Pourquoi Israël se montre réticent à aider les Émiratis face aux Houthis
À la suite des récentes attaques de missiles et de drones menées contre Abou Dabi par le mouvement houthi yéménite, les dirigeants émiratis se sont tournés vers Israël pour obtenir une assistance militaire.
L’attaque de drone la plus récente s’est produite fin janvier, lors de la visite d’État du président israélien Isaac Herzog.
Il ne s’agissait pas de la première menace houthie envers Israël. Par le passé, les Houthis, alliés de l’Iran, avaient menacé de lancer leurs missiles contre Eilat, la ville portuaire du sud d’Israël située à 1 500 km du Yémen.
En réponse, Israël a intensifié son état d’alerte il y a deux ans dans la région d’Eilat et y a occasionnellement déployé des batteries Dôme de fer sur la base d’alertes reçues par les services de renseignement.
Dans le même temps, le Mossad et les services de renseignement militaire ont accru leur surveillance du Yémen et leur collecte d’informations dans le pays.
Récemment, une délégation israélienne de haut rang composée de responsables du ministère de la Défense, d’agents du Mossad et de dirigeants de sociétés d’armement israéliennes s’est rendue aux Émirats arabes unis.
Les responsables émiratis sont particulièrement intéressés par les systèmes de défense aérienne de fabrication israélienne, tels que Dôme de fer, Fronde de David et Arrow, ainsi que par leurs systèmes radar.
Une avance technologique
Jusqu’à présent, tous les systèmes antimissiles émiratis et saoudiens, comme les batteries Patriot, sont de fabrication américaine.
Des sources israéliennes interrogées par Middle East Eye indiquent qu’elles examinent la requête émiratie mais émettent une réserve, affirmant qu’il s’agit d’une question sérieuse qui doit être traitée avec prudence.
Israël devra trouver un équilibre entre son désir de vendre des armes dans le monde entier – il a été officiellement annoncé qu’Israël avait accordé des licences d’exportation militaire vers 139 pays – et la nécessité de protéger ses équipements sensibles fabriqués sur son sol.
Le dilemme israélien consiste à maintenir sa propre avance technologique tout en vendant des systèmes à des partenaires stratégiques. Par le passé, il a été rapporté que l’Arabie saoudite était également intéressée par des systèmes Dôme de fer.
Jusqu’à présent, Israël a vendu des composants partiels de Dôme de fer, tels que des radars et des systèmes de contrôle au sol, à Singapour et à l’Azerbaïdjan, mais n’a pas cédé de missiles d’interception, fabriqués par la société publique Rafael. Washington a fait l’acquisition de deux systèmes Dôme de fer pour évaluer leur efficacité.
Israël affirme qu’au cours de ses guerres à Gaza, Dôme de fer a affiché un taux d’interception de 92 % face aux missiles du Hamas. Par le passé, la Corée du Sud a également manifesté son intérêt pour ce système, capable d’intercepter des roquettes d’une portée d’environ 80 km.
Les sociétés américaines de systèmes militaires et de sécurité n’apprécieraient pas de voir une concurrence israélienne entrer dans ce qu’elles considèrent comme leur arrière-cour
Mais il existe un autre obstacle qui empêche Israël de fournir des défenses aériennes dans le Golfe, un obstacle peut-être encore plus important : les États-Unis.
Les États-Unis placent la région dans leur sphère d’intérêt et disposent d’une présence militaire et de bases au Qatar, à Bahreïn et aux Émirats arabes unis.
Washington leur vend toutes sortes d’armes, qu’il s’agisse d’avions de combat F-35, de drones, de technologies de renseignement, d’équipements navals ou de batteries antiaériennes.
Les sociétés américaines de systèmes militaires et de sécurité n’apprécieraient pas de voir une concurrence israélienne entrer dans ce qu’elles considèrent comme leur arrière-cour.
Une coopération secrète
Pendant des années, le Mossad a facilité l’établissement de liens secrets entre Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Arabie saoudite, ce qui s’est traduit par une étroite coopération en matière de partage de renseignements contre l’Iran, ainsi que par la vente d’équipements de renseignement tels que le tristement célèbre logiciel espion Pegasus.
Des entreprises israéliennes telles que Logic, détenue par Mati Kochavi, ont opéré secrètement pendant des années aux Émirats arabes unis. Mati Kochavi employait d’anciens responsables du Mossad et du Shin Bet, ainsi que d’anciens experts d’Israel Aerospace Industries.
Tombé en disgrâce auprès de la famille al-Nahyane au pouvoir à Abou Dabi, Mati Kochavi a été remplacé par David Meidan, un ancien agent du Mossad, en tant que médiateur entre Israël et les Émirats.
Tous ces accords et contacts clandestins ont été approuvés et encouragés par le ministère israélien de la Défense.
Depuis le début des efforts publics de normalisation, avec la signature des accords d’Abraham en 2020, Israël a pu ouvrir des liens diplomatiques et commerciaux complets avec les Émirats arabes unis, Bahreïn puis le Maroc, et renforcer ses relations avec les services de renseignement de ces pays. La coopération n’avait plus besoin d’être gardée secrète.
Début février, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, s’est rendu à Bahreïn pour rencontrer les dirigeants du pays et signer avec son homologue un protocole d’accord en vue d’une coopération en matière de sécurité – le premier conclu avec un pays arabe.
Seules les relations spéciales entre Israël et l’Arabie saoudite demeurent secrètes.
Malgré les encouragements et le lobbying de Donald Trump et de son administration, Riyad a refusé de faire le grand saut en public.
Pourtant, des sources israéliennes de la diplomatie et des services de sécurité interrogées par MEE estiment qu’une fois que le prince héritier Mohammed ben Salmane aura accédé au trône dès la mort du roi Salmane, son père âgé et malade, le royaume officialisera très probablement les relations.
En parallèle, l’Arabie saoudite et les autres États du Golfe poursuivront et même accéléreront leur collaboration avec Israël en matière de sécurité, tout en achetant davantage d’armes.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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