Les médias marocains redoutent l’arrivée de Stéphane Séjourné à la tête de la diplomatie française
« L’homme des sales besognes », « une mauvaise surprise », « un ennemi du Maroc ». En France, la nomination de Stéphane Séjourné, 38 ans, jeudi 11 janvier, comme ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères dans le gouvernement du nouveau Premier ministre Gabriel Attal n’a pas plu aux médias marocains.
À en croire Erwan Davoux, ex-chargé de mission à la cellule de l’Élysée, qui s’est confié au site d’informations marocain H24 info, le parcours du chef de Renaissance (le parti d’Emmanuel Macron), « novice en politique étrangère », est surtout marqué par son passage au Parlement européen.
Alors qu'@EmmanuelMacron rame pour sortir de relations diplomatiques glaciales avec le #Maroc, la nomination de @steph_sejourne est un véritable chiffon rouge tant le Royaume le désigne comme responsable d'une cabale anti-marocaine au @PEStrasbourg . Le "en même temps" si…
— Erwan DAVOUX 🇫🇷 🌍 (@erwandavoux) January 11, 2024
Il y dirigeait le groupe parlementaire européen Renew Europe (libéral) et « ses interventions ont abouti à deux motions peu favorables au Maroc », explique-t-il, en soulignant son origine du Parti socialiste « qui cherche traditionnellement à privilégier les relations avec l’Algérie ».
Les médias marocains ne l’ont pas oublié et s’en inquiètent, alors que la relation entre Paris et Rabat commence à se réchauffer.
Le quotidien marocain Assabah accuse Stéphane Séjourné d’être à l’origine de la fameuse résolution votée au Parlement européen en janvier 2023 sur la situation des journalistes au Maroc.
Le texte, qui appelle les autorités marocaines « à respecter la liberté d’expression et la liberté des médias » et « à accorder aux journalistes emprisonnés un procès équitable », n’est pas anodin : il s’agit du premier texte défavorable au royaume adopté par le Parlement européenne depuis plus de vingt ans.
Rachida Dati « anesthésiée »
Le texte exprime par ailleurs une préoccupation des députés de Strasbourg au sujet « des allégations selon lesquelles les autorités marocaines auraient tenté de corrompre des élus du Parlement » dans le cadre de l’affaire du « Qatargate ».
En 2022, la saisie d’1,5 million d’euros aux domiciles d’eurodéputés à Bruxelles avait amené les enquêteurs à soupçonner le Qatar et le Maroc d’avoir payé des parlementaires en échange de décisions ou prises de position politiques favorables, ce que Doha et Rabat ont fermement nié.
Le site Hesspress croit savoir que Stéphane Séjourné aurait aussi « bloqué un projet de résolution contre l’Algérie qui devait la condamner pour les mêmes griefs d’atteinte aux droits de la presse » dans « un deux poids, deux mesure flagrant » pour « plaire à l’Algérie ».
Dans les faits, le Parlement européen n’a jamais ménagé l’Algérie. En mai 2023, il a notamment adopté une résolution appelant les « autorités algériennes à libérer le journaliste Ihsane El-Kadi et toutes les personnes détenues arbitrairement » et dénonçant « les atteintes aux libertés dans le pays ».
La nomination de Stéphane Séjourné, “architecte” de la résolution contre le Maroc au Parlement européen, au ministère des Affaires étrangères français ce jeudi 11 janvier a été l’une des surprises du remaniement enclenché par Emmanuel Macron. De quoi freiner les prémices de… pic.twitter.com/OI7ec6IC4E
— TelQuel (@TelQuelOfficiel) January 12, 2024
« Le comportement de M. Séjourné trouverait donc ses racines dans une volonté directe de l’Élysée de ‘’descendre’’ symboliquement le Maroc, le seul pays qui constituerait une véritable ‘’menace’’ pour les intérêts français dans la région », analyse le site Maroc Hebdo.
« Ces actions passées laissent présager des relations franco-marocaines tendues à l’avenir », souligne le site Maroc Diplomatique.
La nomination de Rachida Dati comme ministre de la Culture est aussi un sujet d’inquiétude pour les médias marocains. Selon le site d’informations Le Desk, ce « ralliement [de Rachida Dati] à la Macronie anesthésie » le soutien de l’élue française au Maroc sur le dossier du Sahara occidental.
La maire du 7e arrondissement de Paris s’est exprimée à plusieurs reprises en faveur de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, contrôlé à 80 % par Rabat mais considéré comme un « territoire non autonome » par l’ONU.
En mai 2023, elle s’était rendue – avec le président des Républicains (droite, parti dont elle a été exclue depuis qu’elle a rejoint le gouvernement) Éric Ciotti – au Maroc, où elle avait rencontré le Premier ministre Aziz Akhannouch.
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