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Armées, cyberpolice, OTAN… quelle sécurité au Qatar pour la Coupe du monde 2022 ?

Pour la première Coupe du monde de football au Moyen-Orient, l’enjeu sécuritaire est de taille. Quels sont les dispositifs de sécurité mis en place par Doha pour ce Mondial d’une ampleur inédite ?
Un fan passe un contrôle de sécurité à Doha au Qatar, avant le match de football de la Supercoupe Lusail entre le club d’Arabie saoudite Al-Hilal et les Égyptiens de Zamalek, le 9 septembre 2022 (AFP/Mustafa Abumunes)

La Coupe du monde de football 2022, qui a été attribuée au Qatar en décembre 2010, est unique à bien des égards. Elle est la première compétition de cette envergure à être organisée dans le monde arabe et au Moyen-Orient.

Bien entendu, l’excellente santé financière de la monarchie du Golfe a pesé dans la balance : l’émirat aura déboursé plus de 220 milliards de dollars pour organiser cet événement, soit la Coupe du monde la plus chère de l’histoire. En comparaison avec les derniers hôtes, la Russie a dépensé 11,6 milliards de dollars en 2018, le Brésil en a dépensé 15 milliards en 2014, et l’Afrique du Sud 3,6 milliards en 2010.

Elle possède également l’empreinte géographique la plus compacte de l’histoire du tournoi international, tous les stades étant situés à moins de 50 km du centre de la capitale, Doha.

Le micro-État le sait, accueillir un tel événement planétaire représente une étape historique et symbolique, donnant à Doha un prestige et un rayonnement culturel à l’international. C’est aussi l’occasion de mobiliser la population locale, les conscrits en particulier, pour en assurer le bon déroulement. L’objectif est davantage de renforcer la discipline, la cohésion sociale et l’unité nationale que les forces armées.

En un mot, cette compétition majeure est le catalyseur des objectifs de développement de l’émirat, tels qu’énoncés dans la Vision nationale du Qatar 2030 et la Stratégie nationale de développement 2018-2022.

Si l’ampleur et la complexité d’organisation du tournoi peuvent générer des opportunités importantes pour l’État gazier, elles présentent également une gamme de risques qui doivent être gérés efficacement. Selon les projections, le pays, qui compte moins de 3 millions d’habitants, devrait accueillir environ 1,5 million de fans, un flux de personnes équivalant à 50 % de sa population.

Scénarios d’émeutes et de rixes

Chaque pays organisateur d’un événement majeur est confronté à des risques et menaces qui sont de nature différente. « Lors des Mondiaux précédents, nous avons été confrontés à des menaces terroristes, à l’insécurité à certains endroits, au hooliganisme et à la violence. Mais ce ne sera pas le cas au Qatar », a affirmé Helmut Spahn, directeur de la sécurité de la FIFA.

De plus, l’exposition du micro-État au terrorisme international est extrêmement limitée d’après Andreas Krieg. Interrogé par Middle East Eye, le professeur au département d’études de la défense du King’s College de Londres explique que le pays possède très peu de points d’entrée et qu’il est assez facile pour les autorités qataries de surveiller et de contrôler l’immigration via l’aéroport international Hamad ou le poste-frontière terrestre de Salwa.

« Les fans présents seront très diversifiés, réunissant des foules improbables. Par exemple, vous avez des supporters saoudiens qui rencontreront des supporters iraniens, et à leurs côtés, d’après les ventes de billets, beaucoup d’Israéliens assisteront aussi aux matchs »

- Andreas Krieg, professeur au King’s College

Pour l’émirat, le principal défi sera de contrôler les centaines de milliers de fans de football présents à Doha, a déclaré la FIFA aux chefs de police des nations qualifiées, lors de la conférence Last Mile.

Selon Andreas Krieg, il s’agit de l’une des Coupes du monde les plus accessibles de l’histoire.

« Les fans présents seront très diversifiés, réunissant des foules improbables. Par exemple, vous avez des supporters saoudiens qui rencontreront des supporters iraniens, et à leurs côtés, d’après les ventes de billets, beaucoup d’Israéliens assisteront aussi aux matchs », analyse le spécialiste du Golfe.

Il ajoute que des scénarios d’émeutes et de rixes ont été envisagés par les forces de l’ordre qataries et leurs partenaires internationaux, qui se sont préparés en matière de contrôle des foules.

La conférence Last Mile a accueilli des représentants de la sécurité de chaque nation qualifiée ainsi que d’autres organisations comme Interpol ou les Nations unies.

