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Gaza : ce que le mur de fer construit par Israël signifie pour les Palestiniens assiégés

Des dizaines d’antennes, des centaines de caméras et de radars sont positionnés sur la nouvelle fortification israélienne composée de 140 000 tonnes de fer et d’acier qui entoure Gaza
Aviv Kochavi, chef d’état-major de l’armée israélienne, passe devant une clôture le long de la frontière avec la bande de Gaza le 7 décembre, à l’occasion d’un événement marquant la fin de la construction d’une barrière entourant totalement l’enclave palestinienne (AFP)
Aviv Kochavi, chef d’état-major de l’armée israélienne, passe devant une clôture le long de la frontière avec la bande de Gaza le 7 décembre, à l’occasion d’un événement marquant la fin de la construction d’une barrière entourant totalement l’enclave palestinienne (AFP)

S’étendant tout au long de la frontière entre Israël et la bande de Gaza, le nouveau mur de fer et la clôture d’Israël, d’un coût de 1,1 milliard de dollars, ont été présentés comme « uniques au monde » lors de leur inauguration mardi 7 décembre.

Pour Israël, c’était l’aboutissement de trois ans et demi de travail, dernière série en date de fortifications et mesures de sécurité qui isolent Gaza et la Cisjordanie occupée, étouffant les espoirs d’une solution à deux États.

Pour les deux millions de Palestiniens vivant à Gaza (dont 50 % d’enfants), ce mur high-tech représente plus qu’une innovation technologique ou sécuritaire : c’est la confirmation qu’ils vivent dans la plus grande « prison à ciel ouvert » au monde.

« Le mur a un énorme impact psychologique sur la population de Gaza, en particulier sur les jeunes », explique Ruwaida Amir, enseignante et journaliste.

« Maintenant, on a vraiment l’impression d’être dans une prison avec ce mur d’acier qui nous entoure. »

Technologie dystopique

S’étendant sur 65 kilomètres depuis la frontière égyptienne, encerclant la bande de Gaza et s’avançant dans la mer Méditerranée, la nouvelle barrière d’Israël est criblée d’équipements de surveillance. Des dizaines d’antennes, des centaines de caméras et de radars sont positionnés sur la fortification composée de 140 000 tonnes de fer et d’acier.

Au-dessus du sol, la barrière est une clôture d’une hauteur de plus de six mètres. Il y a aussi un mur métallique souterrain équipé de capteurs.

Les responsables israéliens se refusent à commenter sa profondeur, mais il s’enfoncerait à plusieurs mètres sous terre. 

Ce mur dispose en outre d’un système d’armes télécommandé et d’une barrière maritime dotée d’un équipement de surveillance qui peut détecter les incursions par la mer.

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Le général de brigade Eran Ofir, qui a supervisé la construction, estime que c’est « l’un des projets les plus complexes jamais construits par le secteur de la défense ».

Fortifications israéliennes et égyptiennes

Depuis 2016, date à laquelle le projet a été annoncé, Israël cite les tunnels entre Israël et Gaza comme la principale raison de construire cette nouvelle barrière.

Des clôtures et terre-pleins entourent déjà la bande de Gaza, et des forces israéliennes sont déployées tout le long de la frontière.

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Avec le nouveau mur métallique souterrain, creuser des tunnels jusqu’à l’extérieur de Gaza sera beaucoup plus difficile. Les tunnels servent à la fois de bouée de sauvetage pour les Palestiniens étouffés par le siège et au mouvement Hamas, qui les utilise pour la contrebande et la réalisation d’attaques.

« La barrière, qui est un projet innovant et technologiquement avancé, prive le Hamas de l’une des capacités qu’il a essayé de développer », a assuré le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz.

Israël n’est pas le seul pays à imposer un siège à Gaza depuis 2007, date à laquelle le mouvement Hamas a pris le contrôle de l’enclave. L’Égypte impose elle aussi un blocus, ouvrant rarement le poste-frontière de Rafah. En 2020, l’Égypte a achevé une clôture de 14 km le long de sa frontière avec la bande.

