Méziane Azaïche, le baron algérien du cabaret parisien
Arrivé à Paris à la fin des années 70, Méziane Azaïche ne l’a plus jamais quittée. Depuis vingt ans, il y ravive l’esprit du cabaret à travers la production de spectacles aussi magiques qu’engagés.
C’est au beau milieu d’un terrain vague de la Villette, dans la petite roulotte en préfabriqué qui lui fait office de bureau, qu’il nous reçoit.
À travers la fenêtre, on peut apercevoir le chapiteau de son Cabaret sauvage, haut lieu de divertissement culturel à Paris, mais surtout symbole de son dévouement pour les arts du spectacle.
La bohème de Ménilmontant
Né le 21 juillet 1955, Méziane Azaïche passe son enfance dans les montagnes de la Kabylie, sur un rocher où est installée sa maison de famille. À 20 ans, il quitte pourtant sa province pour effectuer son service militaire, se retrouvant à participer au conflit opposant le Maroc au Front Polisario, que l’Algérie soutient à l’époque. Une expérience difficile et traumatisante qui le convainc de quitter le pays.
Direction 43, boulevard de Ménilmontant à Paris, où le jeune homme rejoint son père, qu’il aide dans un bistrot de quartier. Après une affaire avortée avec son oncle, il commence à errer au cimetière du père Lachaise, rôdant entre les tombes et plus particulièrement celle de Jim Morrison. Au fil de ses déambulations quotidiennes, il en devient même une sorte de guide non officiel pour les touristes de passage, qui lui donnent des pourboires.
« Pour moi le cabaret, c’est le lieu idéal pour exprimer tout ce que l’on a sur le cœur. On peut y parler d’art, d’amour, de politique. Et passer d’une émotion à une autre sans transition. C’est pour moi la réelle définition de la liberté et c’est pour cela que j’ai quitté mon propre pays »
- Méziane Azaïche
À la même époque, un ami de son père lui confie une modeste somme d’argent qu’il utilise pour racheter aux enchères un café abandonné de la rue des Pyrénées : le baladin. Sa première entreprise est lancée. Plus qu’un bar, le lieu organise également des concerts gratuits.
« Le baladin était un lieu ouvert à tout le monde et notre but était de pouvoir payer des artistes en les faisant jouer dans le café », déclare Méziane Azaïche à MEE. Une mission qu’il veut poursuivre en fondant l’association Culture au quotidien, dont le but est de monter des spectacles dans des lieux populaires en mettant en relation des bars et des artistes.
Devenant rapidement trop petit, le Baladin est suivi de l’ouverture du Zéphyr à la fin des années 80, rue Jourdain, où Méziane Azaïche rachète un ancien restaurant gastronomique. Avec la grâce d’un funambule, il navigue entre son amour du peuple, de la musique et des artistes, poussant toujours plus loin la magie du spectacle.
En l’espace de quatorze ans, il parvient à attirer une nouvelle clientèle et transforme l’adresse en lieu incontournable fréquenté par des artistes célèbres comme Jacques Higelin et Arthur H.
Amour du spectacle et Cabaret sauvage
En 1994, il fait un pas de plus sur la piste en louant le Magic Mirror, chapiteau de bois et de velours installé à la Villette, et créé son premier spectacle de cabaret avec l’ancien groupe de Arthur H, le Bachibouzouk.
« Pour moi le cabaret, c’est le lieu idéal pour exprimer tout ce que l’on a sur le cœur. On peut y parler d’art, d’amour, de politique. Et passer d’une émotion à une autre sans transition. C’est pour moi la réelle définition de la liberté et c’est pour cela que j’ai quitté mon propre pays », confie-t-il.
Initialement supposée durer quelque semaines, la représentation, intitulée Cabaret sauvage, s’installe finalement quatre mois, accueillant jusqu’à 25 000 spectateurs. Une expérience magique que l’entrepreneur de spectacles n’arrive pas à quitter, si bien qu’il décide de prolonger la fête en faisait construire son propre chapiteau.
Et comme la chance possède une place centrale dans l’histoire fantastique de Méziane Azaïche, c’est grâce à l’aide financière d’un ancien plongeur du Zéphyr, qui vient de gagner au loto, qu’il parvient à ouvrir la version physique du « Cabaret sauvage » en 1997.
« Le cabaret est pluriel et chacun peut créer le sien. Tout le monde a un cabaret dans sa tête et moi je voulais faire un cabaret où je me sentirais épanoui », commente-t-il.
Véritable acrobate du divertissement, il y produit des spectacles mythiques et engagés, comme Barbès café, qui raconte l’histoire de l’immigration en musique, ou encore Cinq nuits d’un destin, où il fait venir 50 musiciennes d’Algérie et d’Europe pour jouer ensemble sur fond de guerre civile algérienne. Une création à laquelle participe une chanteuse à l’époque encore méconnue, Souad Massi.
À maintenant 64 ans, Méziane Azaïche n’en possède pas moins d’étoiles dans les yeux et de projets dans la tête. Il ambitionne notamment d’agrandir son chapiteau et d’améliorer l’acoustique avant l’été, mais prévoit aussi deux nouveaux shows sur le vivre-ensemble et l’histoire des chanteuses algériennes venues se produire en France des années 50 à nos jours.
En attendant, c’est la musique chaâbi qu’il célèbre avec Casbah mon amour. Ce même amour qu’il porte au spectacle et à la musique depuis toujours.
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