Pour Zina Hamzaoui, l’islam ne doit pas être l’ennemi d’une sexualité épanouie
« J’essaie de leur apprendre que la sexualité, ce n’est pas uniquement la génitalité. C’est aussi de l’affectivité, des moments d’attention, des petits SMS, des regards, des jeux, de la présence. Mais ce sont des choses qu’on ne nous a pas apprises et qu’on découvre une fois marié[e] ! ».
Zina Hamzaoui n’a pas encore 30 ans et elle a choisi de s’attaquer au problème des frustrations sexuelles dans la communauté maghrébine belge. Dans son cabinet, basé à Molenbeek, elle combat la hchouma, un concept maghrébin qui désigne la honte générée par les tabous.
« En tant que musulman, on peut et on doit avoir une sexualité épanouie »
- Zina Hamzaoui
« Mon combat, c’est la hchouma qui tue à petit feu avant et après le mariage et qui provoque tant de souffrances », explique la sage-femme et sexologue à Middle East Eye.
« En tant que musulman, on peut et on doit avoir une sexualité épanouie. Mais ce discours, nous n’avons pas l’habitude de l’entendre, d’une part par méconnaissance de la religion, d’autre part, parce que le discours pour répondre aux besoins des messieurs est très masculinisé. »
Pour autant, Zina Hamzaoui se défend d’être une féministe qui exclut les hommes. « Je ne laisse pas les hommes de côté, loin de là. Le but aussi est de comprendre que notre bien-être passe par le bien-être des femmes et celui des hommes. »
Sage-femme, elle a décidé de se spécialiser dans la sexologie après plusieurs plaintes de ses patientes. « J’étais souvent interpellée sur des questions liées à la sexualité par des femmes enceintes ou qui venaient d’accoucher », raconte à MEE celle qui est par ailleurs jeune maman.
« Je sentais qu’il y avait un réel manque d’informations de la part du monde médical, des informations qui aurait dû être données, et je remarquais que certaines femmes avaient besoin de quelqu’un qui comprenne leur culture et leur culte pour pouvoir répondre à leurs questions. Ce fut une évidence pour moi, la sexologie allait être ma spécialité. »
Que ce soit sur les réseaux sociaux ou lors des conférences où elle est invitée à Bruxelles, Zina Hamzaoui affiche clairement ses croyances religieuses en lien avec l’éducation sexuelle. « Quand on partage et que l’on connaît les références culturelles et religieuses d’une personne, celle-ci nous fait confiance et on gagne beaucoup de temps », souligne-t-elle en essayant d’expliquer son succès.
« C’est haram, c’est hchouma »
Parmi les pathologies auxquelles la jeune sexologue est régulièrement confrontée, il y a le vaginisme, ce blocage psychologique qui entraîne des contractions involontaires des muscles du vagin, rendant difficile et douloureuse la pénétration vaginale.
Pour Zina Hamzaoui, le problème vient en grande partie d’une éducation taboue et culpabilisante sur la sexualité : « Le vaginisme est assez fréquent dans la communauté arabo-musulmane. Dans mon cabinet, c’est le premier motif de consultation. C’est la suite logique de l’absence d’éducation sexuelle », explique-t-elle.
« Quand on dit à une jeune fille tout au long de sa vie ‘’C’est haram [interdit par l’islam], c’est hchouma [honteux]’’, il est clair que lorsqu’arrive sa nuit de noces, une femme se retrouve angoissée. Elle ne pense même pas au plaisir, elle pense au moment qu’elle doit affronter. »
« Il ne faut pas hésiter à lire, à travailler sur ses croyances, à les interroger, et consulter si besoin »
- Zina Hamzaoui
Une des injonctions récurrentes dans les familles musulmanes est la virginité. Zina Hamzaoui prône le fait de préserver sa chasteté jusqu’au mariage mais s’insurge contre la fixation qui en est faite : « Tout ce culte tiré par les cheveux autour de l’hymen ! À croire que la dignité d’une femme se résume à cette membrane qui est présente et parfois absente dès sa naissance ! », s’indigne la sexologue, qui remarque par ailleurs que les hommes ne sont pas épargnés.
Les troubles de l’érection et d’éjaculation précoce, fréquents, sont résolus par ZinaHamzaoui, adepte de la sexothérapie, sans traitement médicamenteux. « À l’image des traitements des troubles féminins, il s’agit de discuter, d’éduquer. Il faut juste comprendre la situation et dédramatiser », rassure-t-elle. Et souvent, à l’origine du problème, la spécialiste relève une situation de célibat prolongé et de mariage tardif.
Elle note aussi que la pornographie génère d’énormes dégâts au sein des couples qu’elle reçoit. « Ces pratiques obscènes et vulgaires mettent la femme dans un état de soumission. Les hommes qui ont visionné du contenu pornographique parfois pendant plusieurs années et qui l’assimilent à la sexualité, très souvent sans affect ni relationnel, mais avec de la violence, vont droit dans le mur », souligne-t-elle.
« On sait que pour une femme, les préliminaires, l’émotionnel et la douceur sont très importants. Passer du pornographique à la réalité s’avère brutal pour les deux », constate-t-elle.
« L’homme, enfermé dans cette angoisse de performance à l’image de l’acteur qui lui sert d’exemple, peut perdre tous ses moyens. En face de lui, la femme, qui se persuade qu’elle n’est pas digne de cet homme si elle n’arrive pas à le satisfaire, se pousse parfois à faire des choses qu’elle n’admet pas et qu’elle a raison de ne pas admettre. »
Pour Zina Hamzaoui, le bien-être n’est pas si compliqué à trouver. « Il ne faut pas hésiter à lire, à travailler sur ses croyances, à les interroger, et consulter si besoin. Je souhaite à mes patients de se libérer des tabous qui inhibent ou qui freinent leur désir sexuel, et de prendre conscience que la sexualité est un bienfait que Dieu nous a donné ! ».
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