Abdullah Al Ansari, responsable de la sécurité de la Coupe du monde 2022, a tenu à rassurer le grand public : « Nos capacités en matière de sécurité ont été prouvées de manière exemplaire lorsque le Qatar a accueilli la Coupe arabe en 2021. »

Pour la sûreté du Mondial, il a également été question d’un projet : « Stadia ». Il s’agit d’une collaboration entre la péninsule et Interpol, conçue dans le but d’assurer la sécurité de la compétition.

L’objectif de ce projet est de créer un centre d’excellence afin d’aider les pays membres à planifier et exécuter les préparatifs de police et de sécurité pour l’accueil de grands événements internationaux futurs.

Une coopération sécuritaire internationale

La volonté de placer la sécurité au centre de cette compétition internationale est également matérialisée à travers l’exercice de simulation « Watan », qui mobilise treize pays partenaires.

Lors de cet exercice, les autorités de sécurité du Qatar, civiles et militaires, se sont engagées dans un certain nombre de manœuvres fictives et de programmes de formation, en collaboration avec des pays et des organisations partenaires.

« Après avoir mené à bien une nouvelle série de scénarios complexes, nous avons prouvé une fois de plus que nous sommes plus que jamais prêts », a déclaré le Comité de sécurité de la Coupe du monde de la FIFA 2022.

Un autre partenaire stratégique, l’OTAN, apporte aussi son expertise dans différents domaines. Le soutien de l’Alliance atlantique comprend une formation contre les menaces posées par les matières chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires ainsi qu’une formation pour la protection des hautes personnalités (VIP) et pour contrer les menaces posées par les engins explosifs improvisés.

La France joue aussi un rôle important dans la sécurité de la Coupe 2022. Dans le cadre d’un récent accord entre Doha et Paris, elle enverra du personnel et du matériel dans l’État du Golfe.

Cela comprend le déploiement d’un système anti-drone BASSALT, qui aidera à détecter et à identifier les drones entrants. En outre, la France déploiera l’un des quatre systèmes aéroportés d’alerte et de contrôle E-3F (AWACS) de son armée de l’air, capable de suivre des centaines de cibles.

La France surveillera l’espace aérien de l’émirat pendant la Coupe du monde. Ici, le stade Al-Bayt d’Al-Khor, au Qatar (AFP/Khaled Desouki)
La France surveillera l’espace aérien de l’émirat pendant la Coupe du monde. Ici, le stade Al-Bayt d’Al-Khor, dans le Nord du Qatar (AFP/Khaled Desouki)

L’Hexagone surveillera l’espace aérien de l’émirat pendant la Coupe du monde, tout comme le spécialiste américain Fortem Technologies, qui a pour mission de détecter et chasser les drones malveillants. Puis, au-delà de la Manche, Londres a indiqué que la Royal Air Force enverrait des avions de combat Eurofighter Typhoon afin de soutenir « les efforts de lutte contre le terrorisme. »

Sur un autre plan, le Qatar abrite la plus grande base militaire américaine au Moyen-Orient, ce qui lui vaut une sécurité accrue. Et la péninsule sait compter sur un autre allié, qui dispose aussi d’une base militaire sur son sol : la Turquie.

Dans l’objectif d’assurer la sécurité de la compétition mondiale, Ankara a déclaré déployer 3 000 policiers antiémeute, 100 forces spéciales, 50 chiens détecteurs de bombes et leurs opérateurs, 50 experts en bombes et d’autres membres de son personnel. 

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Enfin, un accord de coopération a été signé entre le Qatar et le Maroc qui prévoit l’envoi de plusieurs milliers d’agents pour participer à la couverture sécuritaire de l’événement. Mais étonnamment, c’est dans le domaine du cyber que le royaume a été sollicité afin d’apporter son expertise en matière de sécurité.

Nizar Derdabi, ancien officier supérieur de la Gendarmerie royale marocaine et analyste en matière de défense et sécurité, indique à Middle East Eye que « le Maroc possède de réelles capacités dans les domaines de la cybersécurité et de la cyberguerre, mais encore inconnues du grand public ». Il ajoute que « Rabat est un partenaire fiable et reconnu dans le domaine de la sécurité, et sera dévoué à sa tâche sans chercher des intérêts ».

L’enjeu cybersécuritaire est de taille. Pour rappel, la Russie a été confrontée à plus de 25 millions de cyberattaques contre son infrastructure d’information lors de la Coupe du monde de football 2018.

Toutefois, si le Qatar semble mettre les bouchées doubles au niveau sécuritaire pour rassurer le grand public et la communauté internationale, des ONG dénoncent une sécurité à demi-teinte, parce que ternie par la mort de milliers d’ouvriers immigrés sur le terrain.

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