symboles religieux (thatgamecompany/Sony).

Le personnage, qui flotte et glisse gracieusement à travers les paysages désertiques, émet également un chant qui peut être utilisé pour communiquer avec les autres joueurs, ainsi que pour agrandir son écharpe fluide afin de sauter et voler sur de courtes distances. Le son attire également l’attention du personnage sur des sites abandonnés, qui révèlent alors des images illustrant l’essor et la chute d’une civilisation perdue, désormais recouverte de sable.

Sans dialogue et peu explicite, Journey est néanmoins rempli de symboles proches du religieux. En effet, son créateur, Jenova Chen, a reconnu son intention de créer une « expérience d’église » destinée à « émerveiller » les joueurs. Mais c’est au joueur qu’il revient d’en déterminer la signification exacte.

Pour moi, le décor du jeu planté dans le désert du Moyen-Orient évoque quelque chose d’ancré dans les enseignements des religions abrahamiques, mais l’idée d’une renaissance après un combat renvoie également à des thèmes bouddhistes.

Assassin’s Creed Origins

Lors du lancement de la série, la franchise Assassin’s Creed permettait aux joueurs de prendre le contrôle d’Altaïr, membre des Assassins, un ordre militaire ismaélien notoire qui éliminait ses ennemis – tant musulmans que chrétiens – en organisant des meurtres sensationnels, parfois minutieusement planifiés pendant des années.

Les développeurs ont ensuite décidé de mondialiser la série, en situant les histoires dans les États-Unis de l’époque de la guerre d’Indépendance, dans l’Italie de la Renaissance ou encore dans l’Angleterre victorienne.

En 2017, la série est retournée au Moyen-Orient avec Origins, qui se déroule dans l’Égypte ancienne à la fin de la période ptolémaïque, vers 50 av. J.-C. La formule de base du tueur quasi-invincible qui court librement et saute de mur en mur demeure la même et l’histoire tourne autour d’un patrouilleur du désert, ou Medjaÿ, nommé Bayek de Siwa. 

Origins se déroule dans l’Égypte ptolémaïque et sert de préquelle au premier jeu Assassin’s Creed (Ubisoft)
Origins se déroule dans l’Égypte ptolémaïque et sert de préquelle au premier jeu Assassin’s Creed (Ubisoft)

Dans une intrigue relatant à première vue la quête vengeresse de Bayek, qui a tué son fils par inadvertance lors d’une échauffourée avec un groupe d’hommes masqués, le protagoniste se retrouve pris dans une lutte entre Ceux qu’on ne voit pas, précurseurs des Assassins de la série vidéoludique, et l’Ordre des Anciens, dont descendent les antagonistes de la série, les Templiers.

Ce jeu empreint d’intrigues politiques au sommet a également été conçu par les développeurs pour faire de son vaste univers ouvert un outil pédagogique.

Quelques mois après sa sortie, le jeu a été mis à jour avec un mode « Parcours découverte » qui supprime tous les combats et transforme le jeu en un musée vivant. Plus de 70 visites peuvent être effectuées, chacune se concentrant sur un aspect particulier de la vie dans l’Égypte ancienne, toutes créées avec l’aide d’universités et d’historiens.

L’outil a rencontré un tel succès qu’il est disponible séparément pour ceux qui ne sont pas intéressés par le jeu lui-même. Il est simplement regrettable que cette référence en matière d’interactivité ne soit pas devenue une norme commune à l’ensemble de l’industrie.

Heaven’s Vault 

Heaven’s Vault est un jeu qui se déroule également dans un décor indéterminé situé en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient, ressemblant vaguement à celui de Journey. Vous incarnez une archéologue nommée Aliya Elasra, chargée par un supérieur de retrouver un collègue chercheur disparu. Elle est obligée d’emmener avec elle un compagnon robotique nommé Six. 

