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Le Maroc mise sur les Canadair et les drones pour lutter contre les feux de forêt

Conséquence du réchauffement climatique et de la sécheresse, les forêts marocaines sont de plus en plus menacées par les incendies. Pour limiter les risques et les dégâts, le royaume se dotera de trois nouveaux avions Canadair et de drones
Un Canadair des Forces royales aériennes éteint un feu de forêt dans la région de Chefchaouen, dans le nord-ouest du Maroc, le 17 août 2021 (AFP/Fadel Senna)
Un Canadair des Forces royales aériennes éteint un feu de forêt dans la région de Chefchaouen, dans le nord-ouest du Maroc, le 17 août 2021 (AFP/Fadel Senna)

Le 15 juin, de gigantesques flammes ont ravagé une forêt dans les environs de Taza, dans le nord-est du Maroc. Favorisé par une grande vague de chaleur, l’incendie a poussé, selon plusieurs sources, la population des villages voisins à fuir les lieux. Plus de 400 membres des forces civiles et trois avions Canadair ont été mobilisés pour maîtriser le feu.

Ce drame, dont l’origine n’est pas connue à ce stade, est loin d’être exceptionnel. Selon une source au sein du Centre national de gestion des risques climatiques forestiers (CRCF), le royaume enregistre en moyenne chaque année 500 départs de feu.

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 D’après un bilan du Département des eaux et forêts, 285 incendies ont touché, entre janvier et septembre 2021, près de 2 800 hectares, dont une majeure partie est située dans le nord.

Le pays étant constitué principalement de surfaces arides et semi-arides, le réchauffement climatique et la sécheresse qui touchent le royaume ne font qu’accentuer ce phénomène, qui menace 9 millions d’hectares de forêts, sujets à un risque d’incendie jugé élevé.

Depuis une quinzaine d’années, les feux de forêt préoccupent particulièrement le royaume, qui a créé en avril dernier l’Agence nationale des eaux et forêts, un établissement ayant pour mission, entre autres, de protéger les espaces forestiers marocains contre les incendies.

Des « guetteurs » recrutés

L’agence vient d’élaborer un plan dédié à cet effet pour un budget qui s’élève à 133 millions de dirhams, soit quelque 12 millions d’euros.

« Ce montant s’ajoute à d’autres budgets prévus par d’autres départements qui contribuent à nos différentes actions, notamment le ministère de l’Intérieur, l’armée de l’air, l’armée de terre et la Protection civile », précise à Middle East Eye un responsable de l’agence nationale.

Le plan prévoit des actions de prévention, de surveillance, d’alertes, puis un programme concernant les premières interventions.

Des Marocains fuient un incendie qui a détruit quelque 200 hectares de forêts dans la région de Chefchaouen, en août 2021 (AFP/Fadel Senna)
Des Marocains fuient un incendie qui a détruit quelque 200 hectares de forêts dans la région de Chefchaouen, en août 2021 (AFP/Fadel Senna)

Au-delà de l’aménagement, de l’entretien des points d’eau à l’échelle nationale et de la mise en place de tranchées pare-feu qui ont pour but de ralentir la progression de l’incendie, l’agence compte également consacrer 28 millions de dirhams (2,7 millions d’euros) au recrutement de « guetteurs ».

« Il s’agit de personnes qualifiées pour surveiller et alerter, l’alerte étant l’étape la plus importante dans une opération d’extinction. L’intervention doit avoir lieu dix à vingt minutes après l’éclosion du feu », confie le même responsable.

« Au départ, un feu peut être éteint avec une simple bouteille d’eau, puis par un seau, puis en dernier lieu avec des avions », schématise-t-il.

« Depuis une quinzaine d’années, le Maroc a pris un point d’inflexion en matière de mobilisation et de budget alloué à la lutte contre les feux de forêt. Avec 500 départs de feu par an, il reste moins touché que les pays du pourtour méditerranéen », poursuit le responsable.

« Si on a aujourd’hui les outils pour y répondre, c’est parce que l’État est conscient de la valeur écologique de notre patrimoine national forestier. »

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Entre 2011 et 2013, le royaume a acquis cinq avions bombardiers d’eau (Canadair CL-415). Une flotte à laquelle s’ajouteront dans les prochains mois trois nouveaux appareils.

« Le roi avait donné ses instructions pour l’acquisition de ce genre d’appareils mis à la disposition de l’armée de l’air et qui ne sont utilisés que pour éteindre des feux. Ces avions amphibies sont d’autant plus efficaces qu’il existe des barrages dans les quatre coins du pays, ce qui nous donne une grande rapidité d’action », se félicite notre source au CRCF.

Selon nos informations, le programme du Département des eaux et forêts prévoit également, au cours de l’année, l’acquisition de plusieurs drones. La principale vocation de ces nouveaux outils technologiques est la surveillance du patrimoine forestier.

« À travers les drones, il s’agira de faire de la prévention et de la surveillance des espaces forestiers, notamment les peuplements forestiers [les différentes végétations qui composent la forêt] qui sont très fréquentés et où il y a beaucoup de feux. Cela va favoriser les actions d’anticipation », détaille notre interlocuteur.

Détection de jour comme de nuit

En fonction de la typologie de la biomasse combustible (les matières organiques présentes dans la forêt susceptibles de se transformer en énergie alimentant l’incendie), les drones pourront aussi indiquer en temps réel des données sur la vitesse et la progression des feux ainsi qu’une évaluation du risque sur les agglomérations. Grâce à ses caméras infrarouge, le drone permettra la détection des foyers d’incendies de jour comme de nuit.

« Avant l’éclosion du feu et au cours des grands incendies, ils suivent la chronologie et l’évolution des flammes et partagent des images en temps réel, avec l’ensemble des acteurs des chaînes de commandement sur place. La connaissance des contours des flammes et de leur ampleur permet de déterminer les actions à entreprendre en priorité en fonction du risque afin de protéger la population et les biens », précise une de nos sources impliquées dans le projet.

Selon un rapport de la Cour des comptes publié en 2016, 99 % des incendies sont d’origine humaine et « 95 % des auteurs sont inconnus »

Ce programme reprend les principaux axes de stratégies précédentes, dont la plus récente a été dévoilée en septembre 2021, un mois après un incendie qui avait détruit 700 hectares d’espaces forestiers en trois jours.

La prévention y figure comme le premier maillon de la chaîne, à travers des spots de sensibilisation aux risques et aux conséquences des feux de forêt à destination de toute la population.

Selon un rapport de la Cour des comptes publié en 2016, 99 % des incendies sont d’origine humaine et « 95 % des auteurs sont inconnus ». D’après des spécialistes, seule une dizaine de feux est due à la foudre.

Arrive en deuxième lieu l’analyse des risques permettant la « prédiction » d’incendies de sorte que les investissements soient dirigés vers les espaces les plus prioritaires. Ainsi, une carte dynamique affiche depuis quelques années l’état des risques sur l’ensemble du territoire.

« Nous avons jugé nécessaire d’établir un système d’évaluation des risques qui permette de travailler sur la prévention et l’alerte précoce des risques et d’avoir une forme de proactivité », avait déclaré le Haut-Commissaire aux eaux et forêts Abdeladim Lhafi lors de l’inauguration du CRCF en septembre 2016.

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