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Des musulmans condamnés pour des délits liés à la législation antiterroriste invités à ne pas se rendre aux funérailles de la reine

Au Royaume-Uni, avant les funérailles d’Elizabeth II prévues lundi, des officiers de police en civil ont interrogé des hommes condamnés pour des délits non violents à caractère terroriste afin de savoir ce qu’ils pensaient de la mort de la reine
Des policiers en patrouille traversent The Mall avant la procession du cercueil de la reine Elizabeth II entre le palais de Buckingham et le palais de Westminster, le 14 septembre 2022 (AFP)
Des policiers en patrouille traversent The Mall avant la procession du cercueil de la reine Elizabeth II entre le palais de Buckingham et le palais de Westminster, le 14 septembre 2022 (AFP)
Par Rayhan Uddin à LONDRES, Royaume-Uni

Des policiers britanniques ont interrogé des musulmans condamnés en vertu de la législation antiterroriste pour connaître leur opinion sur la mort de la reine Elizabeth II, les invitant à éviter le centre de Londres à l’occasion des funérailles nationales prévues lundi 19 septembre, selon des informations recueillies par Middle East Eye

Selon le groupe de défense des droits de l’homme CAGE, au moins six hommes condamnés pour des délits non violents en vertu de la législation antiterroriste ont reçu cette semaine une visite ou un appel téléphonique du Counter Terrorism Command (SO15) de la Metropolitan Police, responsable du Grand Londres, au sujet de ce qu’ils prévoyaient de faire le jour des funérailles de la reine. 

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Les hommes en question sont tous concernés par une mesure appelée notification requirement, qui les soumet à une surveillance et un suivi stricts de la part des autorités chargées de la lutte antiterroriste. Les obligations portent le plus souvent sur leur carrière et leur vie personnelle, mais très rarement sur des événements publics. 

Des agents du SO15 en civil se sont notamment rendus au domicile d’un homme en début de semaine, dont la mère, âgée, a indiqué que son fils était au travail. 

Les agents avaient l’intention de se rendre sur le lieu de travail de l’homme en question pour une « affaire urgente », mais ont finalement convenu d’un rendez-vous à un poste de police local. Sur place, ils lui ont demandé ce qu’il pensait de la mort de la reine et ce qu’il prévoyait de faire lundi, le jour des funérailles nationales. 

Il n’a pas confirmé s’il comptait y assister, ce qui a incité les autorités à le relancer plus tard dans la semaine. 

« La visite inopinée de la police à mon domicile m’a inquiété. Ma mère, qui est extrêmement malade, était visiblement secouée car elle pensait qu’elle allait me perdre encore une fois », confie l’intéressé.

« Une perte de temps pour la police »

« Tout cet affolement autour des funérailles de la reine m’a semblé inutile. J’ai refait ma vie et je respecte toutes les conditions qui me sont imposées depuis de nombreuses années. La police doit respecter cela. »

Les policiers ont posé les mêmes questions à plusieurs autres personnes condamnées en vertu de la législation antiterroriste, les invitant à éviter de se rendre aux funérailles et dans le centre de Londres lundi. 

« Le ciblage de ces individus, en l’absence d’évaluation fondée sur des preuves quant au risque immédiat d’actes de violence de leur part, équivaut à un harcèlement policier »

- CAGE

MEE a pris connaissance d’une lettre de CAGE adressée à Richard Smith, chef du Counter Terrorism Command de la Metropolitan Police, dans laquelle le groupe fait part de ses préoccupations à ce sujet.

« Si la sécurité publique est bien sûr primordiale lors de tels événements publics, de telles mesures semblent excessives à la lumière des conditions déjà strictes imposées à ces individus dans le cadre des obligations de surveillance et de suivi », indique la lettre. 

« Le ciblage de ces individus, en l’absence d’évaluation fondée sur des preuves quant au risque immédiat d’actes de violence de leur part, équivaut à un harcèlement policier. »

Dans la lettre, le groupe demande à la Metropolitan Police de préciser si les visites sont limitées aux personnes faisant l’objet d’une mesure de notification requirement et si elles concernent uniquement les délinquants musulmans. 

Middle East Eye a contacté la Metropolitan Police pour recueillir des commentaires, mais n’avait pas reçu de réponse au moment de la publication.

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« Cela ressemble à une incroyable perte de temps pour la police que de poursuivre des hommes qui respectent pleinement leurs obligations en matière de surveillance simplement pour leur demander s’ils ont l’intention d’assister ou non aux funérailles de la reine », affirme à MEE Anas Mustapha, responsable de la défense publique chez CAGE. 

« La police les a contactés en catastrophe, provoquant une anxiété et un stress inutiles. [Ceci est] totalement injustifié étant donné l’absence de preuve d’intention malveillante de la part de ces hommes. »

Anas Mustapha souligne par ailleurs qu’avec l’arrestation récente de plusieurs manifestants républicains, la police « exploite ouvertement l’état d’esprit du public pour étendre ses pouvoirs d’intimidation et de harcèlement ».

CAGE confirme que des visites et des appels similaires ont été effectués plus tôt cet été, à l’occasion des Jeux du Commonwealth, et que des musulmans condamnés pour des délits non violents à caractère terroriste ont été invités à ne pas se rendre à Birmingham, où se déroulait la compétition. 

Les funérailles d’Elizabeth II, qui feront l’objet d’un jour férié au Royaume-Uni, seront les premières funérailles d’État depuis la mort de l’ancien Premier ministre Winston Churchill en 1965. 

Lors de la cérémonie, le cercueil de la reine sera transporté de Westminster Hall à l’abbaye de Westminster, dans le centre de Londres, puis jusqu’au château de Windsor, à l’ouest de la capitale. Des représentants du monde entier, notamment de plusieurs États du Moyen-Orient, y assisteront. 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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