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Égypte : attention, Big Brother vous transporte... et vous filme !

Un taxi qui enregistre vos faits et gestes pour le compte des services de renseignement : voilà Dubsi, le nouvel « Uber » égyptien
Une station de taxis au Caire (AFP)
Par MEE

Une enquête du quotidien panarabe al-Araby al-jadid qui titre : « Dubsi, 100 000 unités mobiles du renseignement dans les rues d’Égypte » revient sur cette application de transport d’usagers qui inquiète beaucoup au pays d'Abdel Fattah al-Sissi.

Dubsi est la nouvelle application concurrente d’Uber, qui rencontre, comme par hasard, des problèmes en Égypte. Selon le journal, l'idée de cette application aurait été soufflée par les services de renseignement généraux (les moukhabarat) égyptiens, sous l’impulsion du général Mahmoud al-Sissi, fils du président et « étoile montante » au sein de ces services.

Selon une source sécuritaire citée par al-Araby al-jadid, c’est Mahmoud al-Sissi qui a relancé l’idée de profiter d’une application de mise en contact entre utilisateurs et chauffeurs pour espionner plus efficacement les Égyptiens dans leur quotidien.

Vaste réseau de surveillance 

Quelque 100 000 voitures seraient donc mobilisées bientôt par une société privée, avec comme particularité, la capacité de filmer et enregistrer en audio tout ce qui se passe durant la course.

« Ainsi, les services de sécurité auront une image assez complète des orientations, des opinions et des idées de millions de personnes et pourront capter tout phénomène social qui serait une menace pour la sécurité publique », poursuit l’auteur de l’enquête.

En mai 2018, les autorités égyptiennes ont décrété que les sociétés de transport via des applications devaient garder les données des clients durant 180 jours. Surtout, ces données doivent être communiquées quand il le faut aux services de sécurité.  

https://www.facebook.com/Rak.Lever/posts/10157157597490170

Traduction : « Moi, quand le chauffeur de Dubsi demande mon opinion sur la situation du pays »

La société qui gère Dubsi et qui offre pour la première fois tous les moyens de transport, y compris des hélicoptères et des bateaux, a tenu à démentir tout lien avec la sphère sécuritaire, insistant sur le fait que l’entreprise était aux mains d’ hommes d’affaires égyptiens.    

En juin 2017, le New York Times révélait que l’un des concurrents d’Uber en Égypte, Careem (société basée à Dubaï et opérant dans 55 villes), avait reçu une proposition délicate de la part des services de renseignement égyptiens.

La cybersurveillance en vogue chez Sissi

« Lors d’une réunion avec le directeur général de Careem, Mudassir Sheikha, les services de renseignement de l’armée égyptienne ont offert un traitement préférentiel en échange de l’accès aux données de la société et du conducteur », précise le journal. La société a refusé l’offre et se trouve depuis confrontée, comme Uber, à plusieurs soucis légaux et économiques.  

« Les services de sécurité peuvent déjà suivre les Égyptiens via leurs téléphones portables. Mais l’espionnage en covoiturage en dit long sur les ambitions de Monsieur Sissi en matière de surveillance électronique, alors que son gouvernement a déjà emprisonné des citoyens pour avoir publié des messages sur les réseaux sociaux, piraté des activistes en utilisant de faux courriels et bloqué des applications de messagerie cryptées », faisait remarquer le New York Times.  

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