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La guerre à Gaza devant la CIJ : pour la Tunisie, une participation impliquerait une reconnaissance d’Israël

La Tunisie, qui a rompu ses liens avec Israël en 2000, a toutefois prévu de présenter à la Cour internationale de justice un exposé verbal pour évoquer les violations commises dans les territoires palestiniens
Manifestation de soutien à la population de Gaza, dans le centre de Tunis, le 29 novembre 2023 (AFP/Fethi Belaïd)
Manifestation de soutien à la population de Gaza, dans le centre de Tunis, le 29 novembre 2023 (AFP/Fethi Belaïd)
Par MEE

La Tunisie a annoncé qu’elle présenterait à La Haye un exposé verbal relatif aux violations commises dans les territoires palestiniens devant la Cour internationale de justice (CIJ), mais ne souscrirait pas formellement à l’action en justice intentée par l’Afrique du Sud contre Israël.

Le ministère des Affaires étrangères a annoncé que la Tunisie ne souscrirait « à aucune action judiciaire intentée contre l’entité occupante devant la Cour internationale de justice », précisant que cette participation serait « une reconnaissance implicite de cette entité [Israël] ».

Traduction : « Mauvaise décision du président tunisien. Appuyer une action engagée par un État qui reconnaît Israël ne constitue pas une reconnaissance d’Israël. »

Tunis a rompu tout lien diplomatique avec Israël le 22 octobre 2000 en réaction à la répression de la deuxième Intifada palestinienne et à la visite controversée de l’ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem en septembre 2000. 

Le gouvernement tunisien a fermé l’ambassade israélienne à Tunis et expulsé le personnel diplomatique israélien. Depuis, les relations diplomatiques officielles entre la Tunisie et Israël n’ont pas été rétablies.

Depuis 2011, des parlementaires tentent de faire passer, sans succès, une loi criminalisant tout projet de normalisation des relations avec Israël. 

« Le visage usurpateur et colonial de l’entité occupante »

Le parti islamo-conservateur Ennahdha a voulu l’inscrire dans la Constitution avant de se rétracter. Il y a eu d’autres initiatives, portées en 2015 et 2018 par le bloc parlementaire du Front populaire (opposition de gauche et nationalistes arabes) ; en 2019, par des députés du Groupe démocratique (les sociaux-démocrates d’Attayar et les nationalistes arabes du mouvement al-Chaab), en 2023 par le groupe parlementaire « la ligne national-souverainiste » regroupant des élus du mouvement al-Chaab et des Patriotes démocrates (extrême gauche panarabe).

Le président Kais Saied, qui a pourtant qualifié la négation du droit de la Palestine de « haute trahison » en 2021 dans une interview à la chaîne France 24, s’y est finalement opposé, estimant qu’une telle loi pourrait « mettre en péril la sécurité extérieure de la Tunisie ».

« Dans son plaidoyer, la Tunisie s’attachera à dénoncer l’illégitimité internationale de l’entité occupante et sa violation flagrante des pactes et principes fondamentaux du droit international. Notre pays espère que l’avis consultatif qui sera rendu par la CIJ réussira à démasquer le visage usurpateur et colonial de l’entité occupante devant la communauté internationale, comme c’était le cas de l’avis consultatif de la Cour sur le mur de séparation [jugé illégal par la CIJ], en juillet 2004 », a précisé le communiqué.

L’Afrique du Sud a déposé le 29 décembre une requête contre Israël auprès de la CIJ en affirmant que les actions d’Israël à Gaza avaient violé la Convention des Nations unies de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.

C’est la première fois qu’Israël est jugé en vertu de cette convention, qui a été élaborée après la Seconde Guerre mondiale à la lumière des atrocités commises contre les juifs et d’autres minorités persécutées pendant l’Holocauste.

Les audiences dans cette affaire ont débuté jeudi 11 janvier à La Haye.

La Tunisie est très concernée par la question palestinienne. Tunis a été le siège de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) entre 1982 et 1994. Plusieurs attaques israéliennes se sont déroulées sur le territoire tunisien.

Jeudi, des manifestants se sont réunis devant l’ambassade d’Afrique du Sud à Tunis pour exprimer leur soutien à la plainte sud-africaine contre Israël.

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