Qu’est-ce Norouz ? Le nouvel an persan en dix questions
Norouz est la fête nationale du Nouvel An en Iran, en Afghanistan et dans les régions kurdes d’Irak, de Turquie et de Syrie ainsi qu’à travers l’Asie centrale.
C’est une fête printanière dont les activités symbolisent la renaissance et le lien entre l’homme et la nature. Le poète iranien Saadi (1210-1291) a écrit : « Réveillez-vous, la brise matinale de Norouz inonde le jardin de fleurs. »
Si les deux semaines de célébrations consistent principalement à voir ses proches, pique-niquer, voyager et déguster les plats traditionnels, Norouz – qui signifie Nouvel An en farsi – est lui-même imprégné de mythes et fictions antiques, ainsi que de traditions et symboles.
Quand a lieu Norouz ?
Il commence à l’équinoxe de printemps – moment où le soleil franchit l’équateur et où la durée du jour est égale à celle de la nuit.
Généralement, c’est entre le 19 et le 21 mars, selon des calculs astronomiques.
Qui fête Norouz ?
Cette fête s’inscrit dans le zoroastrisme, religion perse qui date d’avant la chrétienté et l’islam et remonte au premier millénaire avant notre ère. Elle est à la fois monothéiste – Ahura Mazda, divinité suprême, est le créateur de toute bonne chose – et dualiste dans ses enseignements. Dans le zoroastrisme, le feu et l’eau sont considérés comme des symboles de pureté.
Cette religion repose sur les enseignements religieux de Zoroastre (aussi appelé Zarathoustra).
Ses écrits sont connus sous le nom d’Avesta.
À quand remonte le premier Norouz ?
Qualifié par l’astronome et poète perse du XIe siècle Omar Khayyâm de « renaissance du monde », le Norouz est millénaire.
On ne sait pas exactement quand il est apparu, mais on estime actuellement que cette fête a au moins 3 000 ans, époque à laquelle l’Empire perse s’étendait bien au-delà des frontières de l’Iran moderne. Il n’est pas mentionné dans l’Avesta.
Au fil des siècles, ce rite séculaire s’est développé et étendu. Les célébrations ont progressivement été influencées par les différentes sociétés, religions et cultures à mesure qu’elles de déployaient le long des routes de commerce établies et parmi une population estimée à 300 millions de personnes.
Celles-ci ont survécu à des siècles de conquêtes, des invasions arabes de l’Empire perse au VIe et VIIIe siècles aux gouvernements des anciennes républiques soviétiques en Asie centrale, en passant par les talibans en Afghanistan et aux autorités laïques de Turquie, de Syrie et d’Irak qui ont essayé d’étouffer l’identité culturelle kurde.
Comment préparer Norouz ?
Si les traditions varient d’un pays à l’autre car les différentes cultures ajoutent leur propre touche, le thème central est le même partout : une célébration du printemps et un moment de renaissance et de renouveau.
En Afghanistan par exemple, traditionnellement le principal événement est le festival de Guli Surkh (festival des fleurs rouges) à Mazar-e-Charif dans le nord du pays, où des tournois de buzkashi (sport national similaire au polo) sont organisés lors des 40 premiers jours de l’année. Une carcasse de chèvre est utilisée en lieu et place du ballon.
Un point commun en Asie centrale, ce sont les 24 heures de préparation de soumalak, une espèce de pâte épaisse réalisée à partir de graines germées de blé, tandis que les femmes chantent des chansons populaires en remuant de grandes marmites. Les festivals de plein air présentent des traditions et sports nomades, tels que les courses de chevaux, la lutte et le tir à l’arc.
Les préparations de Norouz en Iran commencent des semaines avant le printemps, notamment par un grand nettoyage de la maison (khaneh takani). Les familles font également du sabzeh, c’est-à-dire germer des graines (blé, orge, haricots mungo ou lentilles) dans un plat.
Une fois les graines germées quelques semaines plus tard, le plat est dressé sur une table, Haft-sin, point central de l’observance de Norouz. On trouve également six autres aliments symboliques dont le nom commence avec la lettre persane « sin » ou « s », soit un total de sept éléments, nombre sacré du zoroastrisme. Il s’agit de :
- sib (pommes) – santé et beauté
- senjed (fruit de l’argousier) – sagesse et renaissance
- samanou (pâte sucrée) – force et justice
- somaq (sumac) – patience
- serkeh (vinaigre) – âge/patience
- sir (ail) – nettoyage du corps et de l’environnement
Sur le Haft-sin, on trouve également des objets tels qu’un miroir (reflet de la vie), des œufs colorés (fertilité) et des poissons rouges dans un bol (vie).
En outre, il y a généralement un livre du poète perse Hafez (1315-1390) ou le Coran. Cela reflète le pouvoir de Norouz d’incorporer des traditions culturelles et religieuses plus récentes à ses racines antiques.
Comment est célébré Norouz ?
L’arrivée de Norouz est annoncée par des chanteurs de rue qu’on appelle Hadji Firouz et qui portent des tenues colorées et jouent du tambourin.
