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Au Maroc, le ministre de la Justice de nouveau dans la tourmente

Depuis son arrivée à la tête du ministère de la Justice, Abdellatif Ouahbi collectionne les casseroles et les polémiques. Dernière en date : il est accusé de népotisme par les candidats à l’examen de la profession d’avocat, sa propre corporation
Abdellatif Ouahbi photographié à Rabat le 9 septembre 2021 après que son parti est arrivé deuxième aux élections législatives et locales (AFP/Fadal Séné)

Fin 2022, le ministère marocain de la Justice publie la liste des admis au concours de la profession d’avocats. Immédiatement, la colère gronde dans les rangs des recalés. Ils estiment être lésés, accusant le ministre Abdellatif Ouahbi de népotisme.

Car parmi les admis, plusieurs portent des noms de famille similaires, dont celui de Ouahbi. Ils font également remarquer que beaucoup de ces admis sont des « fils de » – des enfants de parents qui exercent déjà en tant qu’avocats, certains étant d’actuels ou anciens bâtonniers.

Fidèle à son personnage d’homme de confrontations, Ouahbi réplique sans sourciller : « Une commission a supervisé les différentes étapes du concours et j’ai confiance en cette commission. Ces citoyens ne jouissent-ils pas des mêmes droits que les autres ? Combien seraient-ils ? 60 ou 70 sur 2 000. Où est donc le problème ? Il n’y a pas à faire autant attention aux noms de familles qui se ressemblent. Il y a par exemple 42 personnes portant le nom Ouahbi dans la profession. Ont-ils tous un lien de parenté avec le ministre ? »

Un ministre habitué aux controverses

Déterminés, ces candidats forment une « coordination » et entreprennent plusieurs formes de protestations. Ils saisissent le procureur général du roi près la Cour de cassation pour exiger l’ouverture d’une enquête sur les résultats du concours. Ils s’adressent également à Mohammed VI, par le biais d’une correspondance au cabinet royal.

Mais les événements prennent une autre tournure le 24 février, quand une dizaine d’entre eux entament une grève de la faim, après « avoir épuisé toutes les formes de protestations, sans réponse de la part du ministère de tutelle ».

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Ouahbi semble alors plus disposé à négocier. Pour éteindre le feu, il invite la coordination au dialogue.

« Lors de ces deux rencontres, le ministère a fait preuve d’ouverture et a exprimé sa volonté d’ouvrir le dialogue. Nous tenons toutefois à souligner que l’ouverture du dialogue n’est pas considérée comme un objectif en soi par la coordination, mais juste un moyen pour pouvoir exposer nos différentes revendications », a indiqué le président de la coordination, Amine Nasr-Allah, aux médias locaux. La coordination décide alors de suspendre la grève.

Depuis qu’il a hérité du ministère de la Justice en septembre 2021, Abdellatif Ouahbi, également secrétaire général du Parti authenticité et modernité (centre gauche), enchaîne les controverses : en moins de deux ans de mandat, il a réussi à se mettre à dos les avocats, les magistrats et la société civile. À l’été 2022 notamment, il a accusé certaines associations de protection des deniers publics de « faire chanter » des élus communaux ainsi que d’anciens ministres.

Transparency International a attribué la note de 39 au Maroc dans son indice de la perception de la corruption dans le secteur public pour l’année 2021, soit en dessous de la moyenne mondiale (43).

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