La Tunisie prévoit de réviser les subventions aux produits de base
La Tunisie, en proie à une grave crise financière et politique, prévoit de revoir les subventions étatiques aux produits de base qui grèvent fortement son budget, ont indiqué mardi des ministres.
Les dépenses de l’État au titre des subventions doivent enregistrer une hausse « considérable » en 2022 pour atteindre 4,2 milliards de dinars (1,3 milliard d’euros) contre 3,2 milliards de dinars en 2021 (environ 1 milliard d’euros), a indiqué à la presse la ministre des Finances, Sihem Boughdiri.
Ce coût, « énormément élevé pour l’État », représente l’équivalent des budgets annuels des ministères de la Santé et de l’Emploi et 3,5 % du PIB, a-t-elle ajouté.
Et il devrait dépasser les 5 milliards de dinars (1,5 milliard d’euros) en 2023 en raison notamment de l’augmentation des prix de certains produits de base comme le blé provoquée par l’invasion russe en Ukraine, selon la même source.
Cette situation rend nécessaire « la révision progressive des subventions aux produits de base mais sans aucune intention de les supprimer », a ajouté Sihem Boughdiri lors d’une conférence de presse consacrée au programme de réformes du gouvernement tunisien, en présence de plusieurs ministres.
La ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, Neila Nouira, a pour sa part fait état d’« ajustements systématiques » dans les prix des carburants, de l’électricité et du gaz dans un effort d’alléger la facture des subventions.
Depuis début 2022, les autorités tunisiennes ont en effet augmenté à deux reprises le prix des carburants.
Impact d’une double crise
Le ministre de l’Économie Samir Said a de son côté affirmé que le programme de réformes du gouvernement vise principalement à « remettre les finances publiques sur une trajectoire de soutenabilité » et à « créer les conditions de croissance économique ».
Il a assuré que la « réforme » des subventions devait se faire en tenant compte « du pouvoir d’achat des familles nécessiteuses ».
La Tunisie est confrontée à une grave crise économique avec une dette de plus de 100 % du PIB, une forte inflation (plus de 6 %), une croissance faible (autour de 3 %) et un chômage élevé (plus de 18 %).
Le gouvernement tunisien avait officiellement renouvelé en novembre sa demande d’aide du Fonds monétaire international (FMI), qui conditionne son octroi à la mise en œuvre d’un programme de réformes économiques et structurelles avec une « stricte maîtrise de la masse salariale » et « un meilleur ciblage des subventions ».
En octobre, il était aussi en discussion avec les Émirats arabes unis (EAU) et l’Arabie saoudite pour renflouer les caisses de l’État qui se tarissent sous l’impact d’une double crise économique et politique, selon un responsable de la Banque centrale, cité par des médias locaux.
Le Conseil d’administration de la Banque Centrale de Tunisie avait exprimé sa préoccupation début octobre concernant « le tarissement aigu des ressources financières extérieures, face aux besoins importants pour boucler le budget de l’État pour l’année 2021 ».
À la mi-octobre, l’agence de notation Moody’s a dégradé d’un cran la note souveraine du pays, qui est passée de B3 à Caa1, signifiant que la confiance accordée aux finances tunisiennes diminue.
« Si d’importants financements ne sont pas sécurisés […] il existe un risque de défaut de paiement » du pays, a par ailleurs prévenu Moody’s.
Mais la puissante centrale syndicale tunisienne UGTT a mis en garde le gouvernement contre toute « réforme douloureuse » dans le cadre d’un nouveau prêt du FMI.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].