Pourquoi le Hamas a-t-il rendu visite à l'Arabie saoudite ?
La semaine dernière, une visite en Arabie saoudite du chef politique du Hamas, Khaled Mechaal, et d'autres dirigeants du mouvement semble marquer un réchauffement significatif des relations.
C’était la première visite en trois ans, et elle a coïncidé avec l'accord nucléaire iranien historique, dont les principaux perdants pourraient se révéler être l'Arabie saoudite et d'autres États sunnites du Golfe.
L’Arabie saoudite cherche à limiter l'influence iranienne croissante dans la région arabe en renforçant les liens avec l'Égypte et la Turquie. Riyad veut aussi renouer avec la résistance palestinienne, après que Téhéran l’ait soutenue à un moment où les États arabes l’ont abandonnée et ont accusé le Hamas de terrorisme.
Mechaal était accompagné par les hauts fonctionnaires Moussa Abou Marzouk et Saleh Aruri, qu’Israël considère comme les responsables de l'infrastructure militaire du Hamas en Cisjordanie, ainsi que par Izzat Al-Rishq et Mohammad Naser, responsables des relations avec les pays arabes.
La visite des dirigeants du Hamas est la suite du récent réchauffement des relations entre l'Arabie saoudite et l'organisation qui dirige la bande de Gaza. L’Arabie saoudite a joué un rôle majeur dans la pression sur le Caire pour annuler la décision d'un tribunal égyptien ayant jugé que le Hamas était une organisation terroriste. Elle a également aidé à relancer la communication entre le Caire et le Hamas qui avait pris fin après que le président Mohamed Morsi ait été déposé par l'armée égyptienne en 2013.
« À plus d'une occasion, le Hamas a confirmé son engagement à développer ses relations avec l'Arabie saoudite et à surmonter l'apathie précédente », a déclaré à MEE Mahmoud al-Zahar, l'un des dirigeants du Hamas à Gaza.
« Le Hamas connait l'importance du rôle de l’Arabie saoudite dans la région arabe. Le [l'ancien] ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal [décédé le 9 juillet] a souligné à plusieurs reprises 'une résistance nationale palestinienne' », a-t-il dit.
Certains commentateurs ont fait valoir que si Mohammed Deif, commandant des brigades Izz al-Din al-Qassam, l'aile militaire du Hamas, ne voulait pas abandonner le soutien iranien, le Hamas veut diversifier ses sources de soutien en vue de renforcer son armée à Gaza.
Le Hamas a reconnu l'été dernier qu'il avait reçu une aide militaire de l'Iran lors de « la guerre de Gaza [de 2014] » avec Israël. Selon les observateurs, même ainsi, les relations du Hamas avec l'Iran se sont tendues en raison de son opposition à la politique de Téhéran sur la Syrie.
La pression de l’Arabie saoudite sur l'Égypte
Le Hamas a depuis renforcé sa relation avec la famille royale d’Arabie saoudite et s'est éloigné de l'Iran, a déclaré un observateur.
« L'Iran est devenu le principal bailleur de fonds du Hamas. Par conséquent, le mouvement n'a pas coupé ses relations avec Téhéran. Le Hamas attend le changement de la position saoudienne et même de la position égyptienne et l’ouverture du passage de Rafah », a-t-il dit.
Après la mort du roi saoudien Abdallah en janvier, le Hamas a demandé à Riyad de faire pression sur le Caire pour ouvrir le passage de Rafah entre l'Égypte et la bande de Gaza, que l'Égypte avait fermé après la destitution du président Morsi de ses fonctions, selon l'observateur.
En juin, un tribunal égyptien a retiré l'accusation selon laquelle le Hamas est un groupe « terroriste » et, depuis lors, le passage de Rafah a été ouvert à plusieurs reprises.
Le journal israélien d’Haaretz a dit précédemment que les efforts saoudiens pour faire face à l'Iran l'ont conduit à faire pression sur l'Égypte pour parvenir à un rapprochement avec le Hamas.
Le 24 juin, Zvi Bar'el, analyste des affaires arabes pour Haaretz, a déclaré que la « lune de miel » entre l'Égypte et le Hamas a été parrainée par l'Arabie saoudite dans le cadre de ses efforts pour contrôler l'expansion iranienne dans la région.
Bar'el a rapporté que, lors d'une visite en Égypte pour rencontrer le président Abdel Fattah al-Sissi et ministre des Affaires étrangères Sameh Shoukry, le ministre des Affaires étrangères saoudien Adel al-Jubeir a plaidé pour une réconciliation entre le Hamas et l'Égypte ; toutefois, al-Sissi a refusé catégoriquement au motif que le Hamas fait partie du mouvement des Frères musulmans que l'Égypte considère une « organisation terroriste ».
Selon le journal Al-Monitor, le Hamas veut renouer ses liens avec les Saoudiens de manière à mettre fin au siège de Gaza, guérir la scission avec le Fatah, améliorer les liens avec l'Égypte, et endiguer la crise financière qui frappe le Hamas suite à la fin au soutien iranien.
La visite de Khaled Mechaal
« Les raisons de la visite actuelle de Mechaal à Riyad se trouvent dans la réconciliation palestino-palestinienne, la médiation et la demande de l'Arabie saoudite d’un retour de la relation avec le Caire et l'ouverture du passage de Rafah, ainsi que la coordination de l'accord nucléaire post-iranien », a déclaré à MEE un dirigeant du Hamas qui a requis l'anonymat.
Yassine Abdel-Qader, le penseur politique palestinien, a déclaré que les résultats de la visite seront plus positifs pour le Hamas que pour l'Arabie saoudite.
« Les résultats les plus importants se trouvent dans le renouvellement de l'accord précédent entre le Hamas et le Caire à propos de la coordination de la sécurité sur la frontière de Rafah », a déclaré Abdel Qader.
Pour sa part, Ismail al-Ashqar, un dirigeant du Hamas, a déclaré à MEE que son mouvement « respecte toujours le rôle principal de l'Arabie saoudite dans la région et son soutien pour la réconciliation palestinienne ».
Al-Ashqar a déclaré dans un communiqué de presse que « le Hamas considère le royaume d'Arabie saoudite comme un pays arabe dont on ne peut pas se passer et que la relation avec ce pays a connu un développement positif important ».
Photo : A Gaza, le chef du Hamas palestinien Ismaïl Haniyeh prend part à la prière de bonne heure le 17 juillet 2015, pour l'Aïd el-Fitr marquant la fin du mois de jeûne musulman du ramadan (AFP)
Traduction de l’anglais (original) par Emmanuelle Boulangé
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