Aller au contenu principal

Le clan Ben Ali, éparpillé et discret

Ils vivent en exil ou ont choisi de rentrer au pays : dix ans après la révolution tunisienne, que sont devenues les figures du clan Ben Ali ?
L’ancien président tunisien et son épouse, Leila Trabelsi, l’une des personnes les plus haïes du régime (AFP)
L’ancien président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et son épouse, Leila Trabelsi, l’une des personnes les plus haïes du régime (AFP)
Par AFP à TUNIS, Tunisie

Dix ans après la révolution qui l’a chassé du pouvoir, le clan de Zine el-Abidine Ben Ali est éparpillé dans le monde avec des fortunes diverses. La plupart n’ont pas répondu de leurs actes devant la justice. Ils captaient notamment 21 % des bénéfices du secteur privé tunisien en 2010, selon la Banque mondiale.

Le président tunisien déchu – condamné par contumace de nombreuses fois pour homicide, torture et corruption – est décédé à 83 ans en septembre 2019 en exil en Arabie saoudite, où il a été enterré dans la discrétion, en présence de sa seconde épouse et de leurs trois enfants.

Le clan des Trabelsi 

Leila Trabelsi (64 ans), surnommée la « coiffeuse » en raison de sa profession passée supposée, seconde épouse du dictateur et l’une des personnes les plus haïes du régime, continue de profiter de son exil doré saoudien malgré une myriade de condamnations.

Envers et contre tout, la justice transitionnelle continue de traquer l’impunité
Lire

Elle réside à Djeddah avec leur fils et leur fille cadette Nesrine. Cette dernière a, selon la presse, divorcé en 2019 de son second mari, le rappeur tunisien K2Rhym, après quelques mois de mariage.

Les frères de Leila Trabelsi sont accusés d’avoir été les moteurs de la mainmise sur les biens nationaux, qui ont permis au clan de régner sur un empire s’étendant de la grande distribution à l’immobilier en passant par la téléphonie, les médias ou l’automobile.

Belhassen Trabelsi, 58 ans : le frère fugitif

Richissime homme d’affaires considéré comme le chef du clan, il s’est enfui en yacht vers l’Italie le 14 janvier 2011 et a rejoint le Canada, où il a résidé dans un appartement cossu de Montréal jusqu’en 2016. Débouté de sa demande d’asile, il a pris la fuite.

Il a déposé un dossier en 2016 auprès de l’organisme de justice transitionnelle, l’Instance vérité et dignité (IVD), pour obtenir une réconciliation en contrepartie d’un remboursement de fonds détournés. Il a proposé un milliard de dinars (350 millions d’euros), a indiqué l’IVD, mais l’arbitrage n’a pas abouti.

Après trois ans de cavale, il est arrêté en mars 2019 dans le sud de la France. La justice française examine actuellement une demande d’extradition vers la Tunisie.

Imed Trabelsi, 46 ans : le prisonnier

Le plus connu des membres du clan Trabelsi, neveu de Leila Trabelsi, est emprisonné en Tunisie depuis le 14 janvier 2011, jour de la chute du président.

Arrêté alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour la France, il a été condamné notamment pour fraude et corruption à 100 ans de prison au total.

Après sept ans de prison, Imed Trabelsi veut « se réconcilier » avec les Tunisiens
Lire

Il a livré le 22 mai 2017 un témoignage public inédit sur le système de corruption bien huilé impliquant des douaniers, des hauts fonctionnaires et des ministres.

Il a présenté des excuses au peuple tunisien, souhaitant « tourner la page » pour retrouver sa famille. Un accord de réconciliation moyennant finances a été trouvé mais il est toujours en prison.

Deux frères de Leila Trabelsi sont décédés en prison : Moncef Trabelsi, mort d’une tumeur au cerveau en 2013 à 69 ans, et Mourad Trabelsi, qui souffrait de maladies chroniques et s’est éteint en avril 2020 à 65 ans, selon sa famille, par manque de soins pendant une décennie de détention.

Sakher El Materi, 39 ans : le fantôme

Premier époux de Nesrine, souvent qualifié de « gendre préféré » de Ben Ali et présenté comme son potentiel dauphin, il s’est réfugié au Qatar avant d’être éconduit fin 2012 et de s’exiler aux Seychelles.

Selon l’ONG anticorruption I-Watch, il a obtenu la nationalité seychelloise mais il envisagerait de quitter l’archipel.

En 2017, il a entamé des négociations avec l’État tunisien sous l’égide de l’IVD pour faire acte de repentance et être autorisé à rentrer au pays, proposant de rembourser 500 millions de dinars (plus de 150 millions d’euros). En vain à ce stade.

Son père Moncef El Materi, condamné pour blanchiment, a été interpellé en France en juin 2017 lors de l’escale d’une croisière, en vertu d’un mandat d’arrêt international émis en 2011 par un juge tunisien. La cour d’appel d’Aix-en-Provence (sud) a rejeté son extradition en 2018.

Marouane Mabrouk : le discret

Ex-époux de Cyrine Ben Ali, fille du premier mariage de Ben Ali, cet homme d’affaires de poids a gardé un rôle de premier plan bien que discret.

Orange Tunisie : la main de la France, l’ombre des Ben Ali et le coup de pouce de Tunis
Lire

Avec ses frères, il codirige l’un des principaux conglomérats du pays, présent dans la grande distribution (Monoprix, Géant), des concessions automobiles (Fiat, Mercedes) ou encore la banque.

Accusé d’avoir fait fructifier ses affaires grâce aux largesses de son ancien beau-père, il a vu certains de ses biens être gelés en 2011. 

Il a pu en récupérer une partie, dont la participation dans le groupe de téléphonie français Orange en 2019 à la suite d’une levée contestée des sanctions par l’Union européenne, qui ouvre la voie à un rachat de cette part par Orange.

Slim Chiboub, 61 ans : le repenti

Époux de Dorsaf, la seconde fille du premier mariage de Ben Ali, ex-dirigeant du très populaire club de football de l’Espérance à Tunis, il est rentré d’exil pour solder ses comptes avec la justice.

Après avoir mis fin en novembre 2014 à son exil aux Émirats arabes unis, il a passé un an en prison et s’est engagé, en échange de la suspension de poursuites, à restituer les sommes perçues indument assorties d’une amende.

En dépit de cet accord, il a de nouveau été arrêté cet été.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].