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Libye : un juge américain recommande que Khalifa Haftar soit reconnu coupable de torture et de crimes de guerre

Installé en Virginie depuis plusieurs décennies, Haftar a tenté de se défaire des poursuites en revendiquant une immunité en tant que chef d’État. Ses efforts sont toutefois restés vains
Un dirigeant libyen reconnu coupable de crimes de guerre par un tribunal américain pourrait éprouver des difficultés à travailler avec les acteurs internationaux et à obtenir la coopération de Washington et de ses alliés (AFP/Abdullah Doma)
Un dirigeant libyen reconnu coupable de crimes de guerre par un tribunal américain pourrait éprouver des difficultés à travailler avec les acteurs internationaux et à obtenir la coopération de Washington et de ses alliés (AFP/Abdullah Doma)
Par Umar A Farooq à WASHINGTON, États-Unis

Un juge américain a recommandé de prononcer un jugement par défaut à l’encontre du commandant militaire de l’est de la Libye Khalifa Haftar, dans une affaire où il est accusé d’exécutions extrajudiciaires de civils, ouvrant ainsi la voie à une condamnation potentielle pour crimes de guerre et torture par un tribunal américain.

Le juge magistrat John Anderson a déposé une ordonnance qui recommande à la juge principale Leonie Brinkema de prononcer un jugement par défaut contre Haftar.

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Dans son dossier, Josh Anderson reproche au ressortissant américano-libyen de retarder le processus de litige en refusant de répondre à l’invitation à comparaître devant le tribunal ou de communiquer avec ce dernier.

« Malgré la gravité des faits reprochés, [le] prévenu refuse obstinément de se soumettre à une déposition dûment notifiée et planifiée après plusieurs années de litige », a indiqué le juge en faisant référence à Haftar.

« Il est évident que des sanctions autres qu’une constatation de défaut de responsabilité seraient inefficaces pour remédier à l’inconduite du prévenu dans la communication préalable des éléments. La probabilité que le prévenu effectue un jour sa déposition est quasiment nulle », a précisé le juge.

De multiples familles ont intenté des procès contre Haftar devant des tribunaux américains, l’accusant d’avoir torturé et tué des proches.

Un jugement d’ordre financier

Les familles réclament une indemnisation au titre du Torture Victim Protection Act de 1991, qui permet aux citoyens non américains de prétendre à une indemnisation auprès de toute personne qui, à titre officiel pour le compte d’une nation étrangère, aurait commis des actes de torture ou des exécutions extrajudiciaires.

« Nous envisageons un jugement d’ordre financier. Le juge se prononcera sur la base de ce que la loi prévoit pour l’indemnisation des victimes de tels crimes, tandis que le tribunal peut décider d’aller au-delà de la fourchette normale d’indemnisation en fonction des autres circonstances de l’affaire », indique à Middle East Eye Emadeddin Muntasser, activiste américano-libyen, président de la Democracy & Human Rights Foundation et conseiller pour les victimes de crimes de guerre.

« Selon mes estimations, le montant total de la condamnation dépassera les 100 millions de dollars dans les trois affaires. La question suivante sera de savoir comment les recouvrer »

- Emadeddin Muntasser, activiste américano-libyen

« Selon mes estimations, le montant total de la condamnation dépassera les 100 millions de dollars dans les trois affaires. La question suivante sera de savoir comment les recouvrer. »

Installé en Virginie depuis plusieurs décennies, Haftar a tenté de se défaire des poursuites en revendiquant une immunité en tant que chef d’État. Ses efforts sont toutefois restés vains. 

Le mois dernier, Haftar ne s’est pas présenté à une déposition en visioconférence attendue de longue date, au cours de laquelle il devait être interrogé sur son rôle présumé dans des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture perpétrés contre des civils libyens dans la guerre civile qui sévit dans le pays depuis une décennie.

Selon le Wall Street Journal, Haftar a fait l’acquisition de plusieurs biens immobiliers en Virginie d’une valeur de plusieurs millions de dollars.

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Le jour même où le juge Anderson a déposé sa recommandation, les avocats d’Haftar lui ont présenté une motion afin de ne plus représenter le commandant militaire.

John Anderson a décidé que ce retrait ne serait approuvé que si Jesse Binnall, avocat représentant Haftar, divulguait l’adresse physique de Haftar et indiquait que la cour l’avait informé d’un délai de quatorze jours pour répondre à la décision d’un juge.

Le tribunal a également décidé qu’aucun délai supplémentaire ne serait accordé à Haftar, même s’il engageait un nouvel avocat.

MEE a contacté Jesse Binnall pour recueillir des commentaires au sujet de la demande de retrait en tant que représentant juridique de Haftar. Aucune réponse n’a toutefois été reçue au moment de la publication.

Verdict final le 24 juin

La juge principale Leonie Brinkema doit rendre son verdict final dans cette affaire le 24 juin. Tout jugement défavorable à Haftar aurait de graves conséquences pour le commandant libyen, qui cherche depuis des années à prendre la tête du pays d’Afrique du Nord.

Un dirigeant libyen reconnu coupable de crimes de guerre par un tribunal américain pourrait éprouver des difficultés à travailler avec les acteurs internationaux et à obtenir la coopération de Washington et de ses alliés.

« Un jugement par défaut le rendant coupable de ces crimes odieux aura des conséquences diplomatiques et juridiques considérables pour Haftar et pour tous ceux qui continuent de collaborer avec lui », indique Emadeddin Muntasser à MEE.

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« Cela deviendra selon moi une source d’embarras et un possible fardeau juridique pour tout diplomate qui collaborera désormais avec un homme reconnu coupable de crimes de guerre par un tribunal américain. »

Ancien homme de la CIA, Haftar est retourné en Libye après le soulèvement de 2011 et a servi dans le gouvernement reconnu par la communauté internationale jusqu’en 2014, lorsque la guerre civile a éclaté dans le pays.

En 2019, il a lancé une campagne de quatorze mois pour prendre le contrôle de la capitale Tripoli. Les combats se sont rapidement transformés en un conflit par procuration dans lequel son Armée nationale libyenne (ANL) recevait le soutien de la Russie, des Émirats arabes unis, de l’Égypte, de combattants tchadiens et soudanais ainsi que d’autres groupes de mercenaires.

Haftar a finalement été repoussé après l’intervention de la Turquie, qui a fourni des combattants, des drones de combat et des équipements militaires pour soutenir le gouvernement de Tripoli.

Après un cessez-le-feu en octobre 2020 et la mise en place d’un gouvernement d’unité, le pays se dirigeait vers des élections prévues en décembre 2021. Celles-ci ont toutefois été reportées et les divisions politiques perdurent en Libye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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