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Guerre Israël-Palestine : à Gaza, l’armée israélienne avance dans les zones ouvertes pour éviter de répéter les erreurs de 2014

Si dans les faits, l’armée israélienne assiège la ville de Gaza, ses mouvements sont davantage guidés par les capacités des combattants palestiniens que par ses propres objectifs
Un char israélien se met en position dans la région de la Haute Galilée, dans le nord d’Israël, près de la frontière avec le Liban, le 1er novembre (AFP)

L’invasion terrestre de la bande de Gaza par Israël se mue en opération de siège où les troupes israéliennes avancent timidement pour prendre Gaza en tenaille.

Après trois semaines de violents bombardements, les soldats israéliens sont entrés dans la nuit du 27 octobre dans l’enclave côtière par le nord et l’est.

Si l’armée reste discrète sur le nombre de soldats impliqués et sur leurs objectifs, elle a reconnu que de l’artillerie, des chars et des bulldozers accompagnaient l’infanterie et les forces spéciales dans le cadre d’une opération baptisée « Épées de fer ».

Jusqu’à présent, l’avancée s’est faite à travers des terres agricoles et des zones urbaines peu peuplées, ce qui indique que l’armée israélienne évite à ce stade les affrontements avec les combattants palestiniens dans les zones résidentielles.

Cependant, elle n’hésite pas à bombarder des zones fortement résidentielles. Un raid contre le camp de réfugiés de Jabaliya, mardi dernier, a ainsi fait une centaine de morts.

Plus de 10 000 Palestiniens, dont plus de 4 100 enfants, ont été tués par les bombardements israéliens au cours des quatre dernières semaines.

L’invasion terrestre a été lancée après un bombardement intensif de secteurs moins urbanisés proches de la barrière de séparation à la frontière entre Gaza et Israël, en particulier près des villes palestiniennes de Beit Lahia au nord-ouest et de Beit Hanoun au nord-est.

Néanmoins, les troupes israéliennes sont encore loin des tunnels appartenant à la branche armée du Hamas, les brigades Izz al-Din al-Qassam, ainsi qu’à d’autres groupes armés.

Israël a commencé son assaut sur Gaza à la suite de l’offensive menée le 7 octobre par le Hamas, qui a tué environ 1 400 Israéliens, et affirme vouloir chasser le Hamas de l’enclave.

« Un schéma répétitif est apparu pour éviter les erreurs. Les Palestiniens l’ont peut-être aussi compris »

– Une source turque

La pression s’accroît au niveau national pour que la priorité soit donnée à la libération des 240 otages capturés par les combattants palestiniens lors de l’attaque. Ces personnes seraient détenues dans des tunnels aux quatre coins de la bande de Gaza.

Selon une source israélienne au fait de la situation interrogée par Middle East Eye, le premier des deux objectifs de la phase initiale de l’opération terrestre a été atteint.

Ceux-ci étaient la création de zones tampons dans des secteurs où le risque d’être attaqué est faible, ainsi que l’établissement de bases afin de soutenir d’autres opérations.

« Le premier objectif a été atteint. Nous avons désormais des bases le long de la bande qui peuvent soutenir nos zones d’opérations. L’établissement de ces bases a eu lieu dans des zones relativement sûres au nord et à l’est de la bande », précise la source israélienne.

La deuxième phase de l’offensive terrestre consistera à relier les poches sous contrôle israélien, à imposer un siège total à la ville de Gaza et à étendre progressivement le territoire contrôlé par Israël, ajoute-t-il.

Jusqu’à présent, les troupes israéliennes sont entrées dans la bande de Gaza par l’est, le long de l’axe de Juhor al-Dik qui coupe le nord – dont Gaza – du sud de l’enclave ainsi que les routes Salah al-Din et al-Rasheed, les axes principaux empruntés par les Palestiniens pour fuir vers le sud.

Elles progressent également le long de la côte vers le sud sur l’axe de Beit Lahia, atteignant presque la périphérie de Gaza.

Des progressions limitées ont également été constatées autour de Beit Hanoun, dans le nord-est.

« Sur le plan opérationnel, l’armée avance sur trois lignes, contrant les attaques terroristes dans la direction prévue jusqu’à présent. La convergence de deux de ces lignes suffit à piéger les cibles terroristes dans une zone spécifique, ce qui permet à l’opération de se diriger vers des cibles plus précises », déclare la source israélienne.

Les leçons du passé

Selon des sources des services de sécurité turcs qui suivent de près la guerre à Gaza, il semblerait qu’Israël ait beaucoup appris des offensives terrestres passées dans l’enclave et suive désormais une feuille de route soigneusement planifiée.

