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La couverture médiatique du rapport de l’ONU sur les violences sexuelles imputées au Hamas critiquée pour son inexactitude

L’examen détaillé du rapport de l’ONU sur les allégations de violences sexuelles qui auraient été commises par le Hamas le 7 octobre ne tire pas la plupart des conclusions rapportées dans les médias occidentaux, dénoncent des militants
Une femme se recueille sur le site du festival de musique Supernova près du kibboutz de Réïm, dans le sud d’Israël, le 19 février 2024 (Ronaldo Schemidt/AFP)
Par MEE

Un rapport de l’ONU sur les allégations de violences sexuelles qui auraient été commises par le Hamas et d’autres combattants palestiniens a été présenté de manière inexacte par les responsables politiques et les médias, alimentant un « cycle de propagande concernant des viols de masse », dénoncent des militants, avocats et universitaires.

La représentante spéciale des Nations unies sur les violences sexuelles commises en période de conflit, Pramila Patten, a publié le 4 mars un rapport examinant les allégations de violences sexuelles lors des attaques menées par le Hamas en Israël le 7 octobre.

Le rapport faisait suite à une série d’articles dans des journaux occidentaux qui dressaient un tableau de viols et de violences sexuelles perpétrés massivement par des combattants palestiniens contre des Israéliennes. Mais ces articles ont été contestés par des militants, y compris pro-palestiniens, qui les accusent de partialité.

« En fait, le rapport [de l’ONU] ne tire pas bon nombre des conclusions pour lesquelles il est promu dans les médias occidentaux, et plusieurs de ses conclusions érodent le discours israélien », a écrit le Réseau de solidarité féministe pour la Palestine (Feminist Solidarity Network for Palestine).

Ce dernier se décrit comme « un collectif international d’universitaires, d’avocats et d’organisateurs féministes anti-impérialistes et anticoloniaux qui travaille contre la propagande coloniale sioniste et pour une Palestine libre ».

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Le groupe accuse les médias occidentaux de qualifier à tort le travail de Pramila Patten d’« enquête », alors qu’en réalité, le mandat de son bureau consiste uniquement à « recueillir des informations » et faire du « plaidoyer ».

Il souligne qu’Israël a refusé de coopérer avec une autre équipe de l’ONU enquêtant sur les allégations et relevant du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, en ordonnant aux médecins et personnel soignant ayant traité les victimes de l’attaque du 7 octobre de ne pas communiquer avec elle.

« Ironiquement, c’est l’absence de toute capacité ou pouvoir d’enquête qui a probablement incité Israël à inviter Patten », écrivent les militants, qui ajoutent qu’« ils savaient à l’avance que la mission ne pouvait pas enquêter trop loin – de fait, ne le [ferait] pas ».

Ces derniers relèvent qu’Israël a salué le rapport de Pramila Patten, le voyant comme « l’approbation par l’ONU de son affirmation selon laquelle le Hamas aurait commis des violences sexuelles systématiques le 7 octobre », alors que dans son rapport, la représentante spéciale a en fait réfuté de nombreuses allégations avancées par le gouvernement israélien.

Pramila Patten a ainsi réfuté un rapport du média américain NBC selon lequel une femme aurait été trouvée au kibboutz de Be’eri avec « des objets comme des couteaux insérés dans ses organes génitaux », affirmant que l’équipe de la mission de l’ONU qui a examiné les photos de la scène « n’a rien trouvé de tel ».

Patten a également déclaré que les témoignages des premiers intervenants sur l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre contenaient « des cas d’interprétation médico-légale non fiable et inexacte par des personnes non formées ».

Les militants demandent des preuves

Après sa publication, le rapport de Pramila Patten a été repris par les principaux médias, notamment le Financial Times, le Guardian et le Washington Post, qui ont écrit que celui-ci avançait des allégations fondées sur des « motifs raisonnables » selon lesquelles le Hamas aurait commis des violences sexuelles le 7 octobre.

Or selon le Réseau de solidarité féministe pour la Palestine, la mission de Patten n’était certainement « pas une enquête » et « n’a pas recueilli d’informations et/ou tiré de conclusions sur l’attribution d’exactions présumées à des groupes armés spécifiques ».

Les militants citent les remarques de Pramila Patten lors de la conférence de presse qui a suivi la publication du rapport : « Compte tenu de la multiplicité des acteurs, c’était le Hamas, c’était le Jihad islamique palestinien, il y avait d’autres groupes armés, il y avait des civils, armés et non armés, je n’ai pas procédé à des attributions compte tenu du temps et du fait que je ne menais pas d’enquête », a déclaré la représentante spéciale.

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Des militants critiquent également la conclusion de Patten selon laquelle il existerait « des motifs raisonnables de croire que de multiples incidents de viol, y compris des viols collectifs, ont eu lieu » le 7 octobre.

Plus précisément, ils lui demandent comment elle a pu parvenir à cette conclusion étant donné que l’équipe de l’ONU n’a interrogé aucune survivante de violences sexuelles ni trouvé de preuves photographiques.

« La représentante spéciale de l’ONU, Pramila Patten, déclare dans son rapport que sa mission a visionné 5 000 photographies et 50 heures de vidéo de l’attaque du 7 octobre qui lui ont été fournies par le gouvernement israélien et disponibles dans des sources ouvertes », a écrit Norman Finkelstein, un expert du conflit israélo-palestinien, sur X.

« Les preuves numériques examinées par l’ONU incluent des caméras corporelles, des dashcams [caméras embarquées], des téléphones portables individuels, des caméras de vidéosurveillance et de surveillance routière », mais ils n’ont trouvé aucun exemple de violence sexuelle, note Finkelstein.

« N’est-il pas temps pour le secrétaire général de l’ONU, [António] Guterres, de nommer un représentant spécial pour enquêter sur Pramila Patten ? »

Traduit de l’anglais (original).

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