Basem Naim, ancien ministre de la Santé de Gaza, indique à MEE que le nouveau mur d’Israël révèle sa « nature raciste », qui « insiste pour transformer le peuple palestinien en groupes séparés vivant dans des prisons à ciel ouvert, fermées et isolées les unes des autres ».

La barrière de Gaza, bien sûr, n’est pas la première d’Israël. Une barrière de séparation controversée s’étend sur 700 km entre Israël et la Cisjordanie, combinant murs de béton, tours de guet et clôtures.

L’érection de cette barrière a commencé en 2002, Israël affirmant qu’elle était nécessaire pour des questions de sécurité. Elle entame en profondeur la terre palestinienne, empêchant souvent les Palestiniens d’accéder à leurs propriétés et les enfermant hors de Jérusalem.

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Ahmed Abu Artema est le fondateur du mouvement de la Grande Marche du retour, organisateur des manifestations de masse le long de la frontière de Gaza en 2018 pour réclamer le droit au retour des réfugiés palestiniens et la fin de l’occupation. La répression violente d’Israël à l’encontre des manifestants a fait plus de 250 morts et des milliers de blessés.

« L’erreur qu’Israël se borne à répéter consiste à traiter la question palestinienne comme une question de sécurité en ignorant la racine du problème »

- Ahmed Abu Artema, activiste pacifiste de Gaza

« La puissance occupante présente des revendications de sécurité pour justifier la construction du mur, tout comme elle l’a fait pour justifier la construction du mur en Cisjordanie en 2002. Mais l’erreur qu’Israël se borne à répéter consiste à traiter la question palestinienne comme une question de sécurité en ignorant la racine du problème », explique-t-il à Middle East Eye.

« Ce mépris ne le servira pas du tout sur le plan stratégique, la racine du problème étant que, tant qu’il refusera à tout un peuple le droit à la liberté et à l’émancipation, celui-ci restera déterminé à se libérer. »

Israël prévoit également de commencer à construire une clôture à sa frontière avec le Liban l’année prochaine, s’ajoutant à une clôture déjà existante datant de 1970.

Les projets de mur frontalier suggèrent que la stratégie de sécurité d’Israël repose de plus en plus sur des murs high-techs.  

L’ONU avait prédit en 2012 que Gaza serait invivable d’ici 2020. Les Palestiniens disent que la nouvelle barrière ne fera qu’aggraver leurs conditions de vie.

Les habitants de Gaza vivent dans la précarité, avec un accès restreint à l’eau potable, des pénuries d’électricité handicapantes et des systèmes de santé et d’éducation inadaptés.

Assiégée

Environ 97 % de l’eau potable de Gaza est contaminée et les habitants sont contraints de vivre avec des coupures de courant constantes en raison d’un réseau électrique très endommagé.

« L’objectif est de tuer notre espoir dans la vie et de nous isoler du monde et de la Cisjordanie »

- Ruwaida Amir, enseignante et journaliste

Les conditions de vie épouvantables dans la bande de Gaza y ont créé une épidémie de troubles mentaux, provoquant une flambée des taux de suicide.

Selon l’UNRWA, l’agence de l’ONU qui s’occupe des réfugiés palestiniens, des années de conflit et de blocus ont rendu 80 % de la population de Gaza dépendante de l’aide internationale.

« Parfois, nous entendons dire que des efforts sont faits pour rendre possible notre accès au monde, mais cette clôture vise à nous maintenir dans cette prison. L’objectif est de tuer notre espoir dans la vie et de nous isoler du monde et de la Cisjordanie », déplore Ruwaida Amir. 

« Au lieu de trouver des solutions au siège, il est maintenant devenu permanent. Mais Israël ne pourra pas enterrer Gaza derrière ce mur. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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