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Yémen : l’attaque revendiquée par les Houthis contre les EAU marque une escalade dans la guerre

Tout comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis sont devenus une cible du groupe yéménite pour leur implication dans les combats sur le terrain
Le quartier industriel de Musaffah, dans la capitale émiratie Abou Dabi, le 17 janvier 2022 (AFP)

Ce lundi, une attaque présumée par drone a visé d’importantes installations pétrolières à Abou Dabi et tué trois personnes : un ressortissant pakistanais et deux indiens.

Les Houthis, groupe armé yéménite allié à l’Iran, ont revendiqué la responsabilité de cette attaque peu après son annonce par les Émirats arabes unis (EAU). Ils n’ont toutefois pas confirmé le type d’attaque ni le lieu. 

Citant la police d’Abou Dabi, l’agence de presse publique WAM a rapporté qu’un incendie avait éclaté dans le quartier industriel de Musaffah près d’entrepôts appartenant à la société publique Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), ce qui a conduit à l’explosion de trois camions citernes.

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Dans le même temps, un incendie mineur a également été signalé sur un site de construction de l’aéroport international d’Abou Dabi, selon un communiqué de la police. Celui-ci précisait que ces deux incidents n’avaient pas provoqué de dommages majeurs. 

Selon la chaîne d’information al-Masirah, le porte-parole de l’aile armée des Houthis a déclaré que le groupe avait lancé une opération militaire au « cœur des Émirats arabes unis » et donnerait de plus amples informations dans les heures suivantes.

La coalition menée par les Saoudiens qui combat les Houthis au Yémen a annoncé plus tard dans la journée avoir détruit trois drones lancés en direction du sud de l’Arabie saoudite, selon la télévision publique saoudienne. 

Plusieurs dirigeants occidentaux ont condamné l’attaque contre les EAU, à l’image du président français Emmanuel Macron, qui a dit apporter « son soutien » à Abou Dhabi.

Pourquoi les Houthis visent-ils les EAU ?

Les Émirats arabes unis sont membres de la coalition dirigée par les Saoudiens qui intervient au Yémen depuis 2015 pour rétablir le gouvernement d’Abd Rabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale mais évincé par les Houthis fin 2014. 

Le pays du Golfe a annoncé avoir réduit son implication militaire au Yémen depuis 2019, mais les analystes soutiennent qu’il conserve une influence significative en soutenant certains combattants yéménites.

Depuis le 25 décembre dernier, les combats se sont intensifiés, avec le lancement par la coalition d’une attaque « de grande ampleur » sur la capitale yéménite Sanaa, après que des tirs de missiles par les Houthis ont fait deux morts dans le royaume, premiers décès de ce type en trois ans.

Cette attaque sur Sanaa a tué trois personnes et le porte-parole des Houthis Yahya Saree a prévenu l’Arabie saoudite d’une réponse « qui ferait mal » si la coalition ne mettait pas un terme à son « agression ».

carte yémen

Ces dernières semaines, les forces pro-gouvernement au Yémen ont annoncé l’une de leurs plus grandes victoires dans ce conflit qui dure depuis sept ans après avoir chassé les Houthis de la région pétrolifère de Chabwa dans le sud du pays et avoir progressé dans des zones de Marib tenues par les Houthis au nord.

Cette progression est en grande partie due à l’intervention des « brigades des géants », des troupes yéménites soutenues par les EAU.

Les Houthis ont souvent revendiqué des attaques par missiles et par drones contre l’Arabie saoudite voisine pendant la guerre, mais n’ont revendiqué que peu d’attaques contre les EAU, démenties par les autorités émiraties.

Il y a deux semaines, les Houthis ont dit avoir capturé un bateau battant pavillon émirati, le Rwabee, au large des côtes yéménites, affirmant qu’il transportait « des armes pour les extrémistes ». Les onze membres d’équipage du navire sont retenus en otage. Abou Dabi a qualifié cet incident « d’escalade dangereuse ». 

« Les EAU sont un outil aux mains des États-Unis et d’Israël. Nous les affronterons que ce soit au Yémen ou en visant leur territoire »

- Un dirigeant houthi

Les Houthis ont également refusé la demande du Conseil de sécurité de l’ONU de laisser partir le navire.

Un dirigeant houthi à Sanaa, s’exprimant sous couvert d’anonymat, explique à Middle East Eye que « Ansar Allah [les Houthis] vise cette fois les EAU parce qu’ils sont revenus sur le front du conflit yéménite pour nous combattre à nouveau alors que nous étions sur le point de prendre Marib ».

