Mosquées « eco-friendly » : comment des musulmans protègent l’environnement
Face au changement climatique, de nombreux pays à majorité musulmane sont les leaders pour les mauvaises raisons.
D’après les données par habitant, les États du Golfe sont parmi les pires pollueurs de la planète en raison notamment de la consommation abondante de combustibles fossiles provoquée par des voitures énergivores et l’usage intensif de la climatisation.
Alors que les effets des changements climatiques sont désormais visibles, il apparaît de plus en plus clairement que la hausse incontrôlable des températures aura des conséquences existentielles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
La menace prend la forme de mauvaises récoltes ou de températures qui rendront impossible la vie ordinaire, entre autres.
De nombreux pays de la région sont signataires de la Déclaration musulmane sur le changement climatique faite à Istanbul en 2015 pour œuvrer à la construction d’un avenir où les émissions de gaz à effet de serre sont contenues, et prennent des mesures claires en faveur de stratégies axées sur les énergies renouvelables.
Mais pour de nombreux musulmans, le devoir de lutter contre les changements climatiques n’incombe pas seulement à l’État, il incombe aussi à eux en tant qu’individus.
La protection de l’environnement est en effet un impératif éthique de l’islam, établi dès ses premiers jours.
Un hadith (recueil des actes et paroles attribués au prophète Mohammed) indique : « La terre est verte et belle et Allah vous en a nommé ses intendants. »
À cette fin, de nombreux musulmans conçoivent des mosquées en tenant compte de l’environnement afin que les actes de culte ne nuisent pas à la planète.
Middle East Eye examine ici quelques techniques employées par les musulmans à travers le monde pour lutter contre le changement climatique.
La puissance du soleil
Le Maroc, qui a accueilli la COP22 en 2016, compte environ 50 000 mosquées à travers le pays. En 2014, il s’est engagé à intégrer des éco-conceptions, telles que des panneaux solaires et un éclairage LED, dans ses mosquées, commençant par aménager 600 d’entre elles dans le cadre du projet Mosquées vertes. L’initiative est une collaboration entre le ministère des Affaires religieuses marocain et le gouvernement allemand.
Jusqu’à présent, plus de 890 mosquées ont déjà été modifiées de manière à être plus économes en énergie, et une éco-mosquée spécialement conçue s’est révélée si efficace qu’elle est devenue un bâtiment à énergie positive, c’est-à-dire qu’elle crée plus d’énergie qu’elle n’en consomme.
Parmi ces mosquées se trouvent l’historique mosquée Koutoubia (XIIe siècle) à Marrakech, qui a fait installer des panneaux solaires en 2017.
À une heure au sud de Marrakech, dans le petit village de Tadmamt, se trouve la première éco-mosquée construite à cet effet au Maroc, disposant de panneaux solaires photovoltaïques sur son toit.
Bâtie en 2017, la mosquée produit désormais plus d’énergie qu’elle n’en consomme et fournit également de l’électricité à d’autres zones du village et ses 400 habitants.
Le royaume importe environ 90 % de son énergie de divers pays, dont les États-Unis et l’Arabie saoudite, mais nourrit l’ambition de produire 52 % de son énergie à partir de sources renouvelables d’ici 2030.
Compte tenu de l’emplacement du Maroc sur une partie du Sahara et de son ensoleillement abondant, l’énergie solaire devient une source d’électricité de plus en plus importante pour le pays.
Un autre pays qui espère utiliser son climat ensoleillé pour s’orienter vers les énergies renouvelables est la Jordanie.
La mosquée Abu Ghuweileh, dans le quartier de Tla al-Ali, au nord-ouest d’Amman, a été l’une des premières à utiliser des panneaux solaires en 2018. Un an plus tard, environ 500 mosquées du royaume fonctionnaient à l’énergie solaire.
L’objectif est de s’assurer que la plupart des mosquées et églises de Jordanie adoptent des méthodes de consommation d’énergie plus durables, dans le cadre d’une initiative plus large visant la neutralité carbone pour les édifices religieux du pays d’ici 2050.
Arbres et jardins
Les arbres, les plantes et la verdure en général sont importants symboliquement dans la tradition islamique dans la mesure où ils sont fortement présents dans les descriptions du paradis. Dans le Coran, ce dernier est décrit comme un jardin où l’eau vive est omniprésente et « les fruits seront éternels ».
À travers l’histoire islamique, divers rois et dirigeants ont cherché à embellir leurs palais à l’aide de jardins, et des mosquées ont également incorporé de la verdure dans leur environnement.
En Turquie, les arbres sont nombreux dans les cours des mosquées, en particulier le çınar (platane d’Orient), planté pour apporter du calme à l’expérience du culte.
