Affaire Khashoggi : Amnesty dénonce l’envoi du dossier par la Turquie à l’Arabie saoudite
« Aujourd’hui est un jour sombre pour ceux qui ont passé plus de trois ans à faire campagne pour la justice pour le meurtre de Jamal Khashoggi. En transférant l’affaire (...), la Turquie l’enverra sciemment et volontairement entre les mains de ceux qui en portent la responsabilité », a réagi Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty, dans un communiqué.
Le ministre turc de la Justice, Bekir Bozdag, a annoncé vendredi qu’il allait transmettre un avis positif concernant le transfert du dossier à l’Arabie saoudite, demandé la veille par le procureur d’Istanbul qui a dit vouloir « clore » l’affaire.
Selon l’agence de presse privée DHA, le procureur avait fait valoir que « l’affaire traîne parce que les ordres de la cour ne peuvent être exécutés, les accusés étant des ressortissants étrangers ».
« L’Arabie saoudite a refusé à plusieurs reprises de coopérer avec le procureur turc et il est clair que la justice ne peut être rendue par un tribunal saoudien », a estimé Amnesty.
Vers un rétablissement des relations turco-saoudiennes ?
Le meurtre de Jamal Khashoggi, tué et démembré dans le consulat saoudien à Istanbul, empoisonne les relations entre les deux puissances régionales.
Mais en proie à une crise économique et à une inflation au plus haut depuis 20 ans (près de 55 % sur les 12 derniers mois), la Turquie cherche depuis plusieurs mois un rapprochement avec Riyad.
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan avait annoncé début janvier une visite imminente en Arabie saoudite – qui n’a pas eu lieu à ce jour.
Dans un entretien télévisé, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu avait reconnu jeudi que « des étapes importantes vers la normalisation des relations [avec l’Arabie saoudite] sont en cours ».
« La coopération judiciaire a atteint un meilleur niveau », a-t-il ajouté.
Dans un entretien fin février à l’AFP, la fiancée de Jamal Khashoggi, Hatice Cengiz, exhortait la Turquie à « insister pour que justice soit faite » et à ne pas renoncer au profit d’un rapprochement avec Riyad.
Le procès de 26 ressortissants saoudiens accusés par la Turquie d’avoir assassiné Jamal Khashoggi s’est ouvert en juillet 2020, en leur absence.
La prochaine audience est programmée pour le 7 avril.
Le journaliste saoudien de 59 ans, détracteur du pouvoir de la famille royale saoudienne et collaborateur du quotidien américain Washington Post, a été assassiné et son corps découpé le 2 octobre 2018 à l’intérieur du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, où il s’était rendu pour obtenir un document, selon la Turquie.
Ses restes n’ont jamais été retrouvés.
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