Selon lui, cette récente attaque houthie contre les EAU est due aux récents développements à Marib et à la progression des brigades des géants soutenues par Abou Dabi. Les Houthis veulent faire passer un message aux Émirats arabes unis, leur dire qu’ils peuvent viser leur territoire, estime-t-il.

« Nous avons des armes capables d’atteindre les Émirats, ils ne peuvent se permettre de subir nos attaques. S’ils continuent à soutenir les États-Unis et nous combattre, nous leur promettons des attaques comme celles que nous lançons contre l’Arabie saoudite. »

« Les EAU sont un outil aux mains des États-Unis et d’Israël. Nous les affronterons que ce soit au Yémen ou en visant leur territoire. »

Pour Peter Salisbury, analyste spécialiste du Yémen à l’International Crisis Group, « les EAU prétendent ne plus être impliqués sur le front, mais de nombreux Yéménites – et bien évidemment les Houthis – ont l’impression que les forces qui ont repris du territoire aux Houthis sont alliées et supervisées par les Émiratis même si les Saoudiens mènent techniquement la danse ».

« La position des Houthis semble être la suivante : tant que ces attaques contre eux ne cesseront pas, ils viseront les EAU », explique-t-il à MEE.

Que peut-il se passer ensuite ?

Le porte-parole des Houthis, Mohammed Abdulsalam, a tweeté lundi que « les EAU avaient prétendu avoir pris leurs distances avec le Yémen, mais le contraire a récemment été révélé », décrétant qu’Abou Dabi avait deux choix : cesser d’intervenir au Yémen ou en affronter les conséquences de la part des Houthis.

Adam Baron, analyste politique s’intéressant au Moyen-Orient et plus particulièrement au Yémen et au Golfe, déclare à MEE que ces « attaques surviennent au lendemain de gains significatifs sur le champ de bataille par ce qu’on décrit souvent comme des forces soutenues par les EAU ».

« Si les Houthis ont déjà revendiqué des attaques contre des cibles émiraties par le passé, c’est la plus importante à ce jour. Il existe assurément un potentiel d’escalade supplémentaire – il y a déjà eu une série d’attaques aériennes à Sanaa en réponse apparente à cette attaque. » Selon une source médicale citée ce mardi par l’AFP, au moins onze personnes auraient perdu la vie à Sanaa lors de ces raids de représailles de la coalition saoudienne.

« Si les Houthis ont déjà revendiqué des attaques contre des cibles émiraties par le passé, c’est la plus importante à ce jour. Il existe assurément un potentiel d’escalade supplémentaire »

- Adam Baron, analyste politique

Mohamed Albasha, analyste spécialiste de la péninsule Arabique chez Navanti Group, explique à MEE qu’Abou Dabi utiliserait probablement son siège au Conseil de sécurité de l’ONU pour le mandat 2022-2023 afin d’essayer de faire adopter plus de sanctions contre les dirigeants houthis. Il soutient que les EAU font également pression à Washington pour qu’Ansar Allah redevienne une « organisation terroriste étrangère ».

Peu après son arrivée au pouvoir, le président américain Joe Biden avait mis fin au soutien offensif aux opérations de la coalition menée par les Saoudiens au Yémen et avait également retiré le groupe de la liste des organisations terroristes, qu’il avait rejointe sur décision de Trump.

« Je pense que les EAU continueront à fournir un soutien logistique aux Gardiens de la République, aux Brigades des géants et aux forces du Conseil de transition du sud. La paix et la stabilité au Yémen sont encore bien loin à ce stade », estime Albasha.

Pourtant, certains Yéménites doutent que les Houthis soient capables de lancer des drones contre les EAU en traversant l’Arabie saoudite.

« On sait que l’escalade à Chabwa et Marib contre les Houthis a eu lieu après le feu vert des EAU et on sait que les Houthis veulent se venger », déclare à MEE Mohammed Ali, journaliste et commentateur.

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« Cependant, je ne peux pas croire que les Houthis aient des armes capables de viser les EAU », ajoute-t-il. « Si c’était le cas, cela signifierait qu’ils sont une grande force qui peut véritablement menacer les pays voisins. »

Pour lui, ces drones auraient pu être envoyés depuis l’Iran « mais les Houthis ont été ravis de revendiquer [l’attaque] pour montrer qu’ils disposent d’armes modernes ».

« Les mois à venir montreront au monde si c’étaient les Houthis ou pas, mais personnellement, je doute que ce soit les Houthis. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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