Les chanteurs noircissent leur visage avec du cirage ou un mélange de suie et de graisse. Il y a des années, on utilisait aussi du charbon. Ils représentent un personnage fictif du folklore iranien dont les origines sont floues.
Selon certaines versions de l’histoire traditionnelle, il s’agit d’un personnage qui surveille la flamme éternelle des anciens zoroastriens ; selon d’autres, Hadji Firouz était un esclave noir chargé du divertissement lors de Nouvel An sous l’ère sassanide (224-651). Toutefois, la théorie la plus plausible est qu’il était l’un des quelque 2 millions d’esclaves noirs amenés en Iran depuis l’Afrique dans le cadre de la traite des esclaves dans l’océan Indien au XIXe siècle.
Au soir du dernier mardi avant Norouz a lieu le Tchaharchanbé-Souri, la fête du feu, au cours de laquelle tout le négatif de l’année écoulée est brûlé dans l’espoir d’un nouveau départ.
Parmi les autres coutumes figurent le fait de sauter par-dessus des flammes dans les rues tout en chantant : « Donne-moi ta couleur rouge, prends ma couleur jaune. » Cela symbolise la façon dont le feu fait disparaître le teint jaune de la maladie et ramène la rougeur de la santé et de la chaleur.
Ces dernières années, les pétards se sont multipliés, au grand déplaisir de certains participants. Par ailleurs, les enfants tapent avec des cuillères sur des casseroles et frappent aux portes des voisins pour obtenir des bonbons, une pratique appelée qashoq zani.
Que mangent les gens à Norouz ?
Le premier jour de Norouz, les familles se rassemblent chez le plus âgé de leurs membres.
Le repas traditionnel de Nouvel An comprend du sabzi polo mahi (riz mélangé avec des herbes et servi avec du poisson blanc) ; de l’ash-e reshteh (épaisse soupe verte avec des nouilles, des pois chiches et des haricots) ; ainsi que du kuku sabzi (frittata de légumes).
Parmi les douceurs sucrées figurent des baklavas, des tout (mûres) ; des naan-nokhodchi (biscuits de pois chiche aux pistaches) ; et de l’ajil (assortiment de fruits et raisins secs).
Combien de temps dure Norouz ?
Les festivités s’achèvent treize jours après le Nouvel An avec le Sizdeh Bedar, qu’on peut traduire comme « se débarrasser du treize » (symbole de malchance) ou « prendre la route ».
À Sizdeh Bedar, les gens sortent et vont dans les champs, les plaines, les parcs et les rives des rivières pour pique-niquer, emportant avec eux le sabzeh qu’ils ont fait pousser soigneusement. Là, ils jettent le sabzeh dans la rivière ou dans les champs pour symboliser le fait de le rendre à la nature. Ils rejettent parfois aussi les poissons rouges, ce qui pose des problèmes environnementaux et peut entraîner leur mort.
Les écoles et bureaux rouvrent généralement le lendemain.
Que pense le gouvernement iranien de Norouz ?
Après le renversement en 1979 des 2 500 ans de monarchie, la République islamique d’Iran, qui avait initialement tenté d’associer ces fêtes rituelles au paganisme, n’a pas réussi à se débarrasser de ces festivités qui sont profondément ancrées dans la culture iranienne.
C’est pourquoi en Iran, Norouz est devenu un symbole de résistance qui se reflète dans une formule commune Norouz pirouz, qui signifie « que votre nouvelle année soit victorieuse », ou plus fréquemment, Aïd shoma moubarak.
Que savons-nous de Norouz ?
Dans son livre La Cyropédie, l’historien grec Xénophon (431-354) évoque une fête qui eut lieu à Persépolis (ville appelée Takht-e Jamshid en vieux persan, c’est-à-dire « trône de Djamchid »).
Selon la légende perse, Djamchid possédait la gloire divine, et la divinité suprême du zoroastrisme Ahura Mazda – incarnation de la lumière et du feu, de la vérité, de la bonté et de la sagesse – lui a ordonné de combattre Ahriman. Ahriman était son jumeau, le Dieu de l’ombre, de la colère et de la mort, qui avait provoqué la sécheresse, la famine et la destruction du bien et de l’abondance.
Après avoir vaincu Ahriman, tous les arbres desséchés ont fleuri et Djamchid a ramené la prospérité à son peuple, d’où la tradition présente de rendre le sabzeh à la nature.
D’autres récits remontent principalement à l’épopée Shahnameh (Livre des rois) de Ferdowsi, poète du XIe siècle, qui attribue la création de Norouz au roi mythique Djamchid après avoir sauvé les hommes d’un hiver rude qui devait geler la planète.
« Il a construit un trône avec des pierres précieuses et des démons l’ont soulevé de la terre vers les cieux, où il était assis sur son trône comme le soleil brillant dans le ciel. Les créatures du monde se sont rassemblées émerveillées par lui et l’ont parsemé de joyaux, et ils ont appelé ce jour Nouvel An ou Norouz », note Ferdowsi dans le Shahnameh.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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