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Najib Mikati, un milliardaire honni par la rue pour diriger un Liban en crise

Ami personnel du président syrien Bachar al-Assad, il a souvent été accusé de proximité avec le Hezbollah, une étiquette dont il a toujours cherché à s’affranchir
Najib Mikati reste un des chefs de file de la communauté sunnite (AFP/Alberto Pizzoli)
Najib Mikati reste un des chefs de file de la communauté sunnite (AFP/Alberto Pizzoli)
Par AFP

Homme le plus fortuné du Liban, Najib Mikati, désigné lundi pour former un gouvernement de sauvetage dans un pays en plein effondrement, fait partie d’une classe politique inamovible depuis plusieurs décennies, accusée par la rue d’être corrompue et d’avoir laissé couler le pays.

Grand et chauve, l’homme d’affaires sunnite de 65 ans est originaire de Tripoli, l’une des villes les plus pauvres du Liban, dont la population estime souvent être oubliée par l’État. 

Engagé en politique depuis plus de deux décennies, ce parlementaire a occupé le poste de Premier ministre à deux reprises.

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Dans un Liban multiconfessionnel, régi par un laborieux système de partage du pouvoir entre communautés religieuses, il reste un des chefs de file de la communauté sunnite. Le magazine Forbes estime sa fortune à 2,7 milliards de dollars.

Pour une partie de l’opinion publique, M. Mikati — dont le frère Taha est également milliardaire — est l’incarnation de ce système politique libanais gangréné par le clientélisme, l’affairisme, la corruption et les conflits d’intérêts.

Il a été nommé une première fois chef de gouvernement pendant trois mois dans la foulée de l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafik Hariri en 2005. 

En 2011, il a dirigé une équipe ministérielle dominée par le Hezbollah chiite et ses alliés jusqu’à sa démission en mars 2013, sur fond de profondes divergences internes exacerbées par le conflit en Syrie voisine.

Des investissements à Londres, New York, Monaco...

Auparavant, il avait occupé le portefeuille des Travaux publics entre 1998 et 2004, qu’il avait réussi à moderniser.

Ami personnel du président syrien Bachar al-Assad, il a souvent été accusé de proximité avec le Hezbollah, une étiquette dont il a toujours cherché à s’affranchir.

Marié et père de trois enfants, l’homme d’affaires est à la tête d’un petit empire international, avec des investissements dans les télécoms mais aussi dans l’immobilier, notamment à Londres, New York et Monaco.

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Son groupe M1, une holding familiale qu’il a cofondée, est un des principaux actionnaires de l’opérateur sud-africain de télécommunications MTN, propriétaire de la marque de prêt-à-porter haut de gamme « Façonnable », et investisseur dans le transport, le gaz et le pétrole.

En juillet, M1 a repris un des plus gros opérateurs téléphoniques de Birmanie, les détracteurs dénonçant alors des proximités avec la junte birmane.

Najib et son frère Taha s’étaient lancés dans le monde des affaires dans les années 1980 en vendant des téléphones satellites pendant la guerre civile au Liban (1975-1990), indique Forbes.

Ils ont ensuite étendu leurs activités au continent africain avec la construction de tours de téléphonie mobile, notamment au Ghana, au Libéria et au Bénin.

Diplômé en gestion des entreprises de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), Najib Mikati a étudié à l’institut d’administration des affaires Insead à Fontainebleau, près de Paris, puis à l’université de Harvard aux États-Unis.

En octobre 2019, alors qu’un mouvement de contestation inédit réclamait le départ de l’ensemble de la classe dirigeante, la colère des manifestants à Tripoli s’est aussi dirigée contre M. Mikati.

Ses portraits dans la ville ont alors été arrachés et des manifestants ont tenté d’attaquer sa résidence.

Plusieurs enquêtes étaient alors en cours pour des faits de corruption : M. Mikati faisait partie des responsables visés par des soupçons d’« enrichissement illicite ». Mais depuis, les enquêtes piétinent et la contestation populaire s’est essoufflée.

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