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Selon un enregistrement présumé de son ex-conseillère, Kais Saied serait dans un « état psychologique grave »

La voix attribuée à Nadia Akacha met en garde contre un éventuel séisme en Tunisie si elle venait à révéler ce qu’elle sait. Selon elle, le président tunisien « connaîtra une fin terrible »
Nadia Akacha aurait raconté que Kais Saied tremblait lorsqu’il a rencontré Emmanuel Macron. En photo, les deux présidents à l’Élysée en mai 2021 (AFP/Ludovic Marin)
Nadia Akacha aurait raconté que Kais Saied tremblait lorsqu’il a rencontré Emmanuel Macron. En photo, les deux présidents à l’Élysée en mai 2021 (AFP/Ludovic Marin)
Par MEE

Les allégations de nouvelles divisions dans l’équipe de Kais Saied se sont intensifiées au cours du week-end avec la révélation d’enregistrements audio attribués à l’ex-cheffe de cabinet du président tunisien, Nadia Akacha. Cette dernière s’alarme de la « gravité de [l’]état psychologique » du chef de l’État.

Dans ces enregistrements, on entend une femme – qui serait Nadia Akacha – annoncer que Kais Saied « aura une fin terrible, parce qu’il est malade et ne veut pas admettre qu’il l’est, et insiste là-dessus ». Elle ajoute que Saied « souffre à un niveau psychologique et très personnel ».

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D’après ces enregistrements, Saied se fait suivre par un médecin et le président, qui a pris le contrôle de la Tunisie en juillet 2021, « aura une grave crise avec ce type de maladie car il ne reçoit que peu de soins ».

« Son entourage, les membres de sa famille… accroissent sa souffrance », précise cette femme, qui conclut qu’il sera « naturel pour lui d’avoir une crise ».

Dans un autre enregistrement publié vendredi, une voix, qui serait là encore celle de Nadia Akacha, se moque de Saied : « Je sais qu’il a peur. Il m’a appelée trois fois depuis sa résidence et je ne lui ai pas répondu. »

Elle indique que ses détracteurs l’accusent de « tomber dans les bras [de puissances extérieures] ».

Une « campagne de falsification »

« Mais je n’ai pas embrassé les épaules et je n’étais pas comme Saied, tremblant, lorsque j’ai vu [le président français Emmanuel] Macron. Ce n’est pas ma faute s’il a commencé à trembler lorsqu’il a rencontré Macron. C’est plutôt sa faute. À cause de sa psyché, il s’est précipité pour l’embrasser », ajoute-t-elle.

On entend la voix attribuée à Nadia Akacha mettre en garde contre un éventuel séisme en Tunisie si elle venait à révéler ce qu’elle sait. Ces enregistrements sont devenus viraux sur les réseaux sociaux et ont été signalés par plusieurs sites d’information tunisiens ce week-end.

Akacha, qui ne regrette pas le coup d’État de l’année dernière, a écrit que « malheureusement, quelqu’un qui n’a pas d’honneur, pas de religion, pas de patriotisme, s’est emparé de ce moment et de cette voie »

La jeune femme dément l’authenticité des enregistrements et affirme qu’il s’agit de montages dans le cadre d’une « campagne de falsification » menée contre elle.

Middle East Eye n’a pas pu confirmer ces enregistrements de manière indépendante. La présidence tunisienne n’a quant à elle pas répondu à nos sollicitations.

Akacha était la plus proche conseillère de Saied lorsque le président a limogé le gouvernement et suspendu le Parlement en juillet dernier, une initiative condamnée et qualifiée de coup d’État constitutionnel.

Depuis sa prise de pouvoir, l’ancien professeur de droit élu président en 2019 a consolidé ses pouvoirs exécutifs et législatifs (il peut diriger par décret) et a pris le contrôle de la justice.

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En mars, il a dissous le Parlement et certains députés ont été emprisonnés pour injure au président et complot contre la sûreté de l’État.

Middle East Eye avait révélé les projets de Saied en avril 2021, lorsque un document esquissant les mesures à prendre pour s’emparer du pouvoir avait été obtenu auprès du bureau d’Akacha.

Akacha a démissionné en janvier, prétextant de « profonds désaccords » avec l’administration alors que les politiques post-coup d’État du président faisaient l’objet de critiques croissantes.

Elle vit désormais à Paris. La semaine dernière, elle a, dans une publication Facebook, qualifié Saied et son cercle de « groupe de perdants qui ne comprennent rien ».

Akacha, qui ne regrette pas le coup d’État de l’année dernière, a écrit que « malheureusement, quelqu’un qui n’a pas d’honneur, pas de religion, pas de patriotisme, s’est emparé de ce moment et de cette voie », référence à peine voilée à Saied.

« Un carrefour dangereux »

Les détracteurs de Saied ont bondi sur les révélations de ce week-end, affirmant y voir une preuve de querelles intestines et de divisions parmi les partisans du président.

Abdellatif Aloui, député de la Coalition de la dignité (Al Karama, islamiste), a déclaré au quotidien al-Araby que « ces révélations reflètent les querelles intestines au sein du système du coup d’État, qui est à un stade avancé et périlleux, et on pourrait appeler cela : “ma revanche sur mes ennemis”. »

Aloui a été condamné en avril par un tribunal militaire à trois mois de prison après son apparition dans une émission de télévision dans laquelle il a critiqué Saied. Il était accusé de conspirer dans le but de changer la structure de l’État.

Aloui a ajouté : « La Tunisie aujourd’hui fait face à la vérité nue alors qu’elle se trouve à un carrefour dangereux, et indépendamment de l’état de santé de Saied et de la validité ou non de ces fuites, nous voulons le retour de la légitimité de la démocratie. »

Ghazi Chaouachi, leader du Courant démocrate, a déclaré sur Facebook : « Le peuple tunisien a le droit de connaître l’état de santé physique et psychologique du chef de l’État, en particulier depuis qu’il s’est emparé de tous les pouvoirs et dirige tout seul. »

Le mois dernier, une figure chevronnée de l’opposition tunisienne, Ahmed Nejib Chebbi, a annoncé la création d’une nouvelle alliance pour « sauver » le pays de l’impasse politique.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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