« L’opération Épées de fer d’Israël est une copie des opérations de 2009 et 2014, mais ils évitent de répéter les erreurs commises par le passé », indique une source turque à MEE sous le couvert de l’anonymat en raison de restrictions imposées aux communications avec la presse.

La source ajoute qu’Israël agit lentement pour éviter tout problème grave, ce qui est le signe d’un certain schéma tactique.

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Lors de l’opération « Plomb durci » de 2009, treize soldats israéliens avaient été tués alors que l’armée pénétrait dans des zones densément peuplées. De même, lors de l’opération « Bordure protectrice » de 2014, 66 soldats israéliens ont trouvé la mort lors d’opérations menées dans des secteurs résidentiels.

Selon la source turque, Israël n’était pas prêt pour une telle opération et n’est jusqu’à présent entré que dans des zones ouvertes et les communautés urbaines qui les surplombent.

« Un schéma répétitif est apparu pour éviter les erreurs. Les Palestiniens l’ont peut-être aussi compris », souligne la source.

« L’armée israélienne entre dans la zone, identifie les positions de tir et les cibles ennemies et se retire rapidement. Des frappes aériennes suivent. Ensuite, les troupes blindées et l’infanterie avancent. Ce schéma ne fonctionnera pas lorsqu’ils entreront dans les villes. »

La dernière fois qu’Israël a lancé une offensive terrestre dans la bande de Gaza, c’était en 2014 dans le cadre de l’opération Bordure protectrice, qui a duré trois semaines.

Rich Outzen, colonel américain à la retraite, souligne qu’au cours de cette opération, Israël n’est pas parvenu à s’introduire dans le système de tunnels et dans les principaux secteurs utilisés par le Hamas et d’autres groupes.

L’ancien colonel estime que l’opération Épées de fer est plus complète que celle de 2014, avec des manœuvres conjointes plus importantes entre les forces.

« Ils se concentrent davantage sur le réseau de tunnels lui-même, avec l’intention manifeste de pénétrer au cœur de la ville de Gaza et d’y rester suffisamment longtemps pour rendre les tunnels inutilisables », explique-t-il à MEE.

« Il n’est pas faux de considérer qu’il s’agit d’une sorte de siège, par opposition à ce qui s’apparentait à des raids punitifs en 2014. »

L’avancée israélienne dictée par les factions de Gaza

Israël a progressé d’environ 6 km le long de la côte nord-ouest autour de Beit Lahia et a atteint le sud-est de Netzarim et al-Zeitoun depuis son avancée autour de Juhor al-Dik.

L’armée israélienne, qui tente souvent d’étendre sa zone d’opérations du nord au sud et de l’est à l’ouest, dispose toujours d’un accès direct aux zones urbaines.

Selon les sources turques, l’idée d’une progression rapide d’Israël est trompeuse.

« L’avancée de l’armée israélienne relève du choix des factions de Gaza, pas d’Israël. Israël évite actuellement une guerre urbaine »

– Une source turque

« Cette avancée est déterminée par les préférences des groupes armés de Gaza plutôt que par les capacités et la planification d’Israël », indique une source.

« Il est clair que les groupes palestiniens préfèrent un affrontement dans les zones résidentielles dans lequel ils peuvent utiliser la population à leur avantage, plutôt que des combats à découvert. En d’autres termes, l’avancée de l’armée israélienne relève du choix des factions de Gaza, pas d’Israël. Israël évite actuellement une guerre urbaine. »

Malgré cela, les Israéliens continuent de subir des pertes.

Israël affirme avoir perdu au moins 30 soldats dans l’offensive terrestre jusqu’à présent. Jeudi dernier, les brigades al-Qassam ont diffusé une vidéo montrant prétendument deux de leurs combattants en train d’endommager un char israélien lors d’un raid rapproché risqué.

Israël entend faire du nord de la bande de Gaza son principal champ de bataille pour le moment. Le 13 octobre, Israël a sommé le million de Palestiniens vivant dans le nord de l’enclave de fuir vers le sud s’ils ne voulaient pas trouver la mort, même si des secteurs vers lesquels il leur a été indiqué de s’enfuir ont également été lourdement bombardés.

Israël a également largué récemment des tracts dans la partie nord du Wadi Gaza, désignée par les Israéliens comme la frontière entre le nord et le sud de l’enclave, pour ordonner aux habitants de partir.

Les sources turques estiment que plus l’opération s’éternisera, plus Israël perdra sa capacité à diriger la guerre, en dépit de sa supériorité technique.

Néanmoins, souligne Rich Outzen, la stratégie actuelle est la seule option qui s’offre à Israël s’il veut poursuivre la guerre avec l’objectif d’écraser le Hamas.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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