La mosquée de Cambridge, au Royaume-Uni, a soigneusement conçu son jardin de manière à ce qu’il reflète le respect de l’islam envers chaque être vivant. C’est la première mosquée écologique construite à cet effet en Europe et elle a remporté un prix pour son architecture exceptionnelle. Sa conception vise à connecter les fidèles à la nature : les poutres en bois qui composent sa structure se projettent jusqu’au parvis, où des pommiers bordent le chemin.
Des orpins, plantes vivaces à fleurs, ont été plantés sur le toit de la mosquée afin d’augmenter la biodiversité et améliorer l’isolation. Le toit comporte également des panneaux photovoltaïques, lesquels génèrent un tiers de ses besoins énergétiques.
Première mosquée d’Europe à être conçue en accordant une attention toute particulière à la durabilité, elle possède une liste impressionnante de caractéristiques respectueuses de l’environnement.
Par exemple, des pompes à chaleur souterraines modèrent la température à l’intérieur de la mosquée de manière à ce que celle-ci soit toujours régulée. Les lumières LED écoénergétiques utilisées le soir fonctionnent à l’aide de détecteurs de mouvement, de sorte qu’elles ne consomment jamais d’énergie inutilement.
Le parking souterrain est équipé de bornes de recharge pour véhicules électriques et inclut un espace pouvant accueillir jusqu’à 300 vélos.
L’eau
Ouverte en 2014 et présentée comme la première mosquée respectueuse de l’environnement dans le monde islamique, la mosquée Khalifa al-Tajer de Dubaï utilise différents systèmes pour réduire le gaspillage d’eau.
Un fidèle utilise en moyenne six à neuf litres d’eau pour faire ses ablutions (wudhu), un rite obligatoire qui précède les cinq prières quotidiennes.
Le prophète Mohammed conseillait de faire attention à l’utilisation de l’eau, en particulier lors des ablutions.
En 2012, un groupe d’étudiants émirati a remporté un prix pour avoir conçu un moyen de recycler l’eau des ablutions. Leur méthode redirige l’eau utilisée par les fidèles lors du wudhu vers des réservoirs, qui sont ensuite utilisés pour arroser les plantes.
La mosquée utilise également des techniques de restriction de la consommation de l’eau du robinet pour réduire la quantité d’eau gaspillée pendant les ablutions.
L’énergie éolienne
En plus des panneaux solaires, certains architectes étudient des moyens d’intégrer des éoliennes dans les minarets des mosquées.
L’architecte germano-turc Selçuk Ünyilmaz vise à marier écologie et sacré dans ses conceptions. En 2011, il a préparé un projet de construction d’une éco-mosquée à Norderstedt, près de Hambourg en Allemagne.
Celle-ci comportait des pales de rotor en verre de 1,5 mètre de long fixées sur les minarets de 22 mètres de haut de la mosquée dans le but de générer un tiers de l’électricité du bâtiment.
À ce jour, le design reste un concept.
Abeilles
Les abeilles sont des pollinisateurs essentiels et un tiers de la production alimentaire mondiale repose sur ces insectes, tant d’élevage que sauvages.
Pour cette raison, la mosquée d’East London et celle de Kingston, au Royaume-Uni, ont commencé à élever des abeilles en plaçant des ruches sur leurs toits, l’une produisant même son propre miel. Les touristes et fidèles de la mosquée d’East London peuvent regarder les ruches depuis une zone d’observation spéciale.
Timothy Winter, doyen du Cambridge Muslim College et président du conseil d’administration de la mosquée de Cambridge, a déclaré qu’il avait lui aussi souhaité installer des ruches mais ne disposait pas d’assez de place.
Pionnières
L’idée d’avoir des mosquées respectueuses de l’environnement n’est pas nouvelle – même si le changement climatique n’était pas une préoccupation majeure au début de l’islam, les premières mosquées pouvaient toutes être considérées comme des éco-mosquées dans la mesure où elles étaient construites à l’aide de matériaux locaux et suivant des méthodes durables.
Dans de nombreux cas, elles ont été construites de manière à être complémentaires vis-à-vis de leur environnement – à l’image de la Grande Mosquée de Tombouctou, au Mali. Les murs d’adobe et les étroites fenêtres permettaient également de maintenir la fraicheur de l’édifice face à la chaleur du Sahara.
Un autre élément pionnier de l’éco-conception a été l’introduction du dôme, un élément architectural devenu traditionnel dans les mosquées. Son but n’était pas seulement esthétique : il jouait aussi un rôle important en matière de régulation de la température.
Lorsqu’un dôme est chauffé par le soleil, sa forme concave aspire l’air à l’intérieur de la mosquée et le libère, refroidissant ainsi naturellement l’espace interne.
Traduit de l’anglais (original).
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