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Israël délivre des ordres d’expulsion et de démolition à des Palestiniens de Jérusalem-Est

Une trentaine d’habitations palestiniennes ont fait l’objet d’ordres d’expulsion dans la vieille ville de Jérusalem et ses environs, alors que Wadi Hummus fait face à d’autres ordres de démolition
Un policier israélien se tient devant une maison appartenant aux Siyam, alors qu’une Palestinienne regarde par la porte au cours de l’expulsion de sa famille, à Silwan en juillet 2019 (AFP)

Les autorités israéliennes à Jérusalem-Est occupée ont délivré ce lundi des ordres d’expulsion visant une trentaine d’habitations palestiniennes dans plusieurs quartiers, a rapporté Wafa, l’agence de presse officielle de l’Autorité palestinienne.

Tous émis entre dimanche et lundi, les ordres d’expulsion demandent notamment l’évacuation de 22 habitations dans le quartier de la vieille ville de Bab al-Silsila (« porte de la Chaîne »), privant de domicile près de 200 membres de 22 familles palestiniennes.

« Nous vivons ici depuis des années, nous resterons coûte que coûte dans la maison et ne la quitterons pas, même si elle s’effondre sur nos têtes »

- Faiza Abu Asab, habitante de Bab al-Silsila

Les maisons, situées sur le chemin menant au complexe de la mosquée al-Aqsa, présentaient des fissures dans leurs murs dues aux fouilles archéologiques effectuées par Israël sous la vieille ville, une pratique qui a affecté la solidité d’un certain nombre d’habitations à Jérusalem.

Faiza Abu Asab, une des habitantes de Bab al-Silsila, explique à Middle East Eye que les fouilles israéliennes ont rendu les maisons « inhabitables » dans la mesure où certaines portions de murs se sont effondrées ou présentent de larges fissures.

Selon elle, les habitants craignent que leurs maisons ne soient saisies par les Israéliens dans le cadre d’une politique connue sous le nom de « judaïsation », dont le but est d’effacer la présence palestinienne à Jérusalem.

« Nous vivons ici depuis des années, nous resterons coûte que coûte dans la maison et ne la quitterons pas, même si elle s’effondre sur nos têtes », soutient Faiza Abu Asab.

Une famille expropriée au profit d’un groupe de colons

Dans le même temps, la cour de justice israélienne de Jérusalem a statué ce dimanche en faveur de l’expulsion de seize membres de la famille Rajabi de leur immeuble de trois appartements dans le quartier de Batn al-Hawa – une décision qui affectera des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées.

Le bâtiment de trois étages appartenant à Nasser al-Rajabi sera remis au groupe de colons israéliens Ateret Cohanim.

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Ateret Cohanim a lancé des dizaines de procès contre une centaine de familles palestiniennes vivant à Batn al-Hawa et exposé ainsi 700 personnes à un danger d’expulsion, selon le groupe israélien de défense des droits de l’homme Peace Now.

Batn al-Hawa se trouve au sud de la vieille ville, près des quartiers de Silwan et de Wadi al-Hilweh, qui ont également été la cible de groupes de colons cherchant à exproprier des habitants palestiniens et à mener des fouilles archéologiques sous des maisons palestiniennes.

« Quelque quatorze familles palestiniennes ont déjà été évacuées de Batn al-Hawa et près de cent autres familles font face à des procédures judiciaires dans le cadre d’affaires d’expulsion », a déclaré Peace Now dans un communiqué.

L’ONG israélienne Ir Amim a pour sa part averti dans un communiqué qu’« en cas de succès d’Ateret Cohanim, Batn al-Hawa devrait devenir le plus grand complexe de colonisation dans un quartier palestinien du bassin de la vieille ville, ce qui aurait pour conséquence de resserrer considérablement le cercle émergeant de l’activité de colonisation parrainée par l’État autour de la vieille ville et de compromettre gravement la possibilité d’une future solution à deux États à Jérusalem ».

Nasser al-Rajabi se bat depuis quatre ans contre l’expulsion de sa famille. Il indique à MEE que 88 autres maisons du secteur ont également été visées par une menace d’expulsion.

« De quel droit viennent-ils nous demander de partir et prétendre que cette terre est à eux ? », demande-t-il. « La police et les services de renseignement israéliens nous harcèlent constamment et nous avons reçu des amendes chaque fois que nous avons rénové les maisons ou ajouté des pièces. »

« Dans la même ville, à la suite de la même guerre, deux populations ont perdu des propriétés mais une seule a le droit de réparer l’injustice historique et de retrouver ses propriétés […] »

- Peace Now

Les colons israéliens fondent leurs revendications sur une loi israélienne de 1970 qui stipule que les terres appartenant à des juifs avant la création de l’État d’Israël en 1948 doivent être restituées à leurs propriétaires d’origine et à leurs descendants. La législation ne s’applique pas aux Palestiniens.

À Batn al-Hawa, Ateret Cohanim affirme que les terres ont été affectées à un trust juif au profit de la communauté juive yéménite à Jérusalem au XIXe siècle – et soutient que les Palestiniens qui ont construit leurs maisons légalement dans le quartier après 1948 doivent être expulsés afin que les terres soient restituées.

« Dans la même ville, à la suite de la même guerre, deux populations ont perdu des propriétés mais une seule a le droit de réparer l’injustice historique et de retrouver ses propriétés, tandis que la seconde, qui vit parfois à quelques centaines de mètres de ses propriétés, ne peut pas [y] retourner », a déclaré Peace Now dans son communiqué.

En juillet, la police israélienne a expulsé une mère célibataire et ses quatre enfants de leur habitation dans le quartier de Silwan afin de la remettre à l’organisation de colons Elad.

Une vague d’ordres de démolition

Dans le même temps, une autre série d’ordres de démolition a visé quatre maisons à Wadi Hummus. Dans le quartier d’Issawiya, plusieurs habitants ont reçu des notifications de démolition leur demandant de démolir eux-mêmes leur propre maison, faute de quoi ils devraient couvrir les frais si les autorités israéliennes procédaient aux démolitions.

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Wadi Hummus, un quartier du village de Sur Bahir, a une situation administrative particulière dans la mesure où il se situe dans les zones A, B et C de la Cisjordanie – les deux premières étant administrées par l’Autorité palestinienne (AP), l’autre par l’armée israélienne conformément aux accords d’Oslo de 1993.

Bien qu’il fasse partie de la Cisjordanie, Wadi Hummus se trouve du côté hiérosolymite de la barrière de séparation illégale d’Israël, ce qui signifie que ses habitants ont beaucoup plus accès à la ville que les Palestiniens de l’autre côté du mur – tout en vivant effectivement sous le contrôle direct d’Israël.

En juillet, dix maisons ont été démolies à Wadi Hummus, ce qui a créé un dangereux précédent pour les propriétés palestiniennes situées dans la zone A.

En vertu des accords d’Oslo, Israël n’a pas son mot à dire sur la construction de maisons dans les zones A et B. Cependant, une décision militaire israélienne de 2011 a décrété qu’Israël pouvait désormais démolir des bâtiments dans les zones administrées par l’AP – et Wadi Hummus a été le premier secteur affecté par ce changement.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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