La protagoniste, qui porte un foulard et un nom à consonance arabe, relève le défi à contrecœur, même si les circonstances de la disparition du chercheur éveillent sa curiosité. Comme tout archéologue, Aliya Elasra collecte divers échantillons de ruines et d’artefacts pour tenter de résoudre le mystère.

Heaven’s Vault suit l’histoire d’Aliya Elasra, une archéologue portant un foulard (Inkle)
Heaven’s Vault suit l’histoire d’Aliya Elasra, une archéologue portant un foulard (Inkle)

Imprégné des thèmes de l’Égypte ancienne, le joueur doit déchiffrer une écriture hiéroglyphique appartenant à une civilisation perdue, connue uniquement sous le nom d’Anciens. Les développeurs du studio Inkle affirment avoir créé plus d’un millier de mots dans cette langue fictive.

Heaven’s Vault se distingue non seulement des autres jeux narratifs, mais aussi de ceux qui proposent plusieurs issues et options de dialogue. En effet, les choix que vous faites pour Aliya Elasra peuvent façonner sa personnalité et la façon dont elle est perçue. Les choix effectués par le joueur se traduisent par des variations dans le ton et la personnalité de la protagoniste, qui peut se montrer coopérative et pragmatique, ou affirmée voire dédaigneuse, en fonction des situations dans lesquelles elle se trouve. Les créateurs méritent des éloges pour ce personnage aussi unique que mémorable.

Civilisation VI

La série Civilisation déchaîne les passions des joueurs devant leur écran depuis l’époque des moniteurs à tube cathodique.

Partant d’une petite parcelle de terre carrée, les joueurs contrôlent un groupe d’humains, initialement un ou deux, qui créent des colonies en utilisant les ressources et la géographie qu’ils rencontrent. Au fil du temps, des colonies rivales apparaissent et le joueur doit décider du meilleur plan d’action : la coopération ou la guerre.

Trois jours entiers de jeu plus tard, le joueur domine le monde et se dirige vers Alpha Centauri, la formation la plus proche du soleil, pour établir une nouvelle civilisation.

Pour sa version modélisée de Cyrus le Grand, Civilisation VI s’est inspiré des traits du fondateur historique de l’Empire achéménide (2K Games)
Pour sa version modélisée de Cyrus le Grand, Civilisation VI s’est inspiré des traits du fondateur historique de l’Empire achéménide (2K Games)

Un jeu aussi ancré dans l’histoire ne peut éviter de mentionner le Moyen-Orient, surtout si l’on se penche sur le rôle de cette région dans la naissance de la civilisation et dans la formation de la toile de fond des empires les plus puissants du monde.

En ce sens, les développeurs ne relèguent pas la région et ses personnalités au second plan, mais veillent à ce que ses représentants soient des personnages complets et des acteurs essentiels.

Un exemple notable à cet égard est le personnage de Cyrus le Grand, le fondateur légendaire de l’empire perse des Achéménides, dont le territoire s’étendait des rives du Bosphore à celles de l’Indus et qui a existé sous une forme ou une autre de 550 à 330 av.-J.C.

Les développeurs ont veillé à ce que le monarque et son double virtuel aient des traits communs. L’expansionnisme historique du véritable Cyrus se reflète dans l’empressement de sa version virtuelle à lancer des invasions surprises du territoire d’un joueur. 

Un joueur contrôlant la Perse est également récompensé dans le jeu lorsqu’il imite les tactiques du roi dans la vie réelle, notamment en consolidant ses gains territoriaux par la construction de réseaux routiers et postaux et la formation d’une armée professionnelle.

Le Roi des Rois de Perse s’en sort mieux que le Gandhi historique, qui, en tant que dirigeant de l’Inde post-Seconde Guerre mondiale, adopte une politique étrangère portée sur l’offensive en n’hésitant pas à dégainer l’arsenal nucléaire du pays. Alors que l’on pensait à l’origine qu’il s’agissait d’une blague entre développeurs laissée accidentellement dans le jeu, il s’avère que ce bug a toujours été intentionnel.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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