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Normalisation saoudo-israélienne : une délégation palestinienne dépêchée à Riyad pour discuter d’un accord

Des sources indiquent à MEE que de hauts dirigeants de l’Autorité palestinienne sont disposés à entendre les questions soulevées par l’Arabie saoudite en vue d’avancer sur le chemin de la normalisation avec Israël
Hussein al-Sheikh assiste aux funérailles du Premier ministre palestinien Ahmed Qoreï à Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 22 février 2023 (AFP)

Une délégation de l’Autorité palestinienne (AP) a été dépêchée pour discuter du rôle de cette dernière dans un éventuel accord de normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël lors d’une réunion avec des responsables américains et saoudiens à Riyad, ont indiqué des sources à Middle East Eye.

La délégation, qui s’est rendue en Arabie saoudite ce lundi, inclut Hussein al-Sheikh, adjoint du président Mahmoud Abbas, Majed Farag, chef du service de renseignement de l’Autorité palestinienne (GIS), et Majdi Khaldi, principal conseiller diplomatique d’Abbas.

Le trio doit s’entretenir avec le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal ben Farhan al-Saud, et le conseiller à la sécurité nationale, Musaid ben Mohammed al-Aiban. Ils rencontreront également Brett McGurk, le coordinateur de la Maison-Blanche pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

Selon des sources palestiniennes informées de ce voyage, les responsables de l’AP doivent discuter des questions soulevées par l’Arabie saoudite au sujet d’un éventuel accord de normalisation sans présenter d’exigences spécifiques.

« Ils pensent que la normalisation a lieu de toute façon avec ou sans nous, alors autant en bénéficier, au moins sur les plans politique et financier »

- Une source palestinienne proche de l’AP

Depuis plusieurs mois, Washington dirige les efforts visant à conclure un accord entre l’Arabie saoudite et Israël qui leur permettrait d’établir des relations formelles.

L’Arabie saoudite a proposé de normaliser ses relations avec Israël dès 2002 dans le cadre de l’Initiative de paix arabe, qui appelle à un État palestinien indépendant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Or, de nombreux analystes et connaisseurs de l’administration Biden affirment à MEE que Riyad pourrait se contenter de beaucoup moins.

En échange d’une normalisation des relations avec Israël, l’Arabie saoudite demande des garanties en matière de sécurité de la part des États-Unis, de l’aide pour développer un programme nucléaire civil et moins de restrictions sur les ventes d’armes américaines.

Si la question palestinienne ne semble pas être au cœur de l’accord, un élément de ce dernier inclurait d’éventuels avantages pour les Palestiniens.

L’AP a par le passé rejeté des accords de normalisation similaires négociés par les États-Unis entre Israël et plusieurs pays arabes, notamment les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc.

Une source haut placée au sein du Fatah, majoritaire au sein de l’Autorité palestinienne, indique à MEE que certains éléments au sein de l’administration basée à Ramallah sont en train de revoir leur position à ce sujet.

« Ils pensent que la normalisation a lieu de toute façon avec ou sans nous, alors autant en bénéficier, au moins sur les plans politique et financier », déclare la source.

Exigences et possibilités

La semaine dernière, les médias israéliens ont rapporté une liste de demandes présentée par l’Autorité palestinienne aux responsables américains lors d’une réunion « tendue » à Amman, la capitale jordanienne.

Parmi celles-ci, le transfert sous le contrôle partiel des Palestiniens de certaines parties de ladite zone C en Cisjordanie occupée, une décision qui n’obtiendrait probablement pas l’approbation du gouvernement ultranationaliste israélien, lequel pousse à une annexion de la zone C.

La Cisjordanie a été divisée en trois zones lors des accords d’Oslo, qui ont donné à l’Autorité palestinienne un contrôle limité des zones A et B, et à Israël un contrôle total de la zone C, laquelle représente 60 % du territoire palestinien.

Parmi les autres revendications palestiniennes figurent le soutien de Washington à la reconnaissance de l’État palestinien dans l’enceinte des Nations unies, la réouverture du consulat américain à Jérusalem et la reprise des négociations sur le « statut final » entre Palestiniens et Israéliens.

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Alors que l’Autorité palestinienne adopte une approche pragmatique face à l’accord potentiel entre l’Arabie saoudite et Israël, Riyad aurait proposé de reprendre l’aide financière à Ramallah, gelée depuis 2020.

L’Arabie saoudite a été l’un des principaux bailleurs de fonds de l’Autorité palestinienne entre 1994 et 2020, lui accordant près de 10 % de l’aide totale qu’elle a reçue au cours de cette période. Le programme d’aide a atteint plus de 200 millions de dollars par an.

L’AP a toutefois nié tout lien entre la reprise de l’aide financière et l’accord de normalisation.

Néanmoins, d’après la source de MEE au sein du Fatah, l’Autorité palestinienne ne recevra de cet accord potentiel probablement rien « d’autre que de l’argent et quelques gestes politiques non exécutoires ».

« L’Arabie saoudite veut garantir le silence des Palestiniens sur l’accord, et l’Autorité palestinienne finira par accepter une normalisation », affirme la source.

L’accord pourrait susciter la colère du peuple saoudien et arabe en général, d’où la volonté de Riyad d’obtenir une « couverture palestinienne » afin de le justifier, analyse pour MEE Ayman Talal Yousef, professeur de relations internationales à l’Université arabo-américaine en Cisjordanie.

Selon lui, alors que l’Arabie saoudite, les États-Unis et Israël donnent la priorité à d’autres sujets géopolitiques, la question palestinienne devrait demeurer en bas de l’ordre du jour.

Traduit de l’anglais (original).

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