France : Carrefour et McDonald’s dans le viseur de la campagne de boycott pour mettre fin au bombardement israélien de Gaza
La grande chaîne française de supermarchés Carrefour est la cible d’une campagne de boycott en France et à l’international depuis la publication par sa franchise israélienne, le 10 octobre dernier, au troisième jour de la guerre israélo-palestinienne, d’un post sur Instagram montrant des employés affairés dans la préparation de colis alimentaires pour l’armée israélienne.
Cette image ainsi qu’une autre de soldats récupérant des sacs remplis de nourriture ont fait le tour des réseaux sociaux, comptabilisant des centaines de milliers de vues et suscitant de vives condamnations.
Le mouvement contre le régime d’apartheid israélien BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), qui a déjà ciblé Carrefour en 2022, à l’ouverture de ses premières franchises en Israël, a aussi largement relayé l’information et demandé au public de ne plus se rendre dans les magasins de la marque.
Le 5 novembre dernier, ce mouvement créé en 2005 par un collectif d’organisations palestiniennes pour faire notamment pression sur les entreprises qui ont des intérêts en Israël a également diffusé, dans le cadre d’une nouvelle campagne internationale de boycott, un tract désignant de grandes multinationales, qui s’en prend particulièrement à Carrefour.
Le distributeur français est accusé d’implication « dans les crimes de guerre commis par le régime israélien d’occupation, de colonisation et d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien en raison des accords de franchise signés avec deux sociétés israéliennes de grande distribution qui ont des magasins dans les colonies israéliennes illégales ».
Les entreprises en question sont Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan, une chaîne de magasins renommés « Super ». À la suite du deal de Carrefour en Israël, sept organisations françaises, dont l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), la Ligue des droits de l’homme et le syndicat CGT, avaient publié un rapport dénonçant « les liaisons dangereuses » du distributeur français et rappelant qu’Electra Consumer Products figure dans une liste de plus de cent entreprises participant à la colonisation des territoires palestiniens occupés, établie en 2020.
D’autres compagnies françaises, comme AXA, sont également mises à l’index. Le BDS reproche à l’assureur de placer une partie de son argent dans des banques israéliennes qui financent l’implantation de colonies dans les territoires palestiniens occupés (en accordant des prêts hypothécaires aux colons et des services financiers aux autorités locales).
Le mouvement condamne par ailleurs l’implication du Français Alstom dans la construction du premier tronçon (inauguré en 2011) du tramway de Jérusalem, accusé d’ancrer l’occupation israélienne de la ville, avant de se retirer, sous sa pression, du projet d’extension de la ligne en 2019.
Le boycott conforme au droit français
Pour le moment, le groupe Carrefour fait profil bas en France. En Tunisie en revanche, face aux craintes de boycott massif, il a apporté publiquement son soutien aux populations palestiniennes de Gaza.
Des franchises de la chaîne américaine de restauration rapide McDonald’s basées au Moyen-Orient et dans le Golfe ont annoncé de leur côté qu’elles allaient offrir une aide financière aux habitants de Gaza.
Par cette action, elles ont souhaité se désolidariser de McDonald’s Israël, qui a déclaré avoir fait don de dizaines de milliers de repas à l’armée israélienne et aux forces de sécurité.
En France, un des restaurants de l’enseigne de fastfood a été tagué le 1er novembre dernier par des partisans du boycott. Un groupe se réclamant de l’antifascisme a posté sur les réseaux sociaux une vidéo relayant cette action, organisée pour « mettre en lumière la complicité de McDonald’s dans le génocide en cours à Gaza ».
Pour prévenir d’autres actions du même type, McDonald’s France a publié sur X (Twitter) le 7 novembre un communiqué affirmant que l’entreprise « ne finance ni ne soutient aucun gouvernement impliqué dans ce conflit ».
Malgré cette mise au point, les appels pour boycotter l’enseigne américaine se multiplient sur les réseaux sociaux. Le hashtag #boycottcarrefour prend aussi de l’ampleur alors que la Cour de cassation a donné raison à BDS dans un arrêt du 17 octobre, en affirmant que ses appels au boycott étaient conformes au droit français.
La jugement a rejeté un pourvoi contre un arrêté de la cour d’appel de Lyon de 2022 qui avait relaxé une militante du délit d’appel à la discrimination. Il s’appuie également sur une décision de la Cour européenne des droits de l’homme de 2020 qui considère que les actions du mouvement BDS relèvent de la liberté d’expression.
« Beaucoup de personnes prennent contact avec nous quotidiennement pour nous demander comment elles peuvent contribuer à la campagne de boycott »
- Juliette Simon, militante du comité BDS d’Aix-en-Provence
Dans un article sur le blog de Mediapart, les juristes français Ghislain Poissonnier et Patrick Zahnd estiment que l’arrêt de la Cour de cassation « valide enfin la légalité de la démarche du mouvement BDS ».
Ils considèrent par ailleurs que « le boycott [des] entreprises complices de la politique coloniale du régime israélien devrait trouver à l’avenir un nouvel élan international nourri par la situation actuelle ».
Un constat partagé par Juliette Simon, militante du comité BDS d’Aix-en-Provence, qui mène des actions de sensibilisation de la clientèle dans les grandes surfaces. Selon elle, les bombardements israéliens à Gaza ont entraîné une plus grande prise de conscience du public français.
« Beaucoup de personnes prennent contact avec nous quotidiennement pour nous demander comment elles peuvent contribuer à la campagne de boycott. Le nombre des abonnés sur nos pages Facebook [66 0000] et Instagram [10 000] a aussi énormément augmenté ces derniers temps », déclare-t-elle à Middle